Réforme des retraites : une étude explosive !

par Christophe CH
jeudi 9 février 2023

Vous connaissez le collectif Nos services publics ? Il s’agit d’un collectif de fonctionnaires indépendants, fournissant un certain nombre d’études aussi chiffrées que fouillées sur tout ce qui a trait à l’argent public en France. Pour la petite histoire, ce sont eux qui ont été à l’origine de la révélation des dérapages observés concernant les dépenses de l’état effectuées avec les cabinets conseil sous le premier quinquennat Macron. Étude dont les implications ont en son temps fait quelque peu trembler les colonnes de l’Élysée avant de retomber comme un soufflé.

Un an après : rebelote ! Ce même collectif a eu l’excellente idée de se plonger dans le dernier rapport du Comité d’Orientation des Retraites (COR) servant comme chacun sait de base argumentative au gouvernement d’Elizabeth Borne pour justifier cette réforme des retraites qui soulève l’engouement populaire que chacun peut actuellement observer sous ses fenêtres.

Et l’étude à son propos qu’ils viennent tout juste de rendre publique est une bombe.

Rappelons que si le COR est bel et bien depuis sa création un organisme indépendant, les chiffres qu’il étudie dépendent entre autres et pas qu’à la marge des données économiques fournies par le gouvernement pour les années 2023-2027. Autrement dit, toutes les prévisions à terme calculées par les experts du COR se basent sur des paramètres fournis par Bercy jusqu’en 2027, comme par exemple le montant total des cotisations servant de base aux projections. A compter de 2027, le COR retrouve sa pleine et entière liberté.

Que viennent de découvrir nos fonctionnaires de Nos Services publics, dont je vous mets en fin d’article le lien quant à l’étude qu’ils ont réalisée calculette en mains ? Qu’on a un sacré problème avec les données économiques transmises par Bercy. Et que celles-ci orientent d’une façon tout à fait spécieuse les conclusions du COR, les rendant plus que problématiques à la racine.

Concrètement et pour faire court : les chiffres de Bercy sont purement et simplement trafiqués.

Les services du ministère du budget ont prévu un gel des effectifs des fonctionnaires jusqu’en 2027 ainsi qu’une diminution de leur pouvoir d'achat de l’ordre de 11 %, sauf pour la fonction hospitalière. Donc pas d’augmentation du point d’indice, et gel des primes jusqu’en 2027. Le tout basé sur une inflation moins forte que celle que nous connaissons et allons connaître en 2023. Ce qui implique que ces 11 % sont en outre sous estimés.

Étrangement, ce gel des rémunérations, avec son corollaire qui est le gel des recrutements, s’inscrivent en porte à faux avec l’accumulation d’annonces faites par nos ministres ces douze derniers mois, nous promettant plus de policiers, plus d’infirmières, plus de militaires, et de meilleurs salaires dans l’Éducation Nationale. Autrement dit : à quoi correspondent vraiment ces hypothèses apparemment farfelues ? Serait-ce de réelles prévisions planquées sous le tapis ou plus prosaïquement des chiffres bidouillés volontairement pour arriver aux conclusions voulues quant au déficit du régime des retraites, préambule à la nécessité affichée de la réforme en cours ?

En y regardant de plus près, ces gels ne correspondent en rien aux chiffres transmis préalablement à la Commission Européenne, ces derniers prévoyant une timide augmentation des rémunérations des fonctionnaires, soit l’inverse de ce que contiennent les données transmises au COR. Lesquelles contiennent donc bel et bien des données bidouillées volontairement : on gèle les rémunérations, donc on gèle les cotisations, et on crée de toute pièce un déficit factice, chiffré par nos amis à 3 milliards d’euros, soit le tiers de ce qu’annonce le gouvernement Borne pour argumenter l’urgence de sa réforme. CQFD.

On peut donc en déduire que le gel des rémunérations des fonctionnaires n’est pas une hypothèse sérieusement retenue par le gouvernement, mais qu’il permet de retomber sur ses pieds en termes de calcul pour dramatiser la nécessité de la réforme.

Reprenons donc de manière synthétique en élargissant le spectre. A l’été 2021, le gouvernement français s’engage par écrit auprès de la Commission Européenne par un pacte de stabilité portant sur la totalité du deuxième quinquennat d’un Emmanuel Macron pas encore réélu. Sur la balance pour pouvoir bénéficier de la manne de 40 milliards d’euros suite à la crise du COVID, la recommandation de Bruxelles quant à la nécessité de réformer les retraites devient de facto un engagement écrit et signé par la France. Lié désormais par sa propre signature, le gouvernement français demande à Bercy de transmettre au COR ses hypothèses pour la période 2023-2027. Afin de préparer au mieux ses éléments de langage pour les imposer ensuite à l’opinion, Bercy communique des données trafiquées afin de gonfler d’un tiers les déficits dudit régime après 2027. Données entrant en contradiction avec celles que le même Bercy avait communiquées à la Commission en question.

On avait ces dernières semaines découvert mille raisons démontant en pièces l’argument massue de la réforme « juste ». Et voici qu’en plein débat parlementaire on découvre qu’elle n’est pas davantage « nécessaire ». Tout le socle argumentatif s’écroule sur lui-même, ce qui ne nous étonnera guère, mais ce qui est dorénavant démontré, chiffres à l’appui. Ceux qui tiennent le thermomètre ont une nouvelle fois fait mentir les chiffres pour créer de toute pièce un rideau d’enfumage se donnant pour objectif de faire passer leur projet. Quoi qu’il en coûte.

Voilà, la messe est dite, il suffisait de pas grand-chose pour déshabiller le roitelet et exposer en plein jour ses grossiers subterfuges. Une fois encore, cette opinion qu’on dit inexperte a eu du nez : ces sacrifices qu’on fait peser sur ses épaules reposent sur une accumulation de mensonges qu’une simple étude de fonctionnaires vient de révéler. Les téléphones de ces associés de Black Rock qui ont table ouverte à l’Élysée ont dû ces tous derniers jours chauffer.

L’étude de Nos services publics : https://nosservicespublics.fr/projet-loi-retraites


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