Quand le fruit est mūr...

par alinea
vendredi 6 juin 2014

Quand le fruit est mûr, on le cueille ; quand il est blet il tombe.

Rien ne sert de violer la femme que l'on désire, il vaut mieux la séduire, attendre le temps qu'il faut pour que les âmes accordent les corps.

 

la France sous Napoléon

Avant de faire de la France une fédération de régions, il faudra attendre, d'une part que nécessité soit faite, et d'autre part que les habitants y soient disposés. Toujours avec un peu de retard .

Je me trompe peut-être mais il me semble que cette histoire de régionalisation de la France date d'à peu près cinquante ans. Quand les régions se sont créées – ont été imposées, pardon- cela fut fait avec cette culpabilité de celui qui lance son chien dans un jeu de quilles ; ou plus exactement de ces parents qui veulent bien que leurs gosses ne vivent plus chez eux à leurs crochets, mais veulent garder, quand même, un oeil sur leur vie.

Le fric, telle une manne divine, est tombé et on vit, partout, des Hôtels de Régions, des locaux se construire, des humains avides s'avancer, s'immiscer, se placer dans ces rouages attrayants. Dans la mouvance moderne qui me fait penser à ce petit aparté :

À côté de chez moi est née, voilà un temps certain, une culture prospère ; Monsieur X eut l'idée de planter des vignes mères, ces vignes qui rampent sur le sol et que les marocains taillaient à l'automne, les transportant sur des remorques énormes et déjà longues, alors que ces fagots dépassaient de toutes parts, vers des hangars où des marocaines, elles, étaient embauchées à la taille pour en faire des boutures de 3Ocms vendues aux viticulteurs soucieux de replanter des vignes aux cépages plus fameux. Cinquante ans plus tard, cet homme, qui, s'il n'était pas dans son fauteuil défoncé pour faire ses affaires, étaient dans ses vignes, avait inondé le monde de ses cépages de Merlot, Cabernet, Syrah, Chardonnay et compagnie ; il était devenu milliardaire et possédait pas moins de quelques milliers d'hectares et de quatre ou cinq mas attenants. À l'âge de quatre vingt dix ans, il pensait qu'il était de bon goût de prendre sa retraire, et, n'ayant qu'une fille qui avait fait sa vie à tout autre chose, il décida de vendre. La mort dans l'âme, il nous dit : dans cinq ans, il n'y aura plus rien ! Vu le coût de l'opération, il ne trouva comme acquéreur que le Crédit Agricole et Groupama. Il ne resta pas six mois en vie. Ces banques et assurances commencèrent à virer le vieux fauteuil mais à détruire les vieux bâtiments, construire de nouveaux locaux, y installer une flopée de secrétaires devant des bureaux design dans des fauteuil neufs et ergonomiques et appliquèrent à cette « industrie » les règles qu'ils avaient apprises pour leur banques et assurances. Moins de deux ans plus tard, presque tout était revendu en pièces détachées, à perte bien entendu. Je passe sur le fait, important mais non déterminant, que conjointement, les USA, la Chine le Japon, l'Afrique du Sud avaient acquis la technique et, ayant planté en vigne ce qu'ils avaient à planter, n'avaient plus besoin de la Maison Gendre pour passer leurs commandes.

Eh bien, je ne sais pas si vous me suivez, mais pour les régions, c'est pareil ; on modernise ! On se fout évidemment totalement des peuples, des manières de faire ancestrales, des spécificités de l'une ou l'autre région, on arrose et on attend ! On sabre, on détruit, on construit, mais, on ne laisse pas tomber Paris dans les catacombes ; il suffit d'ouvrir une carte routière pour voir la direction des autoroutes, ou une carte ferroviaire de TGV pour voir la direction des trains !

Un livre ne suffirait pas pour vous narrer les extravagances de notre région LR, après Monsieur Blanc RPR, pendant le règne de Monsieur Frèche PS puis dissident jeté ! Monsieur Blanc était Lozérien, ma foi, la Lozère profita de son passage, le Parc National des Cévennes aussi, et je ne m'en plaindrai pas. Mais cet abruti de Frêche voulut faire de Montpellier la Capitale du Monde ; il se contenta d'en faire la capitale de France de la danse. Oh, on a pu y voir des merveilles ! Mais en attendant, la Lozère, le Gard et l'Aude tiraient la langue !! Pour nous, ici, cette région est un OVNI parachuté par Paris, qui ne sert qu'à nous coûter cher et à ramener au pays trois fois le nombre d'habitants qu'il y avait avant ! Ni la Belgique ni les Pays-Bas, ni l'Angleterre ni l'Allemagne, ni Paris ni l'Alsace ne donnèrent un sou à Frèche pour loger, faire les routes, les lycées, les écoles, les hôpitaux, les musées, les festivals... pour leurs ressortissants.

