RD CONGO – BENI : Le massacre du 22 septembre 2018 et le laissez-faire
par MUSAVULI
mardi 25 septembre 2018
Alors que le président hors mandat Joseph Kabila va prononcer un discours officiel à la tribune de l’ONU, mercredi 25 septembre 2018, le Congo est en deuil. Un nouveau massacre a été commis à Beni samedi 22 septembre 2018.
Suivant le même mode opératoire, que nous décrivons dans notre livre « Les massacres de Beni »[1], les tueurs ont été aperçus longtemps avant qu’ils ne passent à l’action. Les autorités civiles et militaires ont été alertées, mais elles ont laissé faire avant, pendant et après les tueries. Le classique, depuis le début de la campagne de massacres dans ce territoire, le 2 octobre 2014.
Le samedi 22 septembre 2018, un prêtre de la paroisse de Paida a signalé la présence des tueurs dans la brousse près de sa paroisse. Il a alerté les autorités. Le général Marcel Mbangu Mashita, commandant de l’Opération Sukola 1, entouré de centaines de militaires, est en position, justement, près de Paida, c’est-à-dire, la localité où les tueurs ont été vus et d’où ils sont partis pour aller commettre des tueries dans la ville, avant de repartir sans être inquiétés. Il n’a rien fait.
Les tueries ont débuté à 18h00 et se sont poursuivies jusqu’à minuit. Les tueurs ont opéré jusque dans le quartier Mupanda, et ont même été aperçus près du rond-point principal de Beni. Pourtant ce secteur est toujours quadrillé par des centaines de militaires, jour et nuit. Où sont donc passés tous ces militaires ce samedi 22 septembre ? Pourquoi ont-ils laissé faire pendant six heures alors que les cris des victimes et les tirs étaient entendus presque partout dans cette ville de 400 mille habitants ? Pourquoi les forces de la MONUSCO (Mission de l’ONU au Congo), elles non plus, ont laissé faire ? Mieux encore, pourquoi les tueurs ont tué à proximité des positions de l’armée alors qu’ils pouvaient tuer à plusieurs kilomètres loin de la ville ?
Les massacres de Beni sont une série de crimes indicibles qui se commettent dans une incompréhension entre d’un côté des autorités et la MONUSCO qui semblent liées par un pacte de secret qui les immobilise, et, de l’autre, une population qui subit des atrocités sans rien y comprendre. À chaque fois, le constat est le même : les personnes supposées protéger la population sont lourdement handicapés par des secrets, des complots et des complicités morbides.
Les solutions aux massacres de Beni sont pourtant connues, et elles sont souvent rappelées, entre autres, par la société civile.
Tous les militaires FARDC et MONUSCO déployés à Beni doivent être relevés de leurs fonctions et envoyés dans des provinces éloignées de ce territoire. Ces militaires et leurs officiers ne sont plus opérationnels en raison de divers trafics locaux dans lesquels ils sont impliqués, et qui les handicapent dans leur mission de sécurisation de la population. Sur le plan international, le procureur de la Cour pénale internationale doit lancer des enquêtes et délivrer des mandats d’arrêt contre les personnes impliquées dans ces massacres. Plusieurs noms ont été publiés dans les rapports des experts de l’ONU.
En mai 2015, le think tank DESC-Wondo et l’Organisation ethno-culturelle nande Kyaghanda ont lancé une pétition commune appelant à une enquête internationale sur les massacres de Beni[2]. En mars 2017, un dossier annexé à la pétition fut déposé au bureau du procureur de la Cour pénale internationale, à La Haye, qui en a accusé réception. Mais, depuis, aucune enquête n’a été menée par cette juridiction.
Boniface Musavuli
Analyste politique, auteur des ouvrages :
- Les Génocides des Congolais – De Léopold II à Paul Kagame,
- Les Massacres de Beni – Kabila, le Rwanda et les faux islamistes.