Que sont nos luttes devenues...

par alinea
jeudi 19 juin 2014

Que sont nos luttes devenues... elles qui furent de si près tenues et tant aimées...

Voilà ! Nous y sommes, la colère gronde, l'opinion publique se manifeste, trop c'est trop !

- Quoi encore ? On a augmenté les impôts, la TVA ?

- Non, ça c'est passé comme une lettre à la poste !

- On va bouffer des OGM ?

- Oui, il y a des tas de gens que ça ne dérange pas et qui le font déjà ; ils sont en pleine forme parait-il, demain est loin !!

- Je pourrai plus garder mes graines ?

- Si, tu feras comme d'habitude, à condition de les échanger nuitamment ou de les garder pour toi et ne rien dire à personne !

Non, ne cherche pas, ce qui est trop mais vraiment trop, c'est la grève des cheminots.

Tu vois, quand il y avait des grèves à la poste, ça n'embêtait pas trop de monde ; aujourd'hui plus personne ne s'écrit des lettres d'amour ou de rupture, par la poste ne transitent que les publicités et les factures ; et quelques journaux. Quand les professeurs font grève, personne ne cherche à savoir pourquoi, ils sont déjà tellement privilégiés les profs, et le seul truc qui coince c'est : mais qu'est-ce qu'on va faire des gosses ?

Les cheminots se sont battus depuis toujours ; les transports, un métier essentiel, ils ont acquis, à force de grèves et de luttes, des améliorations de conditions de travail, de salaires ; ils ont obtenu de ne pas prendre leur retraite à pas d'âge : quand on la la responsabilité de centaines de personnes, il vaut mieux être en forme, heureux, reconnus et pas gâteux ! Mais pour l'heure, il s'agit, non pas de récupérer ce qu'on leur a déjà piqué- et qu'ils n'avaient pas volé, qu'on ne leur avait pas donné parce qu'ils le valaient bien-, mais de refuser que les choses empirent ; mais, c'est l'empire justement qui exige, et qu'est-ce qu'on dit à l'empire ? Oui Missié ! Et les cheminots, non, ces égoïstes, ces privilégiés, ils en veulent encore plus dis donc ! Aucun respect pour le client, pardon, l'usager ; ils pourraient bien accepter de bosser quinze heures d'affilée pour des clopinettes, prendre leur retraite à soixante dix ans après cinquante de bons et loyaux services, ils pourraient bien accepter qu'au dessus de leur tête leur sort soit décrété par des technocrates qui n'ont rien à faire du peuple sauf à lui confisquer, et le plus vite possible, tous ses acquis, son quotidien, ses soins, car, on l'entend dire partout, cela retire des tunes aux banquiers et aux actionnaires.

Mais les gens ont bien conscience de ça, on les entend, on les lit partout tous les jours, râler ! N'ont pas idée que s'il faut faire quelque chose, il faut bien commencer quelque part ?

On pourrait le penser et pourtant, non ! Si quelqu'un commence dans son coin, cela ne fera pas tache d'huile, cela ne va pas éveiller la conscience des autres mais au contraire les agacer ; sont-ils si lâches qu'ils ne peuvent, eux-aussi, se bouger les fesses ? Oui, on les empêche d'aller au boulot !! Ne vient plus à l'idée de personne de dire en masse aux patrons : désolés, je ne peux me rendre au boulot aujourd'hui, pas de train !! Il y a quelques années, les parisiens s'en souviennent encore, une énorme fête de vélos, de piétons, de stoppeurs, s'était organisée spontanément ; c'était du temps où il restait un minimum de joie de vivre, de solidarité. Aujourd'hui, « ils » ont gagné ; aujourd'hui, le petit doit passer son bac, maman aller chez le coiffeur et papa se rendre à ses rendez-vous ; la merde les embouteillages ! Trois directions à prendre, comme par hasard, une seule bagnole mais pas seule dans les rues ; tu vois le truc ? Infernal. Alors, forcément, de colère, on trouve un coupable : quel est le con qui ose s'attaquer aux diktats de Bruxelles et me laissera décoiffée ?

