Questions sociétales : si nous distinguions « éthique » et « morale » ?

par Olivier Des Mots Crates
lundi 27 août 2012

« Ethique » et « morale » sont des mots souvent considérés comme synonymes. Il me semble pourtant qu’il existe un certain nombre de nuances aussi intéressantes qu’importantes. C’est en tout cas ce que m’ont inspiré les discussions récentes sur plusieurs questions dites sociétales, et m’a amené à réfléchir à ce qui pouvait distinguer ces deux notions l’une de l’autre…

Je ne suis pas un philosophe, et je vais le prouver une fois de plus. Parfois, certains faits du quotidien ou de l'actualité m'inspirent des réflexions sans doute trop profondes pour ce que j'ai les moyens d'en faire. Mais ca ne m'empêche pas d'essayer de théoriser pour finir avec une opinion personnelle qui peut se débattre.
 
Ce qui suit est donc complètement arbitraire, ne passe par aucune forme d'analyse étymologique (qui me donnerait sans doute tort) et est complètement biaisé du simple fait qu'il s'agit d'un avis basé sur ma propre perception et compréhension des notions d'éthique et de morale.
Ainsi, je suivais dernièrement les discussions sur le "mariage gay", et lisais les réactions d'hommes et femmes politiques, ainsi que les commentaires d'internautes.
 
J'ai commencé par m'agacer de l’espèce de stigmatisation imposée par les media qui titrent presque systématiquement "mariage gay ou mariage homosexuel" plutôt que "mariage pour tous", comme pour faire du sensationnel en apposant deux termes qui veulent sembler antinomiques. Je pense d'autre part que la mise en avant de la terminologie "mariage pour tous" permettrait de changer un peu la nature du débat, de la rendre moins polémique, mais c'est un autre sujet.
 
Et puis, l'appel des évêques de France à la prière universelle pour les messes de l'Assomption (rien de préjudiciable jusqu'ici) avec un passage demandant que les enfants "cessent d'être les objets des désirs et des conflits des adultes pour bénéficier pleinement de l'amour d'un père et d'une mère". Evidemment, cela s'appelle jeter de l'huile sur le feu, ce qui donne l'occasion à la classe politique de réagir, par exemple le secrétaire national du PRG chargé de la laïcité, Pascal-Eric Lalmy qui a affirmé comprendre l'initiative de l'Eglise comme "une prière nationale unique pour mobiliser les opposants à la législation sur le mariage homosexuel". Bon, d'autres pourraient dire que cela s'appelle juste donner son avis, et que même au nom de la laïcité on ne peut pas enlever à l'Eglise, ou tout autre institution religieuse, la liberté de s'exprimer notamment par l'appel à la prière, même universelle.
 
Et là, c'est le drame : me voila projeté dans une réflexion sur l'éthique et la morale, et la remise en question de l'idée communément admise que les deux sont synonymes. A la base de cette réflexion, il y a sans doute une simple mise en parallèle avec l'expression "faire la morale" qui me pousse à réfléchir à l'éthique différemment. La réaction de l'Eglise me parait en effet moralisatrice, traditionaliste, dogmatique, fondée sur des normes qui résonnent comme des leçons de vérité universelle et absolue sur le bien et le mal.

 
Une réaction éthique aurait peut-être davantage pris en compte les conséquences de cette déclaration sur l'humain, sur ceux qui sont concernés directement et concrètement, plutôt que pour ceux qui sont gênés dans leurs références et leurs idées préconçues.

 
Je vois donc éthique rimer avec laïque et humaniste, un comportement qui privilégie les conséquences aux intentions et qui porte un jugement analytique permettant à chacun de refuser ou de s'opposer aux normes établies au nom d'un sentiment personnel sur ce qui est juste ou positif. C'est l'exercice de la liberté individuelle dans le respect d'autrui : la liberté responsable.
 
En faisant une recherche rapide sur le sujet, je suis tombé sur une page du site de la Food and Agriculture Organization de l'ONU qui reprenait un paragraphe issu d'un rapport de 2005 sur les "questions d'éthique en matière de pêche".
 
J'ai trouvé ce texte sur le rôle de l'éthique particulièrement inspiré, et me permets donc de le citer ci-dessous :
 
"Lorsque les valeurs morales, règles et devoirs effectifs sont assujettis à une analyse éthique, leur relation avec les intérêts humains essentiels communs à tous, quel que soit leur contexte culturel, est particulièrement importante. Les valeurs morales peuvent évoluer et le raisonnement moral pose la question de savoir si les pratiques qui sont légitimées traditionnellement ou de fait par la religion, le droit ou la politique valent la peine d'être reconnues. En effet, l'évolution de l'éthique depuis 100 ans a été caractérisée par une tendance à réexaminer et renverser les conventions morales qui présidaient à l'interaction entre les sexes, entre les êtres humains et les animaux et entre les êtres humains et leur environnement."
 
Ces quelques lignes sont lourdes de sens et couvrent un large éventail de questions contemporaines en définissant l'éthique comme ayant "tendance à réexaminer et renverser les conventions morales qui présidaient à l'interaction entre les sexes, entre les êtres humains et les animaux et entre les êtres humains et leur environnement" ca valait le coup d'être répété.
 
Ainsi, est-ce faire preuve d’éthique que de faire barrage à l’évolution et la modernisation de la définition du couple, du mariage, de la famille ?
 
L'éthique examine et la morale repose sur des conventions (ou des valeurs qui elles peuvent évoluer)... parlons-nous vraiment de la même chose, ou pouvons-nous y voir une distinction de l'ordre de celle qui existe entre humanisme et traditionalisme ?
 
 www.desmotscrates.com

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