Quelle France voulons-nous ?
par Voris : compte fermé
mardi 10 avril 2007
Deux candidats, deux hommes, proposent par leurs méthodes et leurs projets de société, que tout oppose, une alternative aux électeurs. Le propos ici est de présenter quelques points importants qui distinguent nettement François Bayrou et Nicolas Sarkozy.
1 - Le Kärcher ou le tracteur :
Deux symboles séparent deux projets de société
distincts proposés par les candidats Bayrou et Sarkozy : le Kärcher et le
tracteur. Que l’on songe une seconde à la différence essentielle qui oppose ces
deux images. L’une est destructrice et ne veut s’attaquer qu’à la surface.
L’autre est constructive et elle a pour ambition de travailler en profondeur
pour faire pousser ce qui est utile à l’ensemble de la communauté.
Le Kärcher est la solution prescrite par celui qui ne discerne que les choses à
la surface. Celui qui n’a de regard que pour les conséquences et non pour les
causes. "Occupez-vous des causes au moins autant que vous vous
occuperez des conséquences" dit Bayrou (« Projet d’espoir »,
page 146). Ainsi, en matière de sécurité dans les quartiers difficiles,
s’occuper des causes revient à agir sur elles, et non pas à les utiliser
uniquement comme excuses sociologiques comme le font certains à gauche, parce
qu’il appartient au juge sur chaque affaire particulière d’en décider. Fermeté
donc mais justice. Si la fermeté est signe de force et de justice, la violence
est la marque de la faiblesse, faiblesse
qui ne fait qu’engendrer la violence à son tour. Certains pensent pouvoir jouer
de cette violence le temps d’une élection mais ils se fourvoient : cette
spirale dangereuse rendra tout incontrôlable...
Comme madame Royal, François Bayrou déplore la suppression de la police de proximité par l’Etat UMP. Il faut agir sur les causes, dit-il, ce qui signifie faire de la prévention et rendre la sanction plus efficace, c’est-à-dire plus rapide et mieux adaptée, c’est affermir la dimension éducative de cette sanction par l’obligation de réparation. Et c’est aussi agir en profondeur par la réforme pénitentiaire, l’éducation scolaire, la pédagogie des citoyens, l’exemple qui vient d’en haut. Quand on sait que la caste régnante de l’UMP inclut un bon nombre de branches pourries, des « ministrables » ayant eu affaire à la justice pour des délits financiers graves ou sur le point d’être inculpés, on mesure la faible portée exemplaire que l’Etat aura sur ses citoyens. Ceux qui volent un boeuf encourageront par l’exemple de leurs turpitudes ceux qui volent un oeuf. Ajoutons à ce fait que l’argent roi aux mains d’une caste dominante ne pourra qu’exacerber le modèle social fondé sur l’argent et l’agressivité.
Travailler en profondeur, c’est aussi améliorer la justice. Pour que la justice puisse juger, il faut qu’elle soit plus indépendante. Bayrou s’y engage. Il propose notamment de doter le garde des Sceaux d’un statut spécial. Il faut aussi que la justice soit améliorée : Bayrou veut différencier le rôle de juge de celui de procureur, augmenter le budget de la justice de manière conséquente. Le candidat Sarkozy, que l’on peut qualifier de « candidat sortant » en raison du rôle important qu’il a joué dans le gouvernement en fin d’exercice, présente un bilan très décevant sur ce sujet. Alors que le gouvernement UMP avait l’occasion d’initier une grande réforme à la suite de l’affaire Outreau, il n’a fait qu’une réforme dérisoire voire insultante pour les victimes (présentes et à venir..) des erreurs judiciaires.
Pour que la police puisse appréhender les individus délinquants,
elle doit pouvoir intervenir sans créer autour de ces individus des
attroupements qui viennent interférer dans son travail. La
"police de Sarkozy", puisque telle sera l’image véhiculée hélas par
les forces de l’ordre, ne fera que renforcer ce phénomène de collusion
spontanée. Les "agents de la paix" deviendront les agents du désordre
et de la violence. Le mot "agent" vient du verbe agir mais la police
n’agira plus, elle ne fera plus que subir !
