Quelle est l’idéologie de Breivik ?
par Padamox
mardi 16 août 2011
Depuis le double attentat d'Oslo, pour les médias et les politiques français, Anders Breivik, le terroriste norvégien, est "d'extrême-droite". La réalité est-elle aussi simple ?
Pour le commun des citoyens, à quoi renvoi le terme "extrême-droite" ? Au racisme, certes, mais aussi et surtout aux fameuses "heures sombres de l'Histoire". Extrême-droite, ça évoque le fascisme, le nazisme, et en France, ça évoque le pétainisme, la collaboration. Avec, en toile de fond, l'antisémitisme.
On a donc tôt fait de prendre Breivik pour ce qui symbolise cette idée de l'extrême-droite : Un fasciste, un néo-nazi, un nostalgique du 3ème Reich, un antisémite, un négationniste...
Il y a certes cette "vieille" extrême-droite. Celle issue de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide. Mais il y en a une autre, née de la chute du système soviétique, et du 11 septembre 2001. Celle qui s'est construite sur l'idée du choc des civilisations, dans la paranoïa et la haine à l'égard de l'islam et des musulmans.
Une extrême-droite qui tire sa doctrine non plus des idéologues fascistes et nazis des années 30, mais plutôt des idéologues néo-conservateurs américains.
Breivik n'est pas un admirateur d'Hitler, un nostalgique du nazisme. Il clame son admiration pour Churchill, pour les Etats-Unis, et aussi pour Israël (comme ces leaders d'extrême-droite européens invités en Israël). Qui plus est, il semble appartenir (ou avori apartenu) à une loge franc-maçonne.
Admirateur de Churchill, des USA, d'Israël, Franc-Maçon : On est très loin du Le Penisme tendance Jean-Marie !
En réalité, Breivik ne défend pas une idéologie marginale et minoritaire. Il défend une idéologie qui est très influente dans le monde occidental depuis 10 au moins. L'historien Emmanuel Todd a utilisé le terme "d'occidentalisme".
Le terroriste norvégien est en réalité un pur produit de son époque. Menace de l'Islam, choc des civilisation, Israël présenté comme un poste avancé de l'Occident, il s'agit de tout un discours qui a eu pignon sur rue dans les médias et le monde politique depuis des années.
Y compris dans un pays, le nôtre, qui a vu tel patron de presse s'exclamer : "Oui, je suis un peu islamophobe !", tel écrivain écrire "L'islam, c'est vraiment la religion la plus conne !". Tel philosophe médiatique se lamenter : "L'antiracisme sera au 21ème siècle ce que le communisme a été au 20ème".
Ces phrases, ces écrits, ne proviennent pas de skinheads décérébrés ou de pamphlétaires d'extrême-droite. Ils s'inscrivent dans le discours dominants médiatiquement et politiquement depuis quelques années... Ceux-là même qui traitaient de fascistes, de Munichois, d'anti-américains, voire d'antisémites, ceux qui ont critiqué les guerres en Irak et en Afghanistan, ou la politiques de l'Etat d'Israël. Ceux qui traitent "d'angélistes" ou de "bisounours" ceux qui s'inquiètent de voir la minorité musulmane française montrée du doigt, jetée en pâture à l'opinion comme menace intérieure et malheur à tous nos problèmes sociaux, économiques, etc... Ceux pour qui toute idée "de gauche" est assimilée à du "droitdlhommisme", à du "politiquement correct". Des années que ce discours domine l'air politique et intellectuel ambiant.
Breivik est imprégné de cette idéologie. Non, il ne vient pas des années 30, ce n'est pas un néo-nazi, ni un "chrétien intégriste". C'est un homme de son temps, tout simplement. Pris dans sa mégalomanie, son instinct meutrier, son propre délire, certes, mais son propos, ses obsessions, ses peurs et ses haines sont banalement exprimées partout, dans les talk-shows à la mode, dans les débats radiophoniques, dans les tribunes de journaux qui n'ont rien de "nazis" et de "chrétiens intégristes"...
Renvoyer Breivik dans la marginalité folklorique de "l'extrême-droite", dans le camps du "Mal" facilement identifié, c'est une façon simple de ne pas évoquer la vraie idéologie qui l'a produit...