Le bien public ? On l'a laissé filer comme une évidence et pour une seule raison : la jalousie des travailleurs du privé ! Elle est pas belle la vie ? Les travailleurs du privé qui, eux, iraient bosser le dimanche aux aurores à poil si on leur demandait, ne supportent pas l'aisance des « fonctionnaires » à lutter pour un mieux ! C'est incompréhensible. Pour les fonctionnaires, ces privilégiés ( les parents de jadis n'avaient-ils pas en tête que leurs gosses seraient à l'abri du besoin s'ils vouaient leur vie à l'État ?) l'invective est toute trouvée, et voilà que Bruxelles, très habile, a réussi son coup : plus de services publics, le privé s'en chargera, comme ça, au moins, tous les travailleurs iront bosser le dimanche aux aurores, à poil si on leur demande ! On ne réévaluera pas leurs salaires – c'est normal, c'est la solidarité-, ils prendront leur retraite à 65 ou 67 ans ; c'est normal, c'est la solidarité.

Si l'homme n'était pas si transparent quand il est dans la dèche, les technocrates cravatés en Chine, en provenance de Chine, les cravates, n'auraient pas eu autant de facilité à dégommer nos acquis ; tout restait à faire encore, mais tout le monde s'est couché ! Nous commencions juste à accéder à un peu d'aise, un peu de culture, un peu de liberté. Devrais-je me coucher moi aussi devant le pouvoir à le voir si malin. Non, question de tempérament.

Aujourd'hui, à force à force de milliards dépenser en pub, tout le monde a admis que l'esprit d'entreprise était le summum ; qui dit esprit d'entreprise dit prise de risques ! Oh, pas des risques fondamentaux, pas des risques vitaux, le fric, juste du fric !

Je note qu'on a oublié au passage tout un tas de gens dont je fais partie, qui n'ont pas l'esprit d'entreprise mais qui n'ont pas, pour compenser, envie de se caser. L'entreprise c'est quelque chose !! mais ceux qui crachent sur les fonctionnaires, ce sont surtout ceux qui sont salariés ou bien entrepreneurs de petit gabarit.

J'ai du mal à comprendre que l'on n'admette pas, que l'on ne soit pas content, de constater que nous ne sommes pas tous faits sur le même moule ; il y a ceux qui seront très heureux dans la routine sécurisante d'une carrière quelque peu amochée aujourd'hui d'ailleurs, à la fonction publique ; il y a ceux qui osent s'aventurer, ceux qui réussissent et ceux qui ratent, ceux qui admettent leur échec et ceux qui ne l'admettent pas et se vengent ; bref, il y a un peu de tout pour faire une société.

Mes parents étaient fonctionnaires !! Il était hors de question que je puisse l'être ; quelle routine, quel ennui cette mer étale ! Mais les parents fonctionnaires ne donnent que rarement l'esprit d'entreprise à leurs rejetons ; aussi écopais-je d'un rejet sans remède !! mais j'ai appris avec eux – oui, oui, c'était une autre époque !- l'abnégation, le sacerdoce ; aller bosser quand on est malade, passer ses fins de semaine à s'occuper de mutuelles, d'oeuvres laïques, bref être engagé dans le service public. La sécurité de l'emploi et de la paye, pas grasse mais suffisante pour nourrir correctement ses gosses, laissait donc à l'individu le temps de se donner à la politique, qu'elle soit partisane ou sociale. Tranquille Mimile, n'est pas du goût de tout le monde mais ayant réagi contre cette sécurité, j'étais fort contente que d'autres l'acceptent et prennent en charge tout ce qu'il y a à faire pour qu' une société tourne correctement ; or voilà que depuis quelques temps, ceux-là qui se casent et ferment les portes de l'aventure dans leurs vies, ne sont plus remerciés, mais conspués, jalousés ! Il faut dire qu'on vit une époque où se planquer est le rêve de la plupart, alors, ces frustrés s'offusquent que les planqués trouvent de l'énergie à dépenser dans des débordements qui mêlent idéologie et pragmatisme ! Que ne restent-ils pas silencieux, serviables et contents ?

