Quatre évènements de rentrée

par Roland Gérard
jeudi 10 septembre 2020

C’est comme ça tous les ans, ils sont des dizaines… des centaines même les évènements de prérentrée et rentrée des classes. Ils nous glissent dessus ou bien nous impactent particulièrement. Vu de ma fenêtre il y en a quatre qui sortent du flot.

L’école dehors en une de Libé.

La une du journal Libération du premier septembre : « rentrée scolaire dehors c’est la classe » avec en photo cinq gamins dans un pré, c’est un évènement. En première page toujours : « Avec la crise sanitaire, les masques et les gestes barrières, de plus en plus d’enseignants lorgnent le modèle de l’école en extérieur venu des pays nordiques… ». Crystèle Ferjou conseillère pédagogique et pionnière en la matière dit : « Depuis le déconfinement notre institution valide et soutient la démarche ! Il y a une petite ligne dans le protocole sanitaire qui invite à tenter la classe à ciel ouvert. Rien que ça c’est énorme, c’est un frein en moins pour les enseignants ». Allions nous, enseignants, parents, collectivités, associations… c’est le moment. La classe dehors c’est au moins aussi important que la cantine bio, pour le bien des enfants.

Il se joue quelque chose dans les territoires

Le deuxième évènement c’est le plus proche du point de vu de l’espace. C’était le 28 août. Nous étions huit réunis dans le salon d’une maison privée du coté de Tarbes. Quatre femmes et quatre hommes. Trois enseignant(e)s du primaire dans le public dont un dira au tour des présentations « je viens en tant que parent », une prof de SVT en collège, un médiateur culturel et trois associatifs impliqués dans l’éducation pour la paix ou l’environnement. Nous avons travaillé de 10h à 17H. Sans relâche. C’était intense.

Se parler

Quoi ? 8 personnes qui se réunissent dans un salon pour discuter… ce n’est rien. Eh bien si c’est quelque chose. Il faut savoir qu’au cœur de l’été, le 25 juillet, il y a eu déjà une première réunion. Nous n’étions pas loin d’une quinzaine en discussion en cercle dans un bois. C’est aussi cela les vacances des enseignants. Dans ces réunions on se parle d’éducation. C’est autour de l’idée suivante que nous étions réunis  : « Les initiatives et expériences innovantes sont nombreuses dans l’éducation nationale mais nous voyons que leur mise en place demande un investissement personnel énorme et qu’elle n’est pas forcément valorisée ou soutenue par l’institution. L’objectif de ce groupe est de s’inspirer de ce qui existe tant dans l’éducation nationale que dans les écoles hors contrat ... Il s’agit aussi de réfléchir et d’agir concrètement avec toutes les personnes qui se sentent concernées par l’éducation, à des façons de poursuivre ou de créer des expériences qui vont dans le sens d’un épanouissement des enfants et de toute la communauté éducative dans les écoles publiques. Une école de la vie, ouverte sur le monde, où auraient leur place la nature, des apprentissages et des pédagogies vivantes, la connaissance et le respect de soi- même et de ceux qui nous entourent… »

Parce que ça ne va pas

Beaucoup d’enseignant.e.s veulent agir pour que l’école évolue dans le sens d’un mieux être pour toutes et tous. Comme c’est très difficile au sein d’un système tellement hiérarchique, elles et ils se tournent les uns vers les autres et convoquent dans leurs réflexions les personnes du territoire qui sont mobilisés pour l’éducation de quelque façon que ce soit. L’homme est ainsi fait que quand ça ne va pas, il se tourne vers son voisin, son collègue… pour en parler et chercher une solution. C’est ce qui se passe tout simplement parce que ce n’est pas une illusion c’est bien une réalité : ça ne va pas dans l’éducation. Cet enseignant venu en tant que « parent » dira à propos du vécu de ses trois enfants à l’école : « Ils n’ont jamais adhérés ». Deux points font consensus c’est l’importance de la place de la nature dans l’épanouissement des enfants ce qui nous renvoi à la pédagogie par la nature (PPN) et l’importance d’un bon dialogue et d’une confiance retrouvée entre parents et enseignants. Deux ingrédients (il y en a pas loin d’une dizaine) qu’on trouve d’ailleurs dans tous les projets pédagogiques des écoles associatives qui se créent en France au rythme de plus d’une centaine par an. D’autres thèmes sont ressortis lors de nos discussions : la coopération à l’école, l’expression des émotions liées à la souffrance scolaire dans l’éducation… Il y a des écoles où les enfants adhèrent… faisons juste ce qu’il faut pour que tous les enfants aient droit à ça, c’est à notre porté.

