Quelques motifs d’incompréhension

par Jacques-Robert SIMON
lundi 14 mars 2022

Ces deux dernières années, des périls menaçant l’ensemble de l’humanité sont apparus sur le devant de la scène : le réchauffement climatique induit par l’utilisation de ressources fossiles dont on va de toute façon manquer, une épidémie mondiale (pandémie) dont on ne connaît pas de traitement, un risque avéré de troisième guerre mondiale. Quelles furent les réactions des dirigeants en place ?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988. Le GIEC est constitué principalement de scientifiques et il analyse et fait la synthèse des publications de valeur reconnue fournies par l’ensemble des laboratoires mondiaux. La pression conjointe de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher fut nécessaire pour sa création, ils souhaitaient tous deux exercer un contrôle sur les rapports produits par l’organisation et en particulier éviter un ‘militantisme écologique’ falsificateur de données. En 2021, le GIEC comptait 195 membres. Années après années, le caractère préoccupant du réchauffement climatique se confirma. Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 soulignèrent la fragilité des sociétés occidentales vis-à-vis de leur dépendance aux énergies fossiles. Une mutation économique fut entreprise sous l’impulsion de Milton Friedman qui conseilla Ronald Reagan dans ses campagnes présidentielles de 1980 et 1984 dans le cadre d’un déclin constaté des USA. La révolution néolibérale était en route : réduction du poids de l’État, baisse des taux d’imposition, dérèglementation de l’économie, politique monétariste... Cette idéologie, comme toutes les idéologies, remplaça jusqu’à la caricature toute espèce de bon sens.

Chacun s’accorda sur le fait que l’on devait limiter la hausse des températures à 2°C, scénario impossible à suivre à moins de diminuer chaque année de 5% les émissions de dioxyde de carbone*. Cette contrainte implique une réorganisation presque complète du tissu économique et social. À titre d’exemple, il a été estimé que, pour respecter l’accord de Paris sur le climat, « Il faudrait un Covid [une pandémie] supplémentaire tous les ans pour que l’on respecte la limite des deux degrés de réchauffement. »*

Ceci sous-entend que l’on est incapable de retreindre les consommations coûteuses en énergies non-renouvelables et polluantes volontairement : il faudrait une force externe, indépendante (apparemment) de la volonté des dirigeants.

La crise du Covid a fait surgir des motifs d’incompréhension importants : procès en sorcellerie, déferrement devant un conseil de l’ordre de professionnels reconnus, décisions prises dans le secret d’un conseil de défense, choix des traitements par des autorités administratives, instauration d’un ‘pass’ permettant le contrôle permanent des populations…

Les vagues virales successives s’atténuant, la guerre apparut.

La Russie a décidé d’envahir l’Ukraine comme d’autres l’avaient fait au Moyen-Orient. À l’ère affichée de la mondialisation heureuse, les mêmes hamburgers étant engloutis partout, les mêmes séries télévisées étant regardées partout, le même attrait exclusif pour l’argent se retrouvant partout, cet envahissement peut sembler anachronique.

Le fait que le Président du pays le plus puissant du monde se déclare impuissant avant même que le conflit soit déclaré semble plus encore une bizarrerie historique. Ce même pays avait peaufiné depuis longtemps un système de sanctions économiques pour asseoir sa prééminence. Dès 1977, une loi fédérale (Le Foreign Corrupt Practices Act) permettait de sanctionner hors le territoire américain (extraterritorialité) les agissements jugés délictueux. Par la suite, des entreprises françaises en ont été la cible : Alcatel-Lucent, Alstom, Sanofi, Société Générale, Technip, Total et Airbus.

Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer cet empressement à écraser autrui : la défense impitoyable des peuples russophones, le désir de contrer une mondialisation contrôlée par les américains, mettre le territoire russe hors de portée des missiles nucléaires hostiles. Les trois traits ne sont d’ailleurs ni indépendants, ni contradictoires.

