Réalité et utopie d’un tourisme plus responsable

par Clara Serandao
mercredi 15 juin 2022

 

Les alertes sur l’environnement liées au tourisme de masse, ont fait émerger depuis quelques années un tourisme dit « alternatif », ce qui pousse les consommateurs à se poser de nombreuses questions.

Le tourisme est un phénomène planétaire. A sa naissance, il ne concernait que les classes les plus aisées mais a gagné du terrain et s’est démocratisé dans pratiquement tous les pays du monde. Il est un des secteurs le plus puissant, représentant environ 8% du PIB en France.

Le tourisme est une activité décrite et étudiée par beaucoup de spécialistes, comme Jean-Pierre LAMIC, auteur et fondateurs de l’association des Voyageurs et Voyagistes éco-responsables qui le définit comme : « Etant l’ensemble des phénomènes de déplacement temporaire et volontaire lié au changement de milieu et de rythme de vie. Il devrait être associé à la prise de contact personnel avec le milieu visité : naturel, culturel et social, et répond à une très grande variété de motivations sociales, familiales ou tribales. »1

Son apparition a été créatrice d’un grand nombre d’emploi, parfois précaires et saisonniers. On compte environ 300 000 créations d’entreprises liées au tourisme et 2 millions d’emplois crées. La France est la destination la plus populaire dans le monde, elle compte 90 millions de visiteurs étrangers mais elle séduit en premier lieu les Français qui représentent 70% des voyageurs.

Aujourd’hui, le tourisme est identifié comme un facteur de détérioration des cultures, d’imposition d’un modèle néocolonial notamment dans les pays pauvres, de caricatures et de marchandisation des cultures. Le touriste est évoqué comme un « idiot du voyage » par Jean-Didier Urbain, sociologue français.2

Lors de la COP 26, la Déclaration de Glasgow a permis de définir les engagements pour l’ensemble des pays concernés avec notamment des engagements en faveur de la mesure, de la décarbonation, de la régénération et du déblocage de financement.

Traduit par de bonnes intentions et l’envie d’une action climatique efficace, le temps du changement et l’apparition d’un nouveau mode de tourisme pose une question majeure :

Le tourisme durable : réalité ou utopie pour les consommateurs ?

 

L’utopie d’un tourisme durable

Le tourisme durable représente aujourd’hui moins de 10 000 voyageurs par an en France, pour 10 millions de touristes qui partent à l’étranger. Cela prouve la petite proportion du tourisme durable parmi le tourisme international. Il existe une disproportion entre le poids économique et social de ces nouvelles manières de voyager et la quantité d’informations données. Des idées reçues peuvent être un frein pour certaines populations, de plus les organisations qui proposent ce genre de voyages ne prennent pas en compte les aspects environnementaux et économiques. On observe un manque d’informations, un déficit de communication et une difficulté pour les voyageurs à identifier les opérateurs de ce secteur. Beaucoup de touristes, soucieux de leur impact s’organisent seuls et oublient parfois leurs émanations de CO2 liées au tourisme individuel et donc au transport. Ils contribuent donc au gaz à effet de serre tout en préservant leur bonne conscience, car voyager de manière individuelle dans des zones protégées n’est pas un gage de bonne conduite.

Au-delà de ces problématiques, les enjeux autour d’un tourisme plus responsable vont poser d’importants problèmes liés à la géopolitique avec la dépendance des pays en voie de développement vis-à-vis des pays développés, mais aussi des effets sociologiques avec des rencontres entre touristes et locaux qui sont beaucoup trop brèves, des inégalités de culture et de niveau de vie trop flagrantes. Il existe un rapport contradictoire entre le tourisme et l’environnement, le tourisme est défini comme à la fois comme un facteur de dégradation de l’environnement mais aussi comme une source de préservation de celui-ci.

Au travers de tous ces arguments, nous comprenons qu’un changement des mentalités est difficile à envisager car la consommation occupe une place importante dans la vie des individus comme nous l’explique Bernard DUBOIS, professeur en marketing à HEC : « Depuis les années 1970, on parle même d’une Société de consommation avec des effets néfastes pour l’individu et l’environnement »3

Cependant, un tourisme plus durable est tout de même envisageable à l’avenir.

 

Le tourisme durable : une réalité pour l’avenir

Afin de lutter contre les impacts négatifs sur l’environnement et sur les cultures locales, un tourisme durable a émergé depuis quelques années. Il a toujours été présent mais ne s’est développé que depuis quelques années à la suite d’une prise de conscience des gouvernements et des populations. Le tourisme durable est en opposition au tourisme de masse et a pour objectif de lutter contre les effets négatifs de celui-ci. Il est influencé par de nombreux paramètres tels que : la répartition du temps libre des ménages, les vacances scolaires, le climat, les fluctuations de l’économie et du pouvoir d’achat des populations, les effets de modes ainsi que les cataclysmes naturels et géopolitiques.

