Quel bilan des cent jours pour la politique africaine de Sarkozy ?
par TSAKADI Komi
lundi 3 septembre 2007
La tenue de la 15e conférence des ambassadeurs de France à Paris le 27 août dernier, au cours de laquelle le président Sarkozy a prononcé son premier discours de politique extérieure nous offre l’occasion de faire le bilan de ses cent jours à la tête de la France au regard de sa politique africaine.
Depuis son entrée en fonction, il peut sembler que l’Afrique soit une de ses priorités. De signes peuvent le laisser croire. L’Afrique reste « une priorité essentielle de notre politique étrangère et un axe central de la politique de coopération de l’Union européenne » a-t-il dit lors de cette conférence, en ajoutant que « pour mobiliser davantage encore la communauté internationale face aux défis de la paix et de la sécurité en Afrique, j’ai pris l’initiative d’une réunion de Conseil de sécurité qui se tiendra le 25 septembre à New York, au niveau de chefs d’Etat ou de gouvernement et que je présiderai ».
On se rappelle qu’il avait organisé un sommet sur le Darfour sans associer l’Union africaine et le Soudan, mais a permis de relancer les efforts de la communauté internationale en vue de la résolution de la crise de Darfour.
Il faut aussi noter sa tournée subsaharienne de juillet 2007 avec son discours controversé et d’ « un autre âge » de Dakar (Sénégal) du 26 juillet. Rédigé par son conseiller spécial Henri Guaino, il y qualifie la colonisation de « grande faute » tout en la dédouanant en ce qu’elle n’est pas responsable des maux actuels du continent et présente l’Africain comme un homme prisonnier de sa culture, marqué par l’irrationalité et l’incapacité d’envisager le futur tout en oubliant que l’Africain écrasé par des décennies de dictature (comme celle d’Omar Bongo à la tête du Gabon depuis plus de 40 ans et qui l’a reçu lors de cette tournée) a perdu sa capacité prospective.
Mais voit-on vraiment la rupture (son leitmotiv) dans la politique africaine de la France dont les principaux objectifs ont été jusque-là la protection des intérêts politiques et diplomatiques (bénéfice d’un apport de voix du continent africain à l’ONU pour conforter la place de la France au sein de cette institution), économiques et commerciaux (plusieurs entreprises françaises sont installées en Afrique en situation de quasi monopole) et culturels (promouvoir la langue française) ?
Cette politique n’a jamais été dans le sens de la démocratisation et le développement des pays africains, et n’a servi qu’à soutenir et à protéger un certain nombre de chefs d’Etat africains en dépit de leur politique antidémocratique, répressive et corrompue, et de mal développement.
Certes, il y a eu la suppression de la cellule africaine de l’Elysée constituée par des conseillers occultes au bon vouloir de nos dictateurs, remplacée par un nouveau conseiller Afrique (Bruno Joubert), la nomination d’une secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme d’origine sénégalaise et la nomination, le 2 août, de l’humanitaire Jean-Christophe RUFFIN au poste d’ambassadeur de France au Sénégal (troisième ambassade française au monde).
Mais, le mieux serait d’avoir une politique africaine claire, rénovée et transparente pour la France avec un véritable ministère chargé des relations africaines (soumises au contrôle parlementaire) à l’instar de ce qui se passe en Grande Bretagne et aux Etats-Unis pour la sortir des cabinets noirs élyséens constitués des conseillers « foccartiens ».
L’initiative de la réunion du Conseil de sécurité du 25 septembre qu’il va présider en faveur de « la paix et de la sécurité en Afrique » en marge de l’assemblée générale de l’ONU est louable.
Mais il ne faut pas qu’il tienne le même discours d’un « autre âge » comme à Dakar. Qu’il fasse preuve d’audace à l’égard de ses pairs africains en leur disant que les causes de nos conflits résultent de leur mauvaise gouvernance et de leur politique ethnocentriste. Il se doit d’interpeller ces dirigeants qui massacrent leurs populations et qui fraudent les élections pour rester indéfiniment au pouvoir et léguer le pouvoir à leur fils après.
A défaut, on retiendra de cette réunion du Conseil de sécurité, une simple gesticulation d’un président certes hyperactif qui prône la rupture avec le passé pour ses concitoyens et l’exclut pour la politique africaine désastreuse pour nos populations en ce qu’elle n’a fait que soutenir la dictature et des entrepreneurs français en quasi monopole dans l’exploitation du bois, des richesses du sol et du sous-sol, dans la manutention portuaire, la logistique... dans nos pays et dont il est ami à l’instar de monsieur Bolloré.
L’appréciation des prochaines élections législatives du 14 octobre au Togo constituera à ne point en douter, un autre test pour juger de la capacité du nouveau président français à faire la rupture dans la politique française en Afrique. En effet, le « Togo sous Chirac » n’a produit que des cuvées électorales frauduleuses avalisées par ce dernier.