Redevenir citoyen, la solution finale…

par Johan.B
samedi 12 septembre 2015

La crise syrienne désormais appelée « la crise des réfugiés », soulève depuis quelques jours de nombreuses réactions. Tantôt basées sur l’émotion, tantôt basées sur une vision humaniste que doit représenter la nation française. Les réactions sont aussi, et c’est ce qui m’amène à rédiger cet article, souvent acerbes et/ou profondément racistes…

… mais chut, ne condamnons pas ces réactions … elles seraient visiblement l’expression d’esprits qui auraient été « muselés » jusqu’à présent et qui ne libéreraient qu’une parole évidente, de bon sens, la « vérité vraie quoi ! » ; ces individus qui, un jour pouvaient rejeter, parce que c’est ingrat, les sans domiciles fixes, prennent ces mêmes populations comme « cautions utiles » pour maintenant rejeter toute réflexion sur la réaction à adopter à l’égard d’enfants, de femmes et d’hommes qui quitteraient leur pays… parce que soyons honnêtes, ça semble être si sympa d’aller en Grèce, en Allemagne, en Suède, en France… en sandalettes, surtout si on peut avoir l’occasion de se noyer sur le trajet… ça donne des sensations fortes, c’est chouette !

Cette tendance à vouloir entrainer une confusion volontaire entre des sujets qui ne sont pas comparables (il n’y a pas de réponse globale à la problématique des sans domiciles fixes, que des réponses uniques, alors qu’il y a bien qu’une et unique raison qui pousse les syriens à quitter la Syrie … cette raison, c’est le régime totalitaire et guerrier), doit nous amener à une réflexion plus profonde.

Les systèmes d’informations que nous utilisons dans notre quotidien nous font croire que nous serions parfaitement informés sur tous les sujets… Un enfant meurt noyé sur une plage, le monde en a connaissance dans les minutes qui suivent, des chats disparaissent dans un village, le monde en a connaissance dans les minutes qui suivent… Bref nous sommes tous informés de tout dans les minutes qui suivent un évènement, sans hiérarchie, comme ça de manière « brute de décoffrage ». Toutes ces informations, peu, voire pas « triées sur le volet », sont aussitôt commentées (par le biais des réseaux sociaux, des possibilités de commenter directement les articles sur les sites des journaux, mais aussi sur le rebord d’un comptoir).

Cette évolution du rapport à notre environnement nous fait souvent oublier qu’entre l’information et l’expression d’une opinion, se tient l’exercice de la réflexion. Cet exercice semble être souvent oublié au nom de « la liberté d’expression ». Pire, l’absence de cet exercice tend à simplifier, voire à rendre simpliste, la connaissance de ce qui fait notre monde. Indiscutablement, les effets indirects du développement des systèmes d’information, c’est le rejet de la complexité. Tout semble simple, évident, logique, du gros bon sens. On consomme ou parfois on absorbe l’information et en un clic on s’en est fait une idée. C’est rassurant, c’est gratifiant, on se sent investit par notre mission de citoyen ! On peut maintenant exprimer son idée sur tout et n’importe quoi, sans même s’assurer de la maîtrise de sujets qui, quoi qu’on se le dise, ne peuvent être que complexes.

Cette complexité, un individu à lui seul la représente. Quand je vais faire mes courses, je vois des consommateurs qui semblent chercher les prix encore et toujours moins chers. Or quand je me déplace dans les entreprises, je vois des salariés, employés vouloir des rémunérations encore et toujours élevés. Dans la cité, les usagers souhaitent encore et toujours plus de services publics (de qualité par-dessus le marché !) alors que lorsque l’on est face à sa déclaration de revenu, on souhaite payer le moins d’impôts possible… la contradiction est ce qui pourrait résumer le comportement de l’être humain, la contradiction entre sa casquette de consommateur vs sa casquette de salarié, sa casquette de contribuable vs celle d’usager… en soit ce n’est pas grave, il convient simplement d’en avoir conscience et de l’accepter : le raisonnement propre à un individu est complexe, et c’est une bonne nouvelle !

Chacun d’entre nous, dans nos démocraties, disposons toutefois d’une autre casquette supposant surpasser celle de consommateur, d’usager, de salarié ou de contribuable … c’est celle de citoyen. En tant que citoyen nous devons être en capacité de pouvoir combiner, retourner dans tous les sens, agréger les contradictions des intérêts correspondant à ces différentes « casquettes ». Or le déploiement des systèmes d’information nous amène de plus en plus à commenter, à exprimer nos « idées » en tant que consommateur, contribuable, salarié, usager, un peu comme ça nous arrange, tant pis pour les contradictions et pour le manque de sens … on a oublié, oublié d’être citoyen. Ce serait pourtant utile, car le citoyen est aussi guidé, outre sa vision de consommateur, contribuable, salarié ou usager … par des valeurs.

Sur le sujet des « migrants syriens » quelles sont les valeurs qui nous guident, et qui nous amèneraient donc à élaborer des commentaires, analyses pertinentes, sur une vision commune du rôle de nos sociétés, lorsque l’on s’attarde sur des réflexions de petits contribuables au raisonnement très « tatcherien » du « I want my monney back », parfois de salariés un peu peureux de perdre son emploi … où sont les citoyens ? Je ne sais pas quelles sont les solutions pour ces peuples opprimés poussés à la mitraillette au cul … ce qui est sûr, c’est qu’elles ne peuvent pas se baser sur le rejet, sur l’aveuglement de ce qui se passe, de ce qui est douloureux, mais que nous refusons de voir, parce que ce serait plus confortable. La réflexion sur le sort des migrants syriens ne peut nous exonérer de continuer à construire un monde meilleur pour les autres peuples, d’ici ou d’ailleurs, mais ces sujets ne sont pas substituables les uns aux autres, ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est un tout ! Comment pouvons-nous le faire si nous n’avons pas une réflexion globale ? Comment ferons-nous lorsque ce ne seront pas des milliers mais des millions de migrants que l’on appellera désormais des réfugiés climatiques qui chercheront à rejoindre des terres habitables … à commencer par les déplacements de population au sein même de la France ? Pourrons-nous nous cacher derrière notre petit doigt avec un raisonnement de propriétaire terrien sur tous les sujets ? Redevenons citoyens, avec les valeurs humanistes qui ont fait et qui continueront à constituer les gènes de notre nation ! Soyons francs, les sociétés modernes n’ont jamais avancé par les réactionnaires, les peureux du changement, les « sans valeurs », eux ne sont là que de passage … les autres, les citoyens, sont là pour servir la cause du collectif, parce qu’ils savent que sans collectif, il n’y a pas de société, pas de nation ! Et si redevenir citoyen était la solution finale pour exterminer les désastres humains qui se jouent dans le monde ?

Johan, citoyen parmi les citoyens
 
 

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