Le petit maire de Cacharel à Nîmes, vexé comme un pou de l'envolée de Montpellier, s'est mis en tête de faire de Nîmes une Capitale de... la corrida ? Pas seulement ; il ouvrit ses terres agricoles aux investisseurs et proposa gratuitement pendant x années l'implantation d'une zone dite de Ville Active, où l'on trouve tout ce que vous voulez ; des géants casino, à Décathlon, de Kiabi à Leroy Merlin... ne m'en demandez pas plus, je ne fréquente pas !! Pendant ce temps, en ville, les boutiques fermaient ! Et les habitants payent à l'heure actuelle, les impôts locaux les plus chers de France. Mais ils ont ont une Maison Carrée toute propre, un Carré d'Art épatant, des boulevards superbes, des arènes soignées, des places casse gueule mais piétonnes ; bref, la vraie vie. Aux frais des Nîmois, tandis que Frèche s'est débrouillé pour le faire aux frais des Languedociens et des Français !

Alès pouvait bien crever , avec ces mines qui ferment, ses chômeurs et ses communistes.

Une bonne partie du fric de la Région est passé pendant des années à Montpellier ! Et si les maires du Vigan ou de tataouine ne faisaient pas allégeance à Frèche : tintin !!

C'était le progrès qui nous tombait dessus.

L'Europe, ce progrès essentiel, nous fit prévoir un canal ( des canalisations) du Rhône à Barcelone pour alimenter cette ville en eau potable ; il n'y avait que peu de place pour foutre ces tuyaux, le projet a capoté ; le TGV tégève, l'autoroute voit passer à toute berzingue les gens du nord qui ont du cœur mais vont chercher le soleil en Espagne. La Crau, quasi la Camargue, quasi la Petite Camargue, ne font pas partie de la même région parce que pas dans le même département ! Arles est inféodée à Nice, tandis que Vauvert le sera bientôt à Toulouse ( oui, je sais, j'aurais pu dire Marseille et Montpellier, mais c'était moins croquant !). Au diable les Camarguais, juste des costumes folkloriques pour Flamands en mal de flamands roses.

Je parle d'ici, parce que je connais, et il y aurait à en dire, mais quand je vois que Grenoble fera partie de la même région que Clermond Ferrand, je mange mon bonnet ! J'ai bien compris, soyez sûrs qu'il n'est pas question de culture ni d'habitants dans cette histoire, mais juste faire des économies ; un coup on est prodigue, un coup on est radin ; mon tempérament me fait voir que pour le peuple d'ici, pour ses petites affaires et ses petites histoires, avoir été radins tout le temps aurait bien fait l'affaire.

Déjà que Grenoble était dans le même bain que Lyon, entraînant avec elle la Provence, la belle Provence, haute, celle qui se niche derrière le Ventoux !!! je n'ai jamais cherché à comprendre. Je suis un cul terreux, c'est vrai, mais jusqu'à il y a peu, je n'étais pas la seule ; aujourd'hui on a plus de touristes, de bobos, de rurbains, d'Européens du Nord que de natifs pendant que le cimetière se remplit et que les terrains se jachèrent.

Mais c'est pour la bonne cause, toute cette destruction : on va construire le monde avec, d'Oslo à Madrid les mêmes Zara, Prada, Vuitton Hugo Boss.. quel vocabulaire !! et jusqu'à Pékin !! Ne venez plus chez nous, vous avez les mêmes à la maison.

L'arbitraire, sous Napoléon, était plus proche du terroir.

J'habitais au sud sud de la Lozère ; impossible de faire ses courses dans le département, le cours d'eau, le Gard, descendait inexorablement vers la plaine, le fief qui porte son nom. Je me demandais comment il avait été possible de tracer une limite aussi bizarre entre le Gard et la Lozère, du moins dans ce coin là. Et bien, cette ligne matérialisait le climat ! Quasi au mètre près ; en Lozère, le climat de l'Aigoual, vent d'ouest, pluies fréquentes, frisquet quoi, cinq kilomètres plus bas, d'un pas à l'autre, joli soleil perçant des nuages s'évaporant ! Il n'y avait pas de route à ce moment à cet endroit, un vague sentier de mules ; ce n'est sûrement pas Napoléon qui a tracé ça sur sa carte depuis son bureau !!

J'ai toujours un moment de tristesse en pensant à Napoléon, Genghis Kahn, Hannibal et tous ces fiers conquérants : s'ils avaient vécu de nos jours, la terre entière n'aurait pas suffi à leurs débordements !! Bush, franchement, c'était un petit poids !! Les drones, les missiles, mais pourquoi faire dans ce mouchoir de poche qu'est devenue notre planète ! Il faut à l'homme tout planifier, tout gérer, mal, tout découper au carré, ne laisser aucun air à personne ; déjà qu'on ne peut plus compter ceux de notre département qu'on croise en voiture ailleurs !! Et ici, les deux mecs du coin, avec leur voiture rouge immatriculé 2A 2B !!

