Récréation. Carte postale à la matinale de France-Inter du 25/10/21
par Octave Lebel
mardi 26 octobre 2021
Bien entendu, tout est subjectif et donc injuste. Impressionniste aussi.
Et bien entendu ce que je sélectionne ne rend pas compte de la richesse et la diversité de ce qui se passe entre 7 et 9 heures. Même si la diversité des points de vue du chroniqueur économique, du chroniqueur politique, de la "spécialiste média" sont sans surprise. Comme détenteurs de vérités et certitudes intellectuellement et moralement autant indépassables qu’indispensables à notre édification. Prévisibles comme une bonne et fidèle boussole qui indique toujours la direction de la maison.
Un peu plus de différence à écouter aux heures de meilleures écoutes serait bienvenue puisque nous sommes sur le service public. Ne reculons pas devant les mots, depuis le temps que cela dure, ce serait ici une véritable révolution si cela changeait vraiment. De ce point de vue, l’apparition de la rubrique " En toute subjectivité : Chaque jour, le regard d’un chroniqueur pour nourrir le débat autour des enjeux de la présidentielle " est un pas de fait en même temps que la reconnaissance d’une situation préoccupante. L’apparition hebdomadaire de Thomas Piketty en dialogue avec Dominique Seux qui relance le travail fait par le regretté Bernard Marris est évidemment bien venue aussi.
« Bravo pour cette matinale.
Cela faisait un moment que je n’étais pas venu ici. J’ai été rassuré. Rien n’a changé ou presque.
Dans notre monde incertain et inquiétant, vous nous avez aujourd’hui encoconné chaleureusement dans un authentique conte de fées avec les bons et les méchants et le bien qui va l’emporter grâce à vous et vos invités. Avec monsieur Jean-Louis Bourlanges ce matin auquel vous avez épargné fort à propos toute question déplacée, l’esprit de Noël avant Noël était bien là et vous l’avez bien accompagné. Les enfants sages seront récompensés. C’est encourageant. Les autres ont compris à demi-mot. Ils n’ont qu’à bien se tenir. C’est assurément ce qu’il faut dire dès le matin. Le pharmacien Coué n’aurait pu mieux vous conseiller sans diminuer les mérites du service politique et de ses responsables et au-delà. Je reconnais le côté restreint de l’observation, il y a des matinées plus toniques selon les invités.
Même les auditeurs que vous avez sélectionnés étaient dans le ton. Juste ce qu’il faut de pointe critique pour renforcer le consensus rassurant. L’humoriste de service a joué le contre-point au diapason. La bonne dose d’indignation qui permet de dire qu’ici on a du cœur aussi. Réglée comme une horloge (on pourrait dire, plus moderne, comme un algorithme).
Une mention spéciale à Claude Askolovitch qui habite chaque jour avec ferveur le rôle du narrateur de son conte des mille et une matinales qu’il narre avec l’art de Shéhérazade (un futur livre France Inter je présume pour nos étrennes). Et toujours la même morale. Le mal jamais vaincu est repoussé du mieux possible grâce aux hommes et femmes de bonne volonté dont nous parle la presse écrite notre grand sœur protectrice et grâce à nous aussi qui avons le cœur de communier tous ensemble dans l’apitoiement et la compassion radiophonique.
Encore bravo, vous incarnez la radio de la salubrité publique ce qui n’est pas rien compte-tenu des circonstances. Compliments. Bravo aussi pour la fluidité et la continuité de ton naturelle que vous empruntez à l’occasion en harmonie avec la mélodie des messages publicitaires et leur bienveillance désintéressée. La radio totale comme en rêvent certains j’imagine.
Un conseil. Je me permets respectueusement. Méfiez-vous quand même de la publicité qui est une fée qui prend vite ses aises et qui devenue trop présente fait fuir l’auditeur. Tenir son volume en respect jusqu’ici, c’est quand même votre principal atout.
Je sais, c’est beaucoup d’argent potentiel surtout pour les producteurs, les vedettes, leurs carrières et leurs réseaux mais qui a un prix, la compression et la transformation de tout ce qui reste d’originalité et d’indépendance dans la maison. C’est très vite aussi et, il faut bien le dire, le nécessaire et progressif abêtissement de ce qui doit devenir une clientèle pour vos fournisseurs. Ce n’est pas moi qui le dit mais un grand connaisseur, Patrice Lelay dont le coca-cola avait un peu tourné la tête et qui nous a révélé le sens d’une formule un peu sibylline d’un ministre de la culture oublié , « le mieux-disant culturel ».
Soyons positifs néanmoins. Vous avez d’autres atouts en tenant encore à distance le recours aux comédies caricaturales, brouillonnes, provocantes (c’est fatiguant à force) et bruyantes qui se jouent ailleurs. Soyez prudents quand même et prenez garde notamment aux rires trop spontanés qui sont quelquefois l’antichambre des rires enregistrés. On ne sait jamais. Vous n’êtes pas à l’abri de tentations ni de bons conseillers et tentateurs qui connaissent bien le monde anglo-saxon et sa légendaire efficacité. Qui en ont déjà importé le vocabulaire et qui sait l’esprit.
Un mot de soutien aux salariés et aux journalistes en général qui doivent bien vivre et font du mieux qu’ils peuvent. Ici comme ailleurs la précarité pour le plus grand nombre a augmenté avec tout ce que cela signifie. Et demain jusqu’ici ne promet pas d’être mieux qu’aujourd’hui.
Une confidence. Je crois que je ne me remettrai jamais de la disparition de l’esprit qui inspirait "Le tribunal des flagrants délires" sans ignorer qu’il rôde encore, a fait des petits et qu’il ne manquera pas de fuser dès que les contraintes se desserreront. Pour les puristes, je signale que je ne fais pas de confusion entre l’information et le divertissement. Ce n’est pas moi dans la société du spectacle qui ai commencé. »