Quels mécanismes pour faciliter le transfert des fonds des migrants ?

par TSAKADI Komi
mardi 19 septembre 2006

 

Au-delà des images récurrentes et poignantes que colportent les médias sur l’odyssée des Africains tentant par tous les moyens de venir en Europe, il faut souligner le caractère bénéfique des migrations, étant donné qu’elles peuvent contribuer au bien-être et à la lutte contre la pauvreté dans les pays de l’Afrique subsaharienne, région où vivent  300 millions de personnes parmi les plus pauvres qui soient, et qui constitue pour le monde le défi le plus redoutable sur le plan du développement.

Cette contribution, passant par le transfert des fonds de ces derniers vers leurs pays d’origine, est devenue une manne de financement importante (la plus grosse source de devises étrangères dans certains pays), à côté de l’aide publique au développement (APD) ou des investissements directs étrangers (IDE).

En effet, dans plusieurs pays africains, les transferts de fonds des travailleurs migrants vers leur pays d’origine sont un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Dans une étude récente, la Banque mondiale chiffre à 126 milliards de dollars (près de 97 milliards d’euros) les sommes versées et injectées dans les pays en développement en 2005, soit 10 milliards de plus que l’année précédente et le double par rapport à 2000.

Ces flux de capitaux privés représentent désormais le double de l’aide publique des pays riches au tiers-monde. Ils sont la deuxième source de financement externe des pays en développement, derrière les investissements directs.

C’est pour cela que pour la première fois, un débat ministériel à l’échelle mondiale vient d’être organisé dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies sur les migrations internationales et le développement (du 14 au 15 septembre à New York). Cette réunion ministérielle précède un dialogue de haut niveau sur la mise en œuvre du programme d’action en faveur des pays les moins avancés (PMA) pour la décennie 2001-2010 adopté en mai 2001 à Bruxelles, lors de la troisième conférence des Nations unies sur les pays les moins avancés. Dialogue devant se ternir lors de la soixante-et-unième session de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, les 19 et 20 septembre prochains.

Il faut rappeler que l’année en cours a été déclarée « Année de la migration et du développement ». Aussi, à l’occasion de cette réunion ministérielle, le groupe des pays les moins avancés (PMA), qui compte 50 pays les plus pauvres du monde, ont-ils proposé la création d’un observatoire de transfert de fonds des migrants pour les PMA. Proposition qui avait été retenue lors de la conférence ministérielle des PMA sur le transfert des fonds des migrants tenue à Cotonou (Bénin) du 9 au 10 février 2006.

Il faut aussi relever les efforts de la France qui, à défaut de tenir sa promesse de Monterrey de porter à 0,7% de son PIB l’aide publique au développement aux pays pauvres, cherche des sources de financement innovantes pour le développement. D’où l’adoption du dispositif compte épargne co-développement contenu dans la loi sur l’immigration du 30 juin 2006 visant à inciter les migrants à épargner pour contribuer à la création des activités économiquement viables dans leur pays d’origine, moyennant des déductions fiscales.

En effet, mieux géré, mieux canalisé, mieux réparti, l’argent en provenance de l’immigration pourra favoriser l’augmentation du capital humain, des dépenses consacrées à l’éducation, des investissements ou s’investir, via les organismes de microcrédit, dans des projets profitant aux communautés locales et plus généralement à l’économie des pays pauvres.

Mais il faudrait imaginer des mécanismes efficaces pour faciliter le transfert de ces fonds, en mettant en place, entre autres, un produit entre les banques en France et leurs filiales ou partenaires en Afrique pour permettre aux immigrés de disposer de deux comptes, l’un en France, l’autre dans le pays d’origine fonctionnant de manière complémentaire en vue de réduire le coût des transferts de fonds par rapport aux commissions exorbitantes prélevées par les sociétés de transferts internationales ( Western Union, MoneyGram...).

Ces mécanismes innovants permettront de pallier aussi les risques inhérents aux transferts informels des fonds (transport de main à main par des amis ou parents) et d’offrir aux migrants de contribuer efficacement à la lutte contre la pauvreté dans leur pays d’origine.

La Banque mondiale co-préside avec le Comité de la banque des règlements internationaux pour des systèmes de paiement et de règlement, un groupe d’études pour la coordination des politiques internationales applicables aux systèmes de paiement des envois de fonds, dans la perspective de réduire les coûts des transferts de fonds.

Il ne s’agit pas d’inciter la main-d’œuvre qualifiée à quitter nos pays appauvris pour émigrer vers les pays développés (fuite de cerveaux) ou de substituer les transferts de fonds à l’Aide publique du développement (APD) ou aux investissements directs étrangers (IDE), mais d’œuvrer au renforcement des cadres institutionnels des transferts de fonds pour un impact plus positif sur la lutte contre la pauvreté dans les pays d’origine, pour que les objectifs du millénaire soient atteints.

Komi TSAKADI


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