C’est comme pour l’alimentation

Quand dans un territoire des parents suffisamment nombreux, prennent conscience que la nourriture donnée à leurs enfants à la cantine n’est pas saine et s’en parlent, quelques années plus tard avec un peu de chance, et beaucoup de détermination on y trouve une cantine bio, pour le plus grand bien de toutes et tous. Ce serait bien exactement la-même chose qui pourrait se passer avec la « nourriture de l’esprit »… Pour résoudre les problèmes d’éducation arrêtons de regarder Paris, regardons juste alentour dans notre territoire, tous ils regorgent de ressources faciles à mettre en œuvre pour l’épanouissement des enfants.

Les bonnes méthodes

Après deux réunions d’une journée chacune, ce qu’il en sort c’est d’abord un grand plaisir de se rencontrer et d’échanger – que c’est bon de se sentir moins seul – Nous savons nous donner un cadre de sécurité et travailler selon les méthodes de la communication non violente. Des dynamiques similaires existent dans d’autres territoires. C’est bien la réappropriation du fait éducatif par le corps social que nous vivons. Là encore enseignants, parents, collectivités, associatifs… parlons nous de l’éducation dans les territoires… Il y aura des fruits.

La discussion aussi à l’échelle nationale

L’université d’été des enseignants et de l’éducation reprend du service et il y aura un rassemblement en 2021 c’est le troisième évènement. L’université d’été de 2019 avait été très riche, on peut dire que cela avait été un moment intelligent et porteur d’espoir, j’en donnais une idée ici. C’est avec plaisir que j’ai découvert ce message dans ma boite : « Ce 26 août 2020, jour anniversaire de l’université d’été, nous lançons donc le chantier de l’université d’été 2021. L’éducation est une chose trop sérieuse pour être laissée au seul ministre et à son cabinet. » C’est l’esprit d’une éducation émancipatrice, développant l’esprit critique et la créativité qui plane sur ce groupe. On y trouve facilement sa place, même si on n’est pas enseignant soi-même… Gardons quand même un œil sur Paris.

Pour une formation éclairée du citoyen

Ce groupe s’ouvre le droit de penser l’éducation ce qui est urgent : « Les élèves doivent recevoir des outils pour transformer le monde, et non pour l’accepter tel qu’il est, inégalitaire, sexiste, discriminant, en plein effondrement écologique et institutionnel. C’est pourquoi l’Universitée d’été des enseignant.e.s et de l’Education (UEE) défend avec fermeté la liberté pédagogique des enseignant.e.s, seule à même de garantir une formation éclairée du citoyen, loin des simples visées utilitaristes. Or, cette liberté est grandement attaquée et menacée par la réforme du lycée… » Pour en savoir plus c’est ici.

Et le Grenelle

Là c’est le quatrième évènement et c’est beaucoup moins enthousiasmant … ça fait sourire… jaune… On a eu le Grenelle de l’environnement en 2007, les environnementalistes qui l’ont vécu on eu l’impression de s’être fait baladé de bout en bout. Quand on pense aux pesticides qui devaient être diminués de 50% en dix ans… et qui ont en réalité continués d’augmentés…total plus de 25% en dix ans… des heures de réunion pour ça ! Mais où est le pouvoir ? Je n’ai pas entendu dire que, plus récemment celui consacré aux violences conjugales ait donné de très bons résultats… Le voilà le sérieux attaché à ce mot « Grenelle ». Le ministre parle d’une : « "transformation profonde du système éducatif". » curieuse idée la « refondation » c’était hier non ? Alors pourquoi pas des assises de l’éducation et non un Grenelle des seuls « professeurs » si c’est ça le sujet et pourquoi ne pas s’appuyer sur une approche territorial, près du terrain, c’est là qu’on les voit le plus surement s’initier ces changements tant attendus.

Besoin de créatifs !

La France n’en peut plus de son système éducatif, infantilisant, étouffant, normatif… Et ce n’est pas que la France. Nombreux sont les pays où l’on bourre le crâne des enfants … où on les met entre deux rails… Connaissons-nous seulement un pays au système éducatif enviable ? Vu l’état de la planète il est urgent de vite faire autrement. Le genre humain à besoin de personnes aptes saisir ce qui se passe, apte à s’organiser, aptes à prendre des initiatives… Nous n’avons pas besoin de suiveurs, nous avons besoins d’inventeurs, d’innovants, de créatifs… Nous avons besoin de personnes libres. Seules ces personnes là pourront trouver les voies pour relever l’immense défi auquel l’espèce humaine est confrontée et ça localement nous pouvons le faire maintenant.

Roland Gérard

 


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