Par couardise ou veulerie, ou tout simplement par impuissance, provoquée par l'efficacité d'une politique mondialiste bien informée, les travailleurs du privé qui se doutent qu'ils sont indispensables, même s'ils ont du mal à définir leurs compétences ou leurs activités, craquent de n'être pas syndiqués et défendus, craquent de subir les taxes, les prélèvements exorbitants imposés, par la puissance des puissants, et, plutôt que s'organiser, se rebeller, s'unir, ils se défoulent ! Trouver un coupable est à la portée du premier con venu, mais comme ils le valent bien, puisqu'on leur chante chaque matin au réveil que s'ils le veulent ils peuvent- sans leur suggérer quoi- voilà que les usagers, tous niveaux confondus, s'indignent !

J'ai mal à ma fraternité ; j'ai mal à ma solidarité ; j'ai mal à ma liberté.

Plus personne ne sait ni ne veut se mettre à la place de l'autre, le comprendre ; tout le monde est bien sûr d'être le plus mal loti. Et ceux qui osent tenter ne sont plus pris pour des héros ou des modèles, juste pour des emmerdeurs ! On appelle ça l'évolution des mœurs !!

Que mes eaux sales s'écoulent contre un chèque, je ne veux pas savoir où elles vont ni ce qu'elles deviennent. Que mes poubelles soient ramassées chaque matin ou deux fois par semaine, je ne veux pas savoir ce qu'on en fait ; que je puisse mettre de l'essence dans ma bagnole, je ne veux pas savoir ce que cela provoque ni ce que cela a provoqué pour qu'elle arrive à ma pompe ; que je puisse bouffer de la barbaque à chaque repas, je ne veux pas savoir comment celle-ci est arrivée là ni quelles horreurs et quelles tortures lui furent infligées, du temps où mon steak était un être vivant ; que je puisse changer de T-shirt tous les matins, je ne veux pas savoir qui les a fabriqués ni dans quelles conditions ; que je puisse prendre une douche chaude tous les jours, laisser lampes et télé allumées, réchauffer au micro onde mon repas, je ne veux pas en connaître les dangers pour l'ensemble de l'écosystème ; que mon eau puisse être bue, que des ampoules guident mes pas la nuit, que les routes soient lisses, je ne veux rien savoir parce que la seule chose que j'ai retenue, c'est mon marchand de crème qui me l'a dite : je le vaux bien ! Comme les rois de jadis, comme les seigneurs, je le vaux bien ; comme les grands de ce monde, que je respecte et dont je lis les frasques et les romances toutes les semaines, je le vaux bien ; rien ne les séparent désormais de moi : j'ai le droit, moi aussi, d'être servi ! Que je fasse mes courses le dimanche, qu'on garde mon môme, qu'on récure mon parquet, qu'on me livre mon gaz, je le vaux bien, et, chacun sa merde ! Car, moi aussi, j'enseigne à leurs chiards, moi aussi je torche leurs vieux, moi aussi je tape les additions de leurs courses, moi aussi je les coiffe, je les maquille, je les manucure, moi aussi je toilette leurs chiens, je répare leurs ordinateurs, je livre leur frigo, je répare leur toiture, je repeins leurs volets, je leur fais des piqûres, je dispatche leurs stages, je coordonne leurs interventions, je prépare leur discours, je déroule le tapis rouge, je m'offre pour qu'ils me baisent, je cours pour les accueillir, je m'aventure pour les informer, je risque ma vie pour me mettre en avant de la « une » médiatique..

En tous cas, aujourd'hui où des travailleurs se battent contre les diktats de Bruxelles, disparaissent les antisystèmes, le eurosceptiques , les abstentionnistes !! Ah Ah Ah ! Qu'elle sera belle notre révolution, à moins que j'ai loupé une marche et que tous ces êtres extrêmement avertis soient à ce point universalistes qu'ils s'imaginent qu'un mouvement quel qu'il soit ne commence pas quelque part ! On peut compter sur l'entraide tiens ! Jetez vous à l'eau, vous serez sauvés !

