Quel prix à payer pour sortir du nucléaire en France ?

par Enjolras
samedi 4 juin 2011

La décision de sortir du nucléaire, prise cette semaine par Angela Merkel,sera lourde de conséquences pour l’économie allemande. En France, certaines voix réclament également un abandon de l’atome. Mais quel serait le prix d’un tel revirement de la politique énergétique nationale ?

En France, près de 80% de l’électricité produite est d’origine nucléaire… Un chiffre à mettre en parallèle aux « seulement » 22% que représente la part du nucléaire dans le « mix énergétique » d’outre-Rhin. Si la sortie du nucléaire (que les Verts et certains socialistes appellent de leurs vœux) n’est pas irréalisable, son coût réel peut pousser les citoyens à y réfléchir à deux fois...

Les difficultés logistiques de production

L’équation allemande, qui consiste à se priver en dix ans de 22% des capacités de production électrique du pays, va être extrêmement difficile à tenir tant les mécanismes d’offre et de demande sont complexes quand il s’agit de l’approvisionnement électrique de la première puissance d’Europe !

Pourtant, la situation allemande sera une partie de plaisir comparée au casse-tête qu’auraient à gérer les autorités françaises s’il s’agissait de faire basculer 80% de notre outil de production national du nucléaire vers d’autres sources d’énergie… le tout sans risquer de générer de pénuries, voire de « black-outs ».

Ne soyons pas naïfs. Le choix allemand n’est possible que parce qu’Angela Merkel sait que les réacteurs français continueront à tourner et lui offriront des solutions de repli en cas de coups durs !

En économie, on appelle cela la « théorie du passager clandestin » : faire payer aux autres les risques industriels que l’on ne veut pas prendre (ou que l’on n’assume pas politiquement) tout en profitant des avantages offerts par le nucléaire (électricité abondante, peu chère et non polluante).

Si la France, deuxième producteur nucléaire au monde (et 1er producteur européen) décidait demain de fermer ses centrales nucléaires, il n’y aurait plus de plans B. Que ce soit pour les Allemands, les Français ou tout autre pays européen… et cela changerait la donne.

L’enjeu environnemental

Tout le monde (y compris les écologistes et les anti-nucléaires) reconnait que les énergies renouvelables ne représentent pour l’heure que des solutions d’appoint énergétiques et qu’elles ne sont pas en mesure de se substituer au nucléaire ou au thermique pour produire le « baseload », la production électrique de base.

Pour récupérer le manque à produire nucléaire, il n’existe en réalité que deux options complémentaires : consommer moins et/ou s’orienter massivement vers de la production thermique d’électricité.

Les réductions de consommation peuvent jouer à la marge, mais ne suffiront pas (loin s’en faut) à remplir le vide provoqué par une sortie de l’atome. Il faudrait donc construire de nombreuses centrales thermiques (au gaz naturel, au charbon ou au fioul) pour récupérer (au moins partiellement) les mégawatts perdus.

Gaz, charbon, fioul. Autant de sources d’énergie au bilan carbone catastrophique, là où le nucléaire n’émet quasiment pas de CO². Un coût écologique élevé qui remettrait en cause les efforts des gouvernements et des opinions publiques européennes pour combattre le réchauffement climatique. Un coût qui n’est pas irréaliste en soi, mais qui doit être fait en toute connaissance de cause.

Difficultés économiques et sociales

Coût économique et social de l’abandon du nucléaire enfin. Pour les usagers tout d’abord, qui verraient leurs factures d’électricité exploser dans des proportions inédites en France, où on estime que le programme nucléaire a jusqu’ici permis de réduire de 30 à 40% les factures électriques par rapport aux autres pays européens.

Compte tenu du nouvel outil de production à construire, des coûts de déconstruction nucléaire, mais aussi du poids des investissements dans le secteur de la production électrique, les hausses du prix de l’électricité seraient d’ailleurs sans doute sensiblement plus élevées (au moins dans un premier temps) en France que dans s’autres pays moins engagés dans le nucléaire.

Mais les industriels devraient également participer à l’effort national. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les premières voix à s’élever contre la décision d’Angela Merkel auront été celles des industriels allemands,dépités de voir leur chancelière saboter leur compétitivité avec une décision qui, ils le savent, entrainera le renchérissement du prix de l’électricité.


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