Réflexions sur une entrevue avec François Asselineau

par alinea
samedi 11 mars 2017

Je n’ai pas trouvé d’autre titre, mais j’aimerais bien ne pas faire le buzz, cette chose qui appartient à une modernité à laquelle je n’appartiens pas. Merci.

J’ai regardé hier l’interview donnée sur ce site par Thinkerview, à François Asselineau.

J’ai trouvé l’interviewer mauvais, mais pas agressif ce qui a rendu cette heure et demi d’écoute très calme, ce qui est reposant par les temps qui courent.

J’ai trouvé l’interviewé lui aussi calme et sans stress, ce qui l’a rendu plus abordable et sympathique.

Après une narration sur son parcours empreinte d’une modestie pointilleuse, et sincère j’en suis sûre, il fut interrogé sur différents sujets.

Qu’est-ce qui se passe avec la France ?

Honnête, probe et tenace, il « continue son propos » assez souvent en réponse aux interruptions de l’autre qui soudain lui demande combien il gagne ; ce à quoi, avant de revenir à son propos, il répond gentiment, sans répondre, ce en quoi il a raison parce qu’on s’en contrefout !

Ils sont très calmants ses détails ; sa réponse sur le confusionnisme dont on l’accuse est claire, nette et convainc. Il s’étale un peu sur les critiques qu’on lui fait, et j’ai apprécié ses réponses, elles nous berce d’un doux bon sens, sans animosité ni émotion.

Néanmoins, au bout de X minutes, il n’a parlé que de lui, certes en faisant des détours par une précision dans le vocabulaire qu’il emploie, et qui rassure.

On y reviendra : il rassure.

Parce qu’il n’a pas changé d’un iota sa vision des choses depuis plus de dix ans et parce que, en dégommant tous les autres, il se définit en creux comme bon face aux mauvais, on ne peut que trouver sérieuses ses arguties. C’est flagrant, et récurrent : il pose rarement des pierres pour l’édifice, il en retire, celles dont nous nous accordons tous plus ou moins à les trouver délitées, donc dangereuses.

Sortir de l’Europe, c’est une question posée comme ça avec ce petit plus humoristique : l’Europe, on reste, on sort ?

« J’applique les traités, c’est d’une clarté limpide ; je suis le seul candidat du Frexit »

Mais, tout de suite : Le Pen, c’est comme Mélenchon, ils embrouillent, Mélenchon est vicieux : l’Europe, on la change ou on la quitte ! L’Europe, on ne peut pas la changer »

Je note que c’est ici que repose toute l’argumentation de l’UPR, à laquelle s’attachent particulièrement ceux qui la soutiennent. Je note aussi que c'est logique qu'il s'attaque à ces deux-là et pas à Fillon ou Macron ou Hamon qui affirment leur confiance et fidélité à l'Europe.

Le FN, c’est devenu n’importe quoi : Philippot lui pique ses analyses, Marion ne veut pas sortir de l’Europe, et Marine… il faut lui demander.

Tout le monde est inquiet, parce qu’il fait peur ; à ce moment là, l’autre l’interrompt pour lui demander combien il y a dans les caisses de l’UPR !!! Il ne parlera pas des parrainages et il explique de manière très compréhensible, et qui tombe sous le sens, pourquoi. Mais l’homme de finances se trahit quelquefois par son vocabulaire châtié : il a des démarcheurs qui vont à la pêche aux parrains, et plus loin il parlera du chiffre d’affaire de la France ( de mémoire) ! Mais on ne lui en veut pas, il se rattrape avec un sourire à fossette.

C’est la mode maintenant, personne n’y échappe mais surtout pas lui, la fréquentation d’Internet est une preuve ; de quoi, on ne sait pas bien, mais c’est une preuve qu’on existe. L’occasion est trop belle, puisque l’on parle d’Internet, il faut démolir Mélenchon… qui fait de la démagogie et du n’importe quoi ! Et on est reparti sur « on ne peut pas changer l’Europe, Monsieur Mélenchon ment » , preuves à l’appui, une touche de Le Pen, on est reparti pour plus de cinq minutes.

Il a proposé, il propose des débats. Très bien.

L’interviewer interrompt l’envolée par : « Vous êtes élu Président… qu’est-ce qui vous oblige à tenir vos promesses ? »

S’ensuivent des propos intéressants sur les référendums d’Initiative Populaire, révocatoires pourquoi pas ; un changement du Conseil Constitutionnel et du CSA, reconnaissance du vote blanc ; nettoyer les médias ; franchement, rien à redire.

Un petit détail pour finir ce que je veux pas être une analyse : sur Assange, il était pour le droit d’asile qu’on aurait dû donner aux lanceurs d’alerte « courageux qui font vivre la démocratie » ; il dit, « je l‘ai dit, comme Mélenchon d’ailleurs, il m’arrive de dire des choses comme Mélenchon, je m’en fiche » !!

C’est un détail , c’est drôle, mais c’est le ton qui est intéressant ( à 36’45).

Je ne vais pas poursuivre plus longtemps ce détaillisme ; cela n’est pas dans mon tempérament mais aussi cela n’aurait pas d’intérêt.

En bref, il n’y a rien à reprocher à cet homme qui pointe du doigt des choses fort justes ; et des jolies piques qui font plaisir, vis à vis des États Unis par exemple.

