Racisme ordinaire, indulgence ou indifférence ?
par Bourricot
mercredi 20 décembre 2006
Le quotidien Libération titrait sa une du lundi 18 décembre « Racisme antinoir : l’indulgence coupable ». Et d’illustrer cette première page avec une photo d’une tête d’homme noir dont le bas du visage n’est pas visible. Le journal faisait évidemment référence aux derniers propos de Georges Frêche et de Pascal Sevran.


On peut s’étonner légitimement que les propos tenus par ces deux personnalités aient eu finalement peu de retentissement. Effectivement, les médias se sont fait les relais de ce qui peut apparaître comme tout à fait condamnable et indigne de personnalités, de plus représentantes du service public. Pour autant, on n’a pas -ou peu- trouvé de réponses qui condamnaient de tels propos ; une assez large insouciance, dans la société civile. Enfin c’est extrêmement dérangeant de voir avec quelle facilité les intéressés se faufilent vers une impunité tranquille.
Georges Frêche, loin de s’excuser, persiste et signe en tentant d’expliciter son propos dans de multiples conférences de presse. Et de menacer par la même occasion son parti de révélations explosives. La direction socialiste annonce des débats, une enquête, des mesures...Une procédure qui consiste finalement à noyer le poisson. Quant à Pascal Sevran, il n’aura que balbutié quelques excuses, après avoir quelque temps défendu son argumentaire. Encore plus étrange, son livre, aujourd’hui sous le feu des projecteurs, ne date pas d’hier. En effet, le livre est sorti en janvier et a fait l’objet d’une promo assez remarquable avec notamment un passage à Vivement Dimanche en présence de... Nicolas Sarkozy, qui alors exprimait sa profonde sympathie à l’animateur, et où l’on apprenait leur amitié, loin d’être quelconque. Arrêt sur images est passé par là pour rafraîchir cette mémoire. Saluons donc au passage le service que peut rendre la télévision, parfois tant décriée.
Mais cette polémique, enfin polémique qui n’est plus à l’ordre du jour, n’illustre-t-elle pas un comportement bien plus vaste qui fait honneur à l’arrogance, à la provocation et à "l’insulte facile", quand ce n’est pas un délit plus grave, un racisme qu’on qualifiera peut-être de plus subtil, mais qui est pour le moins xénophobe, une défiance envers les "minorités visibles" ? Lesquelles s’organisent et forment par exemple le CRAN (Conseil représentatif des associations noires). On y a vu un communautarisme, une enfermement, un repli identitaire. Peut-on donc parler aussi d’un communautarisme blanc ? Tout porte à le croire... Société fragmentée, elle n’a jamais autant transpiré ce filet de haine qui n’a jamais cessé de suinter des blessures passées. On tente de les cicatriser à l’aide de pansements comme la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité). La gangrène ne semble pas être réduite pour autant. Elle ne fait qu’empirer et s’immiscer dans le sens commun, devient une opinion partagée. Faute de désinfectant, on ne trouve pas mieux qu’employer le chalumeau ou le kärcher pour parer au délitement de la société dans ses plus grands tréfonds.
Et le dernier sondage de TNS-Sofres ne fait que confirmer cette hypothèse, 26% des Français d’accord avec les idées de J.-M. Le Pen, et 29% de le juger non dangereux pour la démocratie. Mes détracteurs ne manqueront pas de tenter de me persuader que la "droite nationale" n’est ni raciste ni xénophobe, elle veut simplement imposer l’immigration zéro et rendre la France aux Français.
Mais quelle signification à ce sondage, quand on s’aperçoit que des républicains confondus de l’UMP, du PS se mettent désormais aussi à relayer un discours aussi désobligeant, à vomir, devrais-je dire... La société n’est pas en train de se tirer une balle dans le pied, elle est déjà unijambiste. A quand un front commun contre le sectarisme et l’obscurantisme, d’idées qui nous ont tant fait de torts dans le passé ? Les Français ne cèdent-ils pas finalement face à leur frustation et à leur désespoir ? Quelle réponse politique est apportée aujourd’hui ?
Autant de questions dont les réponses semblaient si fermes dans le passé, et qui paraissent se diluer dans cet environnement si putride.
La France, oui, me fait mal. Elle porte communément tort à notre idéal qui avait pourtant fait l’objet de grandes batailles, de grands principes indestructibles. Mais le temps vient à bout de tout, même du monolithe construit dans la roche la plus dure. Des empires se sont effondrés sur eux-mêmes, le tour est-il venu pour les démocraties de creuser leur tombe ? Système philosophique, politique, qui devait être à même d’amener les conditions optimales du vivre-ensemble, il n’a été le théâtre que d’amertumes ravalés et de slogans ambigus. Oui, l’universalisme révolutionnaire est mort, certitude embaumée qui est à la bannière de cette décadence des mots.