2 - Le poing brandi ou la main tendue :
Voulons-nous d’une France qui brandit un poing rageur vers l’Autre, à l’image de Nicolas Sarkozy menaçant les juges, les journalistes, et même un autre ministre à qui il promet de « casser la gueule » ? Voulons-nous d’une France qui renforce les divisions ou d’une France qui tend la main et qui s’efforce de rassembler ? A l’heure du choix, dans quelques jours, chacun aura à se poser la question. Car c’est un choix de société qui se présente à nous.
Le langage de la violence va-t-il dominer notre démocratie durant les cinq prochaines années ? On peut se poser légitimement la question quand on voit la cote de popularité du candidat Sarkozy et le récent sondage qui révèle que 59 % des Français pensent que Sarkozy sera élu, que les jeux sont faits, que « tout est plié » pour reprendre à peu près l’expression employée par ce candidat se réjouissant de récolter pour son propre compte les violences commises à la gare du Nord à Paris.
Depuis quelques années, le langage de la violence a débordé du camp des partis extrêmes où il se cantonnait. Il a gagné la droite libérale. Nicolas Sarkozy semble l’avoir adoptée comme méthode de gouvernement. Après avoir mis le feu aux banlieues - du moins était-ce un élément déclencheur important - par ses mots de "racaille" et de "nettoyage au Kärcher", après avoir promis le "croc de boucher" à Dominique de Villepin dans l’affaire Clearstream, après avoir aussi promis - souvenons-nous - à Bayrou en 1999 qu’il y aurait "du sang sur les murs" s’il ne se ralliait pas à son camp pour les élections européennes, voilà qu’il a menacé Azouz Begag, alors ministre, de lui casser la gueule.
L’utilisation à son profit par Sarkozy du « chacun
pour soi » qui règne dans notre société, l’écho qu’il en donne pour
l’amplifier, renforcera les divisions, les clivages, l’égoïsme. Le rejet de
l’autre est peut-être la pire des violences : le rejet de l’immigré, du
Français intégré mais au faciès distinct, le rejet voire le déni du pauvre. Sur
ce dernier point, Balkany (UMP) déclare sans gêne « Nous n’avons pas de
misère en France, il n’y a pas de ce que vous appelez les pauvres. Bien sûr, il
y a quelques “sans domicile fixe”, qui eux ont choisi de vivre en marge de la
société mais ce sont des gens relativement rares qui ont décidé une fois pour
toute qu’ils étaient en marge de la société, qu’ils ne voulaient pas travailler
ou qu’ils avaient été rejetés par la société”. »
La "France d’après" conduite par un homme qui pousse à la violence et la pratique lui-même risque de jeter le pays dans des désordres sans fin. Car il y a de la violence dans les méthodes de Sarkozy, dans ses paroles mais aussi dans ses idées. Ses déclarations inconsidérées sur les pédophiles et le suicide, ses amalgames et ses oppositions manichéennes entre les catégories de gens et même entre les types de violence : entre la « bonne violence » (ceux qui détruisent les édifices publics pour manifester pour leur travail) et la « violence du diable » (celle des gens qui osent manifester alors qu’ils ne travaillent pas !).
Nous savons maintenant qu’avec Sarkozy la violence sera légitimée comme mode de gouvernement et comme mode de relation sociale. Et après ? On ne maîtrisera plus rien... La France veut-elle ainsi se singulariser ? Veut-elle quitter le cercle des pays signataires de la charte des Droits de l’Homme ?
M. Bayrou défend "une autre idée de l’ordre". "L’ordre, dit-il, cela commence quand il y a la paix dans les esprits. Si vous choisissez l’affrontement, vous n’avez pas l’ordre mais le désordre. La sécurité vient d’abord de la manière dont les gens se regardent entre eux. S’ils s’acceptent et se comprennent, alors vous avez la sécurité."
Alors, quelle France voulons-nous ?