Quand la politique veut rendre la parole au peuple…

par Samuel Moleaud
vendredi 17 février 2012

…Elle ne l’écoute pas nécessairement ! Devant un peu plus de 2000 personnes, voilà que la course au pouvoir gagnait un candidat jeudi 16 février 2012. On pourrait marquer ce jour dans les anales de la démocratie, puisqu’il symbolise celui où son fossoyeur prit la parole pour annoncer le naufrage de la France dans un autoritarisme d’extrême-droite.

Ainsi, voilà que les électeurs découvraient son slogan de campagne : « La France Forte ». Le portrait du candidat ? Une photo de profil au regard vide, vague, moribond, fuyant à droite du cadre, qui ne cache pas un certain rictus cynique qui pourrait signifier une pensée du style « je vais bien vous saigner ». Un regard malicieux plongé vers on ne sait où, sans doute comme l’œil du crocodile qui fait mine de regarder de côté alors qu’il s’apprête à bondir pour vous croquer. Le tout sur fond d’une mer bleue d’huile, sans doute pour montrer une velléité d’apaisement là où il se nourrit en réalité avidement, du chaos qu’il va laisser au champ de ruines sociales du pays.

Avant que de s’intéresser aux mots retenus du discours d’Annecy, on voit déjà le virage de N. Sarkozy et de sa clique de l’UMP se faire vers l’extrême-droite. Il ne s’agit plus de voler des voix au Front National pour gagner une bataille électorale : depuis quelques mois, il s’agit tout simplement de mettre à sac le pays, peuple contre peuple, classe contre classe, afin de récolter les fruits d’un futur choc économique : le naufrage annoncé de la république vers une sorte de néofascisme européen. Tout y est, sur la photo : la posture autoritaire, le visage fermé, le slogan qui n’est pas sans rappeler l’idée d’une France Pétainiste lavée des faibles et des parasites qu’elle s’est donnée. Et puis les couleurs, le fond de l’image, qui semblent vouloir dire « Ne vous inquiétez pas, soyez calmes braves gens, le petit père de la Nation est là… ». En un mot, la France Forte, mais nauséabonde.

Et puis vint le discours, enfin les bribes que les médias ont bien voulu nous lâcher. Son stratagème pour assurer sa réélection est de se poser en victime demandant pardon aux gens de n’avoir pas pu faire son programme en cinq ans. Comme si les critiques (des gens de gauche) qui lui sont adressées par une partie des français depuis 2003-2004, l’avaient empêché de rendre la vie meilleure en France. Nous savons désormais que c’est faire un mensonge éhonté que d’associer le président au concept du bien-être social. Le requin voudrait-il le bonheur des nageurs à la dérive ?

« Je veux rendre la parole à la France qui dit non », dit-il avant de rappeler ses projets de référendums sur les chômeurs et l’immigration. Si le candidat de l’UMP souhaite redonner la parole aux citoyens, qu’il annonce un référendum au sujet du prochain traité européen qui prévoit la ratification d’un accord passé fin janvier 2012, qui asphyxie, pille l’État de ses ressources, et qui sera appliqué et imposé en catimini.

1-Un référendum sur la formation des chômeurs ? C’est encore une bonne vieille ritournelle néolibérale et préconçue qui voudrait qu’un chômeur est quelqu’un d’assisté qui ne veut pas travailler. Ce postulat a déjà été contrecarré à mains égards, mais il persiste et signe. Plus, il enfonce le clou : il voudrait que chaque chômeur suive une formation obligatoire à la suite de quoi il serait contraint d’accepter un emploi correspondant à la formation subie et reçue, sous peine de radiation des listes de Pôle Emploi.
En France, nous sommes des millions de jeunes à sortir de l’enseignement avec au moins un diplôme de bac+2, voire bac+5 et bac+8. Les jeunes de classes moyennes et supérieures font des études supérieures pendant parfois dix ans à l’université, et sont frappés par le chômage à 25 ans à cause d’un marché du travail volontairement saccagé. Et il faudrait qu’on oblige ces jeunes à suivre une formation supplémentaire ? Donc M. Sarkozy devra s’expliquer avec ces familles qui sacrifient leurs modestes revenus à l’éducation de plus en plus chère pour mettre leurs mômes « à l’abri » ! Qu’il aille leurs dire à ces travailleurs pauvres qu’ils ont trimé pendant dix ou quinze ans pour rien. Et puis pour d’autres qui n’ont pas eus la chance d’aller à l’université : cela peut être une bonne idée que d’offrir des formations aux « demandeurs d’emplois », en est-ce une bonne de leur imposer des boulots à coups sur dégradants et sous-payés ? Ce mécanisme, en embauchant des hommes morts sur pattes en sous-main, risque d’aggraver encore le taux de chômage étant donné que rien ne sera fait dans le sens d’une véritable « insertion » sociale, mais au contraire, tout pour rendre les travailleurs serviles.

