Quand une France prétend bafouer lois et justice de la République

par Denis Thomas
mercredi 29 mai 2013

Pour « faire son travail », la justice sue sang et eau. Non seulement elle est débordée par les « affaires », de Cahuzac à Tapie, mais voilà qu'une partie des élus de la République, oubliant leurs devoirs et se méprenant sur leurs droits, se prennent à vouloir passer outre la loi.

Cette tendance, esquissée depuis 2007, possède désormais des contours précis. Ceux-ci passent donc - fait nouveau sous la Ve - par une partie des bancs de l'Assemblée nationale et par certaines mairies. Autant de lieux où, plus qu'ailleurs, nul n'est censé ignorer ce que choisit la démocratie.

C'est à Henri Guaino, député des Yvelines et jadis « plume » de Nicolas Sarkozy, qu'est revenu « l'honneur » de porter le « déshonneur » sur la justice impudente de demander des comptes à l'irréprochable ex locataire de l'Elysée.

Le coup de Guaino est facile et rapporte, politiquement, toujours quelque chose. Vilipender la justice est appréciée, surtout quand il s'agit de porter le fer sur les juges d'instruction, magistrats si dérangeants pour le politique que le pouvoir ne se lasse jamais de vouloir lui rogner les ailes. Et, c'est un fait incontestable, ce qui est particulièrement vrai lorsque ledit pouvoir est à droite de l'échiquier.

Mais, l'affaire devient emblématique d'une sinistre posture « politique » quand le même Guaino, représentant du peuple, affublé d'une belle centaine de copains députés, affirme haut et fort rejeter toute convocation judiciaire, de « la brigade de la répression de la délinquance sur la personne » à la suite d'une plainte de l'Union syndicale des magistrats courroucée par les propos sans mesure de l'élu.

Eric Dupond-Moretti, l'avocat de Guaino, argue dans une lettre au procureur de la République, François Molins, qu'il « considère que le procès qui (…) est fait relève du délit d'opinion ».

Il « revendique le droit pour un parlementaire de critiquer le travail d'un magistrat qui rend la justice au nom du peuple français, cette liberté fondamentale étant protégée par l'article26 de notre Constitution ».

En un mot, cet article cadre l'immunité des parlementaires et stipule que l'élu ne peut-être poursuivi « qu'avec l'autorisation du Bureau de l'assemblée dont il fait partie ». En l'espèce : très peu probable à obtenir, ce que savent très bien Guaino et ses conseils.

De surcroît, ces derniers parient sur le fait que l'atmosphère actuelle, caractérisée par un certain flou gouvernemental et un désamour fulgurant touchant la personne du président de la République, soit peu propice à une réaction populaire franchement négative vis-à-vis de l'attitude cet éminent membre de l'opposition.

 

PREMIERS MAGISTRATS

En effet, l'époque fait la part belle à ce type de réactions « viriles » face à l'ordre démocratique, et elles ont désormais un gain indéniable face à une opinion tentée par les extrêmes... Il suffit de voir comment a été récupéré et traduit politiquement le « mur des cons », sur lequel Guaino figurait en bonne place alors que la puissance de sa pensée ne l'y destinait absolument pas ...

Ensuite, que dire de ces maires qui entendent refuser de célébrer les mariages entre personnes du même sexe ? De cette opposition à la loi - aidée par le sénateur Masson (non inscrit) proposant une « clause de conscience » - de la part de ceux qui, pourtant, sont les premiers magistrats de leur commune ?

Quelle image ces édiles locaux livrent-ils à des administrés auxquels ils sont censés inculquer a contrario un sens du civisme alors que ce dernier part, on le voit bien, déjà tout seul à la dérive ?

Le maire ne doit pas oublier que, au-delà du mandat que lui ont confié ses électeurs, il est un « agent de l'Etat », un officier d'état-civil, précisément.

Il se doit de faire appliquer la loi et les réfractaires seraient bien inspirés de se rappeler que, lorsque Noël Mamère (de Bègle) avait célébré en 2004 un mariage homosexuel, la cérémonie, alors tenue en absence de droit, avait été tout simplement annulée et ce mariage frappé de nullité. Et que le député-maire écologiste avait été suspendu un mois de ses fonctions … par le préfet, représentant de l'Etat au-dessus de lui.

Mamère aurait pu aussi être définitivement révoqué de ses fonctions de maire par le Conseil des ministres. Aujourd'hui, les édiles récalcitrants risquent, en plus, une amende de 45.000 euros et une peine d'emprisonnement allant jusqu'à une durée de trois ans obtenue après le dépôt d'une plainte des couples contrariés dans leur projet auprès du procureur de la République.

Peut-être que les maires sourds à la promulgation du décret d'application de la loi sur le mariage pour tous, entendent tirer sur la corde jusqu'à ce qu'elle rompe, misant sur le soutien de leurs électeurs dont ils se sentent proches. Les municipales ont ce parfum de … proximité.

Ce ne serait alors ni très républicain, ni très civique que d'engager une telle stratégie. Mais le succès de la dernière Manif pour Tous en date, encore encouragée par le patron « incontesté » de l'UMP et député de la République (6e circonscription de Seine-et-Marne) Jean-François Copé, les galvanise peut-être.

Le premier mariage gay est célébré à Montpellier. Malgré les actions musclées mais néanmoins fort républicaines et propres à la paix civile de fins de cortège visant à démocratiquement à l'empêcher, lui et ceux qui suivront.


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