Je sais qu'on ne fait rien de bien de cette manière là : je sais qu'il faut du temps au temps pour changer les moeurs, et je sais que c'est une perte sèche de voir les mêmes partout !

Pour Tafta, on sait que dans vingt ans, le moindre péquin aura cinq cents euros de plus dans son porte monnaie à la Noël ; mais pour les régions, ils ne nous ont pas dit !! C'est important pourtant, les sous, cela emballe tous les votes !

Mais je sais aussi que l'on s'adapte à tout ; on peut vivre sous dictature, on peut vivre pendant les guerres, on peut même survivre en prison ! Mais nous sommes honnêtes et nous vivons en démocratie !! Nos petits-enfants n'auront plus aucun repère géographique pour désigner le lieu où vivaient leurs grands-parents ; ils s'en passeront, on se passe d'à peu près tout !

Aujourd'hui, on vaporise un produit chimique sur les tomates pour qu'elles rougissent dans la nuit ; nous sommes si importants, nous sommes si pressés qu'on n'a plus le temps d'attendre qu'elles mûrissent.

Pour en revenir aux régions, les prochaines ne seront pas plus légitimes que les dernières, mais voir à quel point l'inconséquence fait loi, fait peur ; ils sont si importants qu'ils s'autorisent à n'avoir plus le temps de penser, ils font, il faut faire, vite, tout et n'importe quoi ; on s'est trompé ? Pas grave, on recharcute et cela ne changera pas grand chose à nos vies probablement, juste encore plus d'incohérence, encore plus d'incompétence mais je crois que ça y est, nous sommes résignés. On ne se souvient même plus du temps où notre temps n'était pas pris par toutes les tracasseries administratives, ni non plus celui où celles-ci se faisaient du premier coup. On a fait semblant de décentraliser la France alors qu'on a fait que centraliser la province ! Une dictature toute en douceur, sous le joug de la corruption.

Le progrès c'est aussi nos déchets qui font cinquante kilomètres pour aboutir dans une décharge gigantesque alors qu'ils n'en faisaient qu'un, à portée de nos yeux, prêts peut-être en temps voulu à nous faire prendre conscience de leur embarrassante présence.

On ne peut pas vivre ensemble, surtout dans les agglomérats d'une densité extrême, sans une décence et une morale ; celle-ci est reléguée avec dédain chez les seuls conservateurs, et les progressistes prônent le libre caprice, la désinvolture, surtout le gabegie, l'égoïsme, avec sa version philosophique de l'hédonisme, le laisser-aller au lieu du lâcher-prise, et confondent le complexe et le surmoi. Les colonisateurs historiques ont pris l'habitude de tirer des traits sur la carte du monde, en évitant soigneusement les puissances concurrentes, et découpèrent ainsi, dans leurs chairs, des êtres, des coutumes, des modes de vie. Plus besoin de guerres de conquêtes depuis, c'est un progrès ; nos dirigeants font de même ; certes, la plupart des Français se foutent de tout ça et il est probable que dans le foutoir actuel cela n'est guère d'influence sur nos vies de tous les jours ; pourtant, si on laisse tomber tout ce qui n'est pas en rapport direct à ce qui rentre dans nos assiettes, nous nous dirigeons vers une non-civilisation puisque, par définition, la civilisation est ce qui est au-delà de la satisfaction de nos besoins primaires. Aujourd'hui, ces besoins n'étant pas satisfaits chez de plus en plus de personnes, il est logique qu'on tombe dans l'impuissance à garder nos racines, nos origines, nos valeurs, et les liens et les échanges entre elles ! Cela est juste un pas de plus, non puisque déjà fait, mais un pas de plus quand même, dans la démonstration de l'incompétence, l'incapacité à assumer et surtout, surtout, ce dédain de l'humain, variable d'ajustement !!

Le pouvoir arbitraire m'est abject, ici où là, comme ci, comme ça, peu importe ; dans cette histoire de régions, c'est juste l'inaptitude d'un pouvoir qui se démasque. Au fond, cela devrait me réjouir, un pouvoir qui montre ses failles, ses faiblesses, est un pouvoir fini !

L'occident, qui ne peut pas concevoir que quiconque puisse penser, agir et dire hors ses propres turpitudes , signe l'arrêt de mort d'une société ; l'occident qui n'agit jamais avec le respect de l'autre, signe l'arrêt de mort d'une société. L'occident qui impose ses décrets et lois sans, au préalable, les expliquer, les motiver, en attendre les controverses auxquelles il voudra répondre, signe l'arrêt de mort d'une société.

 

Le découpage des régions, fait selon la mode Churchill découpant le Moyen-Orient, selon la mode des occidentaux découpant l'Afrique, est un colonialisme, un abus de pouvoir qui, bien qu'il ne soit pas nouveau, n'en reste pas moins indigeste. Je le vomis.

Le fait de panser les effets sans jamais penser les causes, conduit à la névrose ou la folie, à la maladie, à l'incurie politique, donc à la barbarie.


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