Et puis vient la question centrale : quelle formation pour quels emplois ? Voudrait-il obliger les chômeurs, qu’importe leur âge et leurs compétences, déjà stigmatisés et injuriés car taxés d’imbéciles, à suivre des formations de nettoyeur de poubelles, de cireur de pompes en cuir pour banquier ? Des formations de caissier après un bac+5 en économie ? Nous pourrions envisager une formation de tirailleur afin d’obliger les chômeurs de plus de 55 ans à s’engager dans l’armée pour aller tuer de l’iranien aussi tant que nous y sommes ! Non content d’avoir contribué à délabrer le tissu social de la 5ème puissance mondiale, notre président-candidat d’extrême-droite fait volte-face devant 20% de la population active, pour les frapper encore un coup de plus dans le dos.


J’ai peut-être eu l’outrecuidance d’avoir suivi des études supérieures, qui sait, la honte de m’être cultivé un petit peu pendant ce temps, bien que sans lire la Princesse de Clèves, je sais à présent que cette couleuvre néolibérale permettra de réduire les salaires des gens de condition modeste, face à une inflation qui sera, elle, galopante. Cette réforme servirait à mettre tous les chômeurs en situation de soumission, en état de repli sur soi, voir de dépression, et à multiplier les contrats à durées déterminées, les missions d’intérim courtes. En bref, réduire les coûts sociaux de production. Ajoutons à cela l’idée du président que les conditions de travail seraient négociés « de gré à gré », c'est-à-dire selon la bonne volonté de l’entreprise, cela augure la mise à mort des chômeurs.

Fin 2011, 9,6% de la population active se trouve au chômage, dont 23% des jeunes de moins de 25 ans. En comptant les autres catégories non prises en compte par l’Insee, on doit frôler les 20% de la population active au chômage. Un triste record qui signifie que chaque famille est liée au chômage, de près ou de loin. Mitrailler le droit social à l’égard des chômeurs en 2012, tel qu’il le fait, c’est prendre les gens pour des abrutis qui applaudiraient celui qui les insulte.

2- Un référendum sur l’immigration ? Monsieur S. propose de confier le contentieux des étrangers à une seule juridiction, contre deux actuellement. Le bon sens voudrait que l’on propose d’arrêter de piller l’Afrique avec nos multinationales, de laisser ces gens avoir une vie décente et qu’ils profitent de leurs ressources naturelles, de donner un peu moins l’envie à ces victimes du capital de venir, ceux qui croyant trouver un eldorado en Europe, trouvent la misère, la rue ou bien la mort. Et bien le pouvoir fait l’inverse en proposant de rendre complètement arbitraire l’expulsion des étrangers, car soumise à un seul juge administratif. Ce serait la suppression du juge des libertés et de la détention (juge judiciaire), magistrat qui contrôle la légalité des mesures de rétention administrative…C’est le juge qui s’intéresse aux conditions de détention, on comprend pourquoi il serait supprimé ! La manœuvre serait en fait, illégale au regard de la Constitution, mais comme d’habitude, cela ne gêne pas les auteurs-communicants de ces propos.