Alors, on commence par quel paramètre pour devenir un voyageur plus durable ? Tout d’abord, le tourisme dit durable vise à « exploiter de façon optimum les ressources de l’environnement qui constituent un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la biodiversité », l’explique Jean-Pierre LAMIC1. Pour cela, un grand nombre de tourisme s’est développé. Prenons l’exemple de l’écotourisme qui est la forme la plus ancienne de tourisme responsable. Il est basé sur des visites effectuées dans des territoires protégés dans le respect de l’authenticité culturelle et des communautés d’accueil. Il existe un nombre incalculable de tourisme différent qui permettent de lutter contre les impacts négatifs sur la planète : le tourisme écoresponsable, solidaire et équitable.

Certains labels, Chartes et Codes ont été créer afin de promouvoir un tourisme différent comme par exemple, le Code mondial d’éthique du tourisme. Il permet d’aider à réduire à un minimum les répercussions négatives tout en étendant au maximum les avantages sur l’environnement et les communautés locales. Pour voyager il faut donc s’intéresser à l’ensemble de ces paramètres et ainsi gérer au mieux ses répercussions. La Charte éthique du voyageur4 propose un guide à suivre afin de partir en voyage de manière plus durable. Avant de partir à l’aventure sans réflexions sur ses intérêts personnels et l’impact que notre voyage aura il faut en premier lieu préparer son voyage. S’intéresser à la destination en s’informant sur les habitants et leur mode de vie ou encore se renseigner sur la réalité de ses impacts est primordial. Pendant le voyage, il faut respecter la nature mais aussi les Hommes et leur culture et puis au retour de son voyage il faut partager et témoigner des richesses de notre planète et l’importance d’en prendre soin. Le respect des locaux et de leur culture est au cœur du tourisme durable comme nous l’explique l’association Traverses « Non seulement les populations doivent être consultées sur l’implantation d’activités touristiques, mais elles doivent y participer et devenir de véritables acteurs d’un développement local durable ». 

 Le tourisme est une activité complexe faisant appel à de nombreux domaines économiques, politiques, sociaux et environnementaux. Alors proposer des changements entrainera des enjeux colossaux mais pas insurmontables.

Les mentalités ont commencé à changer depuis quelques années et cela à fait émerger de bonnes idées et des solutions comme ces différents modes de tourisme mais beaucoup d’enjeux sont encore à développer pour réduire au maximum nos impacts et préserver notre planète.

« Seule l’empreinte de nos pas doit rester derrière nous, laissons le meilleur des souvenirs à nos hôtes »5 

 

Bibliographie

LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : De l’utopie à la réalité, Kalo Taxidi, 2019

Jean-Christophe GAY, « TOURISME », Encyclopædia Universalis [en ligne]. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/tourisme/

Anne DOQUET, « TOURISME (anthropologie) », Encyclopædia Universalis [en ligne]. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/tourisme-anthropologie/

Bernard DUBOIS, Marc VANHUELE, « CONSOMMATION - Comportement du consommateur », Encyclopædia Universalis [en ligne]. http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/consommation-comportement-du-consommateur/

DEHAIS, Béatrice. Voyager autrement, Alternatives économiques [en ligne], 1 juillet 2001. https://www.alternatives-economiques.fr/voyager-autrement/00023967

FLOUR, Tiffany. Tourisme durable, responsable, équitable : de quoi parle-t-on ?, TOM Travel [en ligne], 19 juillet 2021. https://www.tom.travel/2021/07/19/tourisme-durable-responsable-equitable-de-quoi-parle-t-on/

OMT. COP 26 Déclaration de Glasglow [en ligne], 4 novembre 2021. https://www.unwto.org/fr/news/cop26-la-declaration-de-glasgow-sur-l-action-climatique-rassemble-les-acteurs-du-tourisme

BAUDU, Lysianne.J. Tourisme : se réinventer pour renaître, La Tribune France [en ligne], 20 novembre 2021. https://www.latribune.fr/t-la-revue/n-5-voyages-l-ailleurs-n-est-pas-si-loin/tourisme-se-reinventer-pour-renaitre-896736.html# : :text=Selon%20les%20experts%2C%20le%20tourisme,tous%20et%20de%20la%20plan%C3%A8te.

GARCIN, Thierry et GIRAULT Christian. Tourisme : le poids et les aléas du tourisme dans les relations internationales, Radio France 11 octobre 2016. https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-enjeux-internationaux/tourisme-le-poids-et-les-aleas-du-tourisme-dans-les-relations-internationales-6191904

 

1 LAMIC, Jean-Pierre. Tourisme durable : De l’utopie à la réalité.

2 Jean-Didier URBAIN, anthropologue et sociologue. Il est professeur à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines. Il est notamment l'auteur, aux Editions Payot, de L'Idiot du voyage : histoires de touristes.

3 Bernard DUBOIS, Marc VANHUELE, « CONSOMMATION - Comportement du consommateur », Encyclopædia Universalis [en ligne].

4 La Charte éthique du voyageur : https://www.tourisme-responsable.org/voyager-responsable/charte-ethique-voyageur/

5 Première Charte éthique du voyageur, 1996.

 


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