Mais au bout d’un moment d’écoute, j’ai compris. Puisque je l’ai ressentie moi-même cette nostalgie du passé, cette puissance d’un pouvoir qui serait juste et intransigeant, cette morale, presque cette décence chère à Orwell, qui était celle des fonctionnaires des années cinquante et soixante, cette morale qui a façonné les êtres de ma génération et de mon milieu classe moyenne et qui était partagée par le peuple de l’époque.

Ce monde stable d’où l’argent roi est détrôné, un sol ferme sur lequel on marcherait de nouveau, cette union d’un peuple qui partagerait les mêmes valeurs.

Seulement, ce monde n’existe plus, ou si peu, juste chez les vieux dinosaures de mon espèce, et oui, j’ai compris pourquoi Asselineau restreint le champ de ses analyses, ne parle pas des sujets que l’on nous balance comme des os à ronger qui jonchent notre quotidien. J’ai compris pourquoi il ne s’avançait pas dans les sujets qui clivent, s’en remettant au peuple avec grands débats argumentés de manière contradictoire, comme le nucléaire par exemple ; j’ai compris pourquoi il pose comme acquis d’évidence, les droits de la femme, la non ingérence, l’amitié avec la Russie, les respect du grand chef d’État Poutine, le refus d’être les toutous des Américains ; pourquoi il ne parle pas de manière précise de l’économie – à la question : comment financez-vous, il répond : « on économise neuf milliards en quittant l’UE, Un milliard six ( de mémoire) en supprimant les Régions... ».

Et cela me va puisque je me suis toujours demandé pourquoi on cassait ce qui marchait , histoire de « faire du moderne et d’aller de l’avant !"

Tout roule, tout est lisse, à portée de main puisque tout a déjà été pensé ou fait ; il suffit juste, pour y croire, d’occulter ce qui dérange.

Et j’ai compris pourquoi sa détermination sans troubles depuis tout ce temps, sa ténacité : il s’agit juste de se retirer de ce qui nous emmerde, et reprendre le cours des choses là où tout a commencé à se déglinguer. Et j’ai compris pourquoi ceux qui y adhèrent le font, non pas par enthousiasme, mais avec foi.

Il y a parmi eux tous ceux qui s’accrochent aux détails, on va dire administratifs, le côté concret des choses possibles, et ceux qui s’envoûtent dans le désir du retour au giron. Et je comprends que cela soit tentant. Tentant de mêler la paperasserie pragmatique à la nostalgie enfantine d’un retour au bon au beau au juste, comme on donne caution rationnelle au plus fou des rêves.

Seulement voilà, s’il est impossible de changer l’UE, construction humaine dont nous sommes, Français, responsables, il est encore plus impossible de gommer la décadence, la corruption des tenants du pouvoir, l’hybris de la mondialisation, la déglingue des individus voués à l’errance, l’insanité physique et mentale de millions d’être humains.

De l’homme Asselineau émane toute cette impossibilité, par sa façon de couper tout contact avec ses concurrents, non pas qu’il l’affirme puisqu‘il désire débattre, mais qu’il est juste impossible, sauf à jouer le jeu des débats obligatoires, que quiconque veuille débattre avec quelqu’un qui ne se place pas au même niveau.

Monsieur Asselineau est concret, c’est comme ça qu’il se décrit mais être concret par les temps qui courent oblige à un rétrécissement du champ visuel. Je sais que certains viendront avec moult preuves que j’ai tort, seulement, moi aussi j’ai écouté beaucoup de conférences et entrevues et exposés et je doute que l’un d’entre eux, que j’aurais loupé, soit justement celui qui me démentirait.

Ceci dit, j’ai eu envie de ce petit exposé, juste parce que je suis humaine, curieuse, sans a priori et sans haines.

Pour résumer un sentiment difficilement exprimable tant il touche à tout, de soi, du monde, je comprends ceux qui disent que l’on a « rien à lui reprocher », qu’il analyse le passé à partir des études faites par les uns ou les autres sur ce même passé, ou qu’il propose des politiques qui s’inscriraient dans ce passé, et, je le répète, qui conviennent à beaucoup d’entre nous ; j’ai le sentiment d’une infinie tristesse, comme si le chaos, ce néant devant nous ne pouvait se résorber que par une régression qui oblitère le réel. D’autant plus, d’autant plus qu’il se donne comme atouts le réalisme sans fantaisie de la loi, le retour à un regretté passé où nous savions encore qui nous sommes.

Oui, c’est lui qui a peur, et je ressens la même peur, devant le monde que nous avons créé par négligence, et sa réponse est de l’occulter. Aussi, dans ce cercle étroit où il a placé sa politique, est-il sans aspérités ni doutes ni faiblesses.

Nous ne sommes jamais si persuasifs que lorsque notre vérité est contrainte. Et là où je m’en sens proche, est dans le fait que l’inconnu infini dépasse nos facultés, qu’il nous faut rétrécir le champ pour pouvoir labourer, et qu'un retour au connu nous rassurerait ; et là où je m’en sens lointaine, est dans le fait que je ne pourrais pas faire semblant d’y croire. Je sais que les choses me débordent, je l’admets, et l’artifice de quelque ordre soit-il ne peut m’enrôler.

 

 


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