3- Je reviens ici très brièvement sur une phrase qui m’a choqué de son discours : « J’ai pu mesurer pendant cinq ans à quel point les corps intermédiaires font écran entre le peuple et le gouvernement : les syndicats, les partis, les groupes de pression, les experts, les commentateurs, tout le monde veut parler à la place du peuple sans jamais se soucier de ce que le peuple veut, de ce qu’il pense et de ce qu’il décide, comme si le peuple n’était pas assez intelligent, pas assez raisonnable » J’espère que cette citation mettra la puce à l’oreille à tous ceux qui s’apprêtent à voter pour cet homme. En utilisant l’argument de la parole au « peuple », il réutilise le vocabulaire du candidat du Front de Gauche, signe que les élites capitalistes commencent à trembler que la population souhaite avoir son mot à dire. Ensuite, il annonce en une minute qu’après avoir tranché les chômeurs et travailleurs de ce pays, il proposera une suppression des syndicats, des partis politiques et des commissions d’enquêtes ou d’expertises, sous le prétexte que ces « corps intermédiaires » (comprendre les remparts à aux pleins pouvoirs personnels), s’arrogent la parole des gens, « sans jamais se soucier de ce que le peuple veut ». Si lui s’en souciait, de ce que la population souhaite, il ne se serait pas représenté aux élections. C’est vrai qu’être responsable devant les experts et les commentateurs, ça oblige à soigner son discours, c’est une tâche fatigante pour un peuple vu comme ignare ! Donc voilà ce qui nous attend : verrouillage des médias, liquidation des institutions républicaines (partis politiques, syndicats, participation politique) au profit d’un seul, le Président Père de la Nation. On a longuement taxé Mr Mélenchon de populiste car il serait un tribun assoiffé de gesticulations d’oriflammes rouge et de vindicte populaire. Cette phrase contre les « corps intermédiaires », pour le coup l’est réellement, et rappelle à mon humble sens, le populisme des années militantes d’un certain Pierre Poujade…Bref, passons.

 Ce candidat voudrait que les électeurs s’expriment sur ces deux sujets, après l’élection. Au même moment, deux projets de lois visant à ratifier un traité européen sera soumis au vote à l’Assemblée Nationale mardi 21 février dans le mépris le plus total de la population, et dans le silence le plus criant des médias. Le président-candidat sait qu’il sera refusé s’il soumet ce traité à l’approbation du peuple, et l’impose en silence sur son tandem franco-allemand, pour ne pas revivre la débâcle de De Gaulle en 1969 après avoir perdu son référendum.


4- Le Mécanisme Européen de Stabilité Financière : Mardi 21 février, les députés sont appelés à voter pour ratifier le Mécanisme Européen de Stabilité, traité instituant une sorte de FMI européen. Cette instance est censée en substance faciliter l’attribution de fonds à un pays en cas de crise de sa dette publique. Mais ce mécanisme donnera des pouvoirs exorbitants à la troïka (FMI, BCE, Commission Européenne) qui obligera les États à respecter de nouveaux critères draconiens dans leur politique économique. La politique de rigueur sera inscrite dans la Constitution (Règle d’or), avec pour toile de fond la contrainte de limiter les dépenses publiques : autrement dit, ils enregistrent dans le marbre des constitutions la privatisation et la récession des États, quiconque ferait une relance économique par la hausse massive des dépenses (impliquant des recettes supérieures), se trouverait dans l’illégalité.

 Mais il y a pire. En cas de crise de la dette, c'est-à-dire si un État membre est déclaré non solvable et "blacklisté" par ses créanciers étrangers comme étant en défaut de paiement, l’instance du MES interviendra. Celle-ci basée à Bruxelles devra être en mesure de réunir les fonds (700 milliards d’euros négociés arbitrairement et sans plafonnement) de manière « irrévocable et inconditionnelle », c'est-à-dire que les gouverneurs de l’agence (ministres des finances des gouvernements membres) puiseront dans les caisses de l’État, impôts des contribuables, sans aucun droit de regard, sans veto, et sans autorité parlementaire de contrôle. Il est prévu qu’ils pompent ces milliards en seulement 7 jours. Les gouverneurs auront une totale impunité judiciaire, mais par contre, pourront poursuivre en justice les gouvernements qui ne respecteront pas le traité ! C’est un achèvement des peuples, le traité est imposé sous forme d’une aide à la Grèce, à l’Italie, à l’Espagne, bientôt la France. Mais obliger par la loi un plombier de mettre un chewing-gum sur une fuite plutôt que de l’étain pour faire une bonne soudure, comme un État s’endette sur les marchés financiers pour payer ses dettes, c’est raisonner à l’inverse du bon sens et de « l’aide » ou de la « solidarité ».
 