Près de 10 % des 2 millions d’hommes de l’armée américaine sont déployés depuis longtemps à l’étranger dans 800 bases et 177 pays. Au sein de l’OTAN, les États-Unis déploient quelque 150 armes nucléaires, en Allemagne, en Belgique, en Italie, aux Pays-Bas, en Turquie... La puissance de ces bombes nucléaires est variable, allant de 0,3 kt (tactique) à plus de 340 kt (stratégique), kt : Kilotonnes, milliers de tonnes de Trinitrotoluène (TNT). Les dégâts pouvant être occasionnés par leur usage proviennent d’un effet thermique de type boule de feu puis subséquemment par un effet de souffle. L’effet boule de feu s’étend sur 0,1 à 2 km selon les cas, tandis que les effets de souffle vont bien au delà. Pour optimiser les dévastations, les villes sont évidemment les cibles prioritaires.

La distance Kiev-Moscou est de 755 km est suffisamment faible pour que la capitale Russe puisse être effectivement promptement dévastée. Cependant la distance Riga-Moscou est tout à fait comparable (841 km) et la Lettonie est d’ores et déjà membre de l’Otan. Les USA n’ont qu’un faible avantage supplémentaire si l’Ukraine bascule dans leur giron. Les Russes possèdent des bases au Kamchatka qui mettent les USA sous le péril d’un feu nucléaire même si la partie européenne de la Russie est anéantie. La largeur de la Russie d’est en ouest est environ 9000 km, soit 3 fois le diamètre de la Lune, ce qui créé des difficultés pour la vitrifier dans sa totalité. La digestion d’un pays relativement petit à cette échelle peut donc sembler peu pertinente.

Mais d’innombrables autres anormalités ont émaillé les débats concernant cette annexion brutale. Sur une chaîne télévisée de grande audience, un débat est organisé par un animateur ni meilleur ni moins pire que les autres, le sujet : « Eliminer [physiquement] Poutine, parlons-en ». L’élimination physique d’un chef d’État étranger n’est plus tabou, État qui est de plus membre du conseil de sécurité de l’ONU. Rappelons que ‘L’incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination raciale est le fait de pousser par son attitude des tiers à maltraiter certaines personnes et que c’est une infraction punie par la loi.’

Il est aussi curieux de constater que personne n’ait anticipé que la dépendance énergétique (gaz et pétrole) de l’Europe vis-à-vis de la Russie entraînait à son égard de lourdes obligations voire une dépendance sans alternative. Rien ne se créé spontanément, surtout pas des ressources énergétiques fossiles, choisir son approvisionnement c’est aussi choisir ses sujétions.

L’impréparation militaire des occidentaux est également patente. Suite à la révolution ukrainienne de 2014, la Crimée est annexée par la Russie. Que les motifs soient légitimes ou non, c’est la preuve que la Russie ne se prive pas de conquérir brutalement des territoires hors de ses frontières. Que les États-Unis souhaitent ou non s’investir militairement en Europe, l’Europe était aux premières loges. Elle a décidé un sursaut militaire en commun alors que la guerre était déjà déclarée.

Tuer Poutine semble une option pour certains, d’ailleurs c’est le nouvel Hitler, adepte d’une solution finale, comme il l’a été proposée par une accorte jeune femme lors d’une de ses émissions télévisées. La lutte sans merci entre slaves orthodoxes et fous de la religion islamique peut fournir une autre justification d’un autoritarisme de bon aloi.

De août à septembre 1999, survinrent cinq explosions en Russie entraînant la mort de plus de 300 personnes. Ces attentats furent attribués par les autorités russes aux indépendantistes tchétchènes.

La Tchétchénie est une petite république à majorité musulmane du Caucase du Nord. Le maître du Kremlin se proposa alors « d’aller buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes ». Il sera compté de l’ordre de 150 000 morts (10% de la population). Il s’en suivra une ‘radicalisation’ xénophobe d’une partie de la jeunesse russe.

La peste d’Athènes (-430 à -426 avant J.C) conduisit à la mort d’un tiers de la ville, en 1933, la Pologne comptait plus de trois millions de Juifs, dix-sept ans après la communauté juive était tombée à environ 45 000 personnes... restent les famines. * donnée de M. Jancovici


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