Recomposition de la Droite : les discrètes espérances d’Eric Zemmour

par Jean Lannes
samedi 1er octobre 2011

Il est très difficile de coller une étiquette politique précise à Eric Zemmour. Si ce dernier a un avis très tranché sur tout, il laisse souvent (et c’est normal) planer un doute sur ses préférences. Bonapartiste, conservateur, réactionnaire, certains lui trouvent des affinités avec la Droite Populaire, d’autres trouvent ses idées proches de celles du FN. En fait, il est de plus en plus clair qu’il se situe à mi-chemin entre les deux, et c’est justement pour ça qu’il souhaite – sans le dire explicitement, comme toujours – un rapprochement entre ces deux formations politiques.

Si on se souvient qu’en 2007, le célèbre chroniqueur avait appelé à voter Sarkozy, il ne faut pas pour autant commettre l’erreur de l’estampiller aujourd’hui en tant que sarkozyste. A l’époque, les discours du candidat Sarkozy étaient marqués très à droite et prenaient, sous la plume talentueuse d’Henri Guaino, comme accent patriotique et conservateur. Des fondamentaux qui ont bien vite été abandonnés par le Président une fois élu. D’où l’émergence de la Droite Populaire, au sein même de l’UMP, qui prône un retour à ces valeurs perdues.

« La Droite populaire est une des rares réussites du parti unique de la droite » nous dit Zemmour dans sa chronique RTL du 28 septembre, avant de constater que cette dernière « tente (…) de revenir à la synthèse politique qu’avait réalisé le RPR dans les années 80. Un mélange d’autorité et de libéralisme, de patriotisme et d’ouverture sur le monde. » Une tâche difficile, voire impossible si l’on considère la politique sarkozyenne comme en totale contradiction avec ce modèle.

Comme je l'avais analysé dans un précédent article, la Droite Populaire se retrouve piégée dans ses contradictions. Sa politique sécuritaire, patriotique, conservatrice, n’est pas appliquée par le Président qui se trouve bien satisfait de compter cette naïve « droite dure » parmi les siens, en se contentant d’agiter des hochets ministériels à ceux qui tenteraient d’entrer en dissidence.

Vers un rapprochement FN-Droite Populaire ?

Seulement voilà. Cette situation, jusqu’ici bloquée, pourrait bien vite bouger. Et pour cela, il ne faudra rien de moins qu’une victoire du Parti Socialiste en 2012. Sarkozy n’étant plus au pouvoir, les hochets ayant cessé d’être agités, l’UMP pourrait exploser. La fracture se situant au même endroit où la colle avait été appliquée en 2002 pour souder le RPR et l’UDF. « Alors une recomposition politique s’engagerait, qui pourrait bien rassembler membres de la DP et membres du FN pour constituer un bloc des droites » spécule Eric Zemmour dans sa chronique.

Cette recomposition de la Droite en une entité libérale-conservatrice pourrait représenter un souffle nouveau pour la Droite et marginaliser le camp centriste. « Une nouvelle alliance sans doute eurosceptique, antimondialisation, qui utiliserait comme arme absolue (…) le référendum d’initiative populaire à la Suisse » poursuit le chroniqueur.

Certainement est-ce là la pensée du très médiatique journaliste politique, qui se garde bien de s’avancer plus sur ce terrain miné, mais dont les insinuations et les positions laissent de moins en moins de place au doute. Dans une chronique datée du 15 septembre, déjà, il vantait les mérites du modèle à la danoise, qui a pendant 10 ans vu un gouvernement de centre-droit à tendances dites « populistes ». En effet le Parti du Peuple Danois avait imposé à son allié majoritaire, en échange de son soutien, des mesures contre l’immigration (parmi les plus restrictives d’Europe). Récemment, la Gauche a remporté les législatives mais n’a rien changé à ces fondamentaux.

Après s’être étonné que Marine Le Pen ne s’inspire pas de cette situation politique, Zemmour n’a pas manqué de constater que, là-bas, « les deux parties du modèle s’emboitent l’une dans l’autre comme un jeu de Légo ». Et de souhaiter tout bas que la Droite française empreinte le même chemin, regrettant au passage les conflits qui mettent des bâtons dans les roues d’un éventuel rassemblement patriotique. « Entre le Front National et l’UMP, chacun parie que c’est l’autre qui explosera le premier » conclut-il.

Droite Populaire, Front National, mais aussi DLR, UPR… En cas d’explosion de la Droite, tous ces partis pourraient se voir rapprochés par les circonstances, au sein d’un mouvement nouveau ou d’une collaboration à la danoise.

Tel est sans doute la pensée, à la fois bien dissimulée mais de plus en plus lisible, d’Eric Zemmour : une recomposition de la Droite, à mi-chemin entre le FN (en voie de dédiabolisation sous l’impulsion de Marine Le Pen) et l’aile droite de l’UMP (en voie de détachement de la majorité), avec à la clé une rupture définitive d’avec la bien-pensance et le mondialisme centristes. Une analyse pas si improbable, mais qui devra certainement, pour être confirmée, voir la Gauche triompher en 2012… Autant dire que le chemin du Salut, pour les patriotes, ne sera pas sans douleur.

Christopher Lings ( Enquête & Débat )


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