 En 1992, le traité de Maastricht instituait les critères de convergence, ceux vers lesquels tous les États membres devraient converger pour développer un marché unique dynamique, performant et compétitif (on aurait déjà du se méfier de ces trois mots). A l’époque, le débat était partagé entre les partisans d’une coopération économique (gouvernements nationaux souverains) et une intégration, véritable fusion des économies vers Bruxelles. Ils ont mis en place trois règles déjà impossibles à tenir avec une politique libérale : dette publique inférieure à 60% du PIB, déficit public inférieur à 3% du PIB, stabilité du taux d’inflation. Avec le Mécanisme Européen de Stabilité Financière, il s’agira de réduire le déficit non plus à 3% mais à 0,5% du PIB ! Soit un budget quasiment nul.

 Ce qu’il résulte de ce traité camouflé est clair : comme les États alourdiront en permanence leur dette publique pour contribuer au MES, ils devront continuer à emprunter des sommes dantesques aux banques privées. Et lorsqu’ils seront en crise de leur dette, ils seront contraints de transférer les compétences publiques qu’il leur restera au privé, en privatisant les services publics. Encore une fois, c’est résumé, mais les grands gagnants de ce pillage annoncé, sont les banques et les institutions financières qui parviendront à engloutir toute la zone euro. Contre ce coup d’État des financiers agissant dans l’ombre du couple Merkel-Sarkozy, une pétition a été lancée pour que chaque individu se sentent concerné adresse à chaque député une demande de refus lors du vote parlementaire (cf. mon dernier article).

 Une dictature est en train de se mettre en place en Europe, ce n’est pas que N. Sarkozy. Partout dans le continent, les partis de droite deviennent d’extrême-droite, et les sociétés sombrent dans une sorte d’oligarchie néofasciste. Je répète que c’est une reproduction de l’Histoire des classes : après une crise majeure, se forme un virage vers le socialisme ou bien le fascisme. Soit les peuples s’unissent et socialisent leurs richesses afin de ne pas recommencer les erreurs du passé, soit ils se laissent abattre en acclamant un chef autoritaire qui installe un fascisme par réaction conservatrice ! Or c’est la dernière solution que préfèrent adopter les dirigeants du capital, car un régime autoritaire (voire militaire) fasciste permet de continuer, à faire du profit sur le dos des gens (suppression des syndicats, conventions collectives, partis politiques, guerres, politiques racistes, etc.).

Ce qui est nouveau c’est que cette année, le candidat du Front de Gauche est en train de donner des armes intelligentes (la pensée) aux gens pour lutter et résister ! Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat qui puisse réunir suffisamment de suffrages et de peser du poids pour donner une alternative anti-néolibérale et antifasciste à la France, par extension à l’Europe. Le NPA, Europe-Écologie/Les Verts et autres ne pèsent pas assez pour empêcher les terroristes financiers de prendre le contrôle des États. Et même le Parti Socialiste, s’il ne peut pas être pire que le Sarkozysme, n’empêchera pas les rentiers, banquiers et financiers de gouverner puisque son candidat est lui aussi un néolibéral et qu’il a intégré la couleuvre du remboursement de la dette, de l’austérité. Ce n’est plus une question de provenir du système ou non, de gauche ou de droite, mais de Résistance contre la dictature !

Il faut donner un maximum de voix au Front de Gauche si l’on souhaite mettre un coup d’arrêt à la guerre sociale des financiers !

Samuel Moleaud
http://sam-articles.over-blog.com
 


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