J'ai idée que les mêmes qui s'offusquent de ne pouvoir aller à leur turbin en temps et en heure, qui craignent de recevoir les sévices d'un patronat aux ordres de Bruxelles, de Washington ou d'ailleurs mettent dans l'urne un bulletin bleu marine le sauveur ! Pourquoi se bouger si Marine fera tout ? Et tout en douceur, avec ses grands gestes et sa grosse voix, Bruxelles en sera coi ; en attendant, on a bien compris son message : la révolte des rues se mate, les grèves se cassent, et les grévistes sont des privilégiés qui démoralisent le peuple ! On ira loin avec ça dans notre besace.

La myopie se répand, ça fait la fortune des marchands de bésicles, puisque par ailleurs les vieux ne voient que de loin ! Ce n'est pas un hasard si ce sont les vieux qui s'engagent politiquement !

La jeunesse, elle, est encore jeune mais elle n'a pas les acquis ni la vision d'ensemble, pourtant, une bonne partie d'entre elle lutte à sa façon. Il nous faut donc espérer ! Mais les quinquas mais les quadras, trop formatés pour agir !!

C'est indécent cette façon d'avoir comme seuls ennemis gêneurs, ceux qui, peu ou prou, sont comme tous les autres !!

Inutile de dire que cette première réaction est parfaitement naturelle mais qu'il serait plaisant de constater que nous sommes à même de la dépasser, avec, juste un peu de réflexion ! Aujourd'hui, et le paradoxe n'est pas mince, on est harcelés de toutes parts, entravés, ensuqués, dirigés vers ( la consommation) sans les moyens qui nous ont été confisqués, on est fliqués, punis pour un rien ou dans l'injustice la plus totale, et pourtant règne en maître, dans les esprits communs, la certitude de notre liberté ! La certitude de notre valeur, un peu floue la notion mais le flou aussi fait partie intégrante de notre vocabulaire, alors, on s'y fie. Les reliquats de la supériorité occidentale et de sa démocratie universelle, se sont enkystés dans les têtes les plus distraites par ailleurs, mais a complètement disparu le précieux des acquis sociaux pourtant gagnés de hautes luttes ! On ne veille plus sur ce qui est précieux que quand ça brille, on s'enferme pour ne pas se faire voler son écran plat, mais pendant ce temps, à notre nez et à notre barbe, on nous a volé tout le reste, et pour certains mêmes, leur âme. Aujourd'hui, quand on assiste à un cambriolage, on fait un détour et on rentre vite chez soi, et si quelqu'un se bagarre pour l'empêcher, on l'insulte parce qu'il nous dérange.

Battez-vous contre la dictature fasciste qui nous étouffe, vous aurez toujours une petite poignée de soutiens, mais une armée de collabos au secours de l'armée officielle !!

Pour en revenir à nos cheminots, et bien que je n'aie pas bien suivi l'affaire en 1997 lors du découpage et de la partielle privatisation de la SNCF, je n'en vois pas moins que cette division fut désastreuse ! Dictée, elle aussi par l'ultra libéralisme de Bruxelles. On fait mine de refaire ce qu'on a défait un peu légèrement, mais on y introduit une multitude de petites choses....nos cheminots, avisés, refusent cette lente ou chaotique dégringolade promue par cette appétence insatiable de la concurrence ! Et si je pense qu'il est bien tard, je soutiens cette lutte contre les fourberies et les diktats européens. Quand on soutient une lutte, si on ne lutte pas soi-même, on en supporte les inconvénients, comme par solidarité !

Laissez moi penser encore qu'une fratrie est plus belle unie.

 

Petit coin de nostalgie exotique : 

http://www.lecourrierderussie.com/2012/02/chemin-histoire-amour/


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