Refus d’obtempérer : ASSEZ !

par Jacobin
jeudi 4 août 2016

Le citoyen lambda lit, entend ou voit, à longueur de médias, chaque semaine, au moins, le récit de prétendues bavures policières. Elles ne se soldent pas, heureusement, systématiquement par un décès mais elles finissent par donner l’impression de forces de l’ordre brutales et sans considération pour la dignité et la sécurité même de ceux qu’elle est supposée protéger.

Cependant.

Cependant, manifestations exceptées, elles sont quasiment toujours la conséquence d’un refus d’obtempérer.

Refus d’obtempérer. Dans quel pays vivons-nous ? Quel est ce pays où il semblerait que la notion de refus d’obtempérer soit devenue une sorte de principe optionnel, « si je veux quoi ». Alors oui, certes, les bambins pas toujours modèles, sont habitués depuis le plus jeune âge à l’impunité la plus totale. D’un système scolaire où l’on exclut même plus le perturbateur et où on demande à l’enseignant et au proviseur de s’écraser gentiment et de ne pas faire de vagues quand il veut faire régner l’ordre dans sa classe, à une justice souvent bien trop bienveillante avec les jeunes délinquants, quittes la plupart du temps pour un simple rappel à la loi ou envoyés dans des centres spécialisées hors de prix où ils passent leur temps à pourrir la vie de leurs éducateurs en attendant de retourner nuire, le seul apprentissage est celui de la complaisance et de la bienveillance. Un monde où plutôt que de donner des moyens à l’administration judiciaire et de doubler le nombre de places de prison pour, au moins, rejoindre la moyenne de l’UE(et on ne parle pas des USA…) on préfère inventer la liberté permanente et l’arrêt maladie judiciaire avec heures de sortie et bracelet bidon. Moins de cinq ans de prison ? Reste à la maison mon gars. T’as violé, t’as volé, t’a tué au volant bourré, défoncé et sans permis ? t’as racketté, t’as cogné, t’as pourri la vie de plein de monde, t’es partie torturer des gens en Syrie ? Allez, arrêt maladie judiciaire. Avec heures de sortie pour continuer à aller empoisonner les autres et accessoirement égorger des prêtres. Ou alors summum, prison spéciale pour pédophiles, à l’abri d’autres détenus acrimonieux, en Corse , face à la plage, avec sortie libre et groupe de parole pour pleurnicher entre ordures à quel point c’est dur de violer un gosse, surtout le sien. Les pauvres chéris, ils sont si malheureux. Si à plaindre.

Sans compter les professionnels de la victimisation : « ho, mon pauvre chéri, t’es un violeur, cogneur et racketteur multirécidiviste, mais c’est pas de ta faute mon petit, il-faut-qu’on-t’aide ». Jusqu’à une maman de victime du terrorisme qui vient déclarer qu’il est temps de tendre la main aux « jeunes ». On croit rêver.

Evidemment, dans une telle débauche de laxisme, de démission de compréhension de l’incompréhensible, de tolérance de l’intolérable, tout en bas de la chaîne d’état, voiture balai de tous les loupés de la république, le bleu n’est plus qu’une sorte de fonctionnaire casse-bonbon, même plus auréolé de cette aura de crainte respectueuse qui est pourtant la plus à même d’éviter l’utilisation de la force brutale. Rappelons-nous l’hirondelle en vélo avec sa pèlerine et juste sa matraque pour patrouiller dans les pires coins du Paris d’avant. Ou le bobby anglais sans arme du tout.

Il n’y a encore pas si longtemps, on considérait que c’était la peur du gendarme qui préservait la société de l’anarchie. Il ne venait à personne de sensé, l’idée de refuser d’obtempérer, et surtout grossièrement, pire encore, violemment à la force publique. Celui qui le faisait, voyou chevronné, loulou de banlieue ou de village savait qu’il s’exposait à un moment fort désagréable. C’était le jeu, personne ne portait plainte. On pouvait, bourré comme un coing à la sortir du balluche à Neuneu, gueuler « mort aux vaches » à la face de pandores venus pour tapage, on savait aussi que si on osait lever la main, ça finirait au poste avec, au mieux, une tête au carré. On savait aussi que si on partait en courant, un gendarme, après trois sommations, avait tout à fait le droit de vous tirer dessus. Quand donc, un grand courageux faisait « le chaud » avec les bleus : il assumait. Et on ne parle même pas d’exhiber une arme et surtout de tirer sur un bleu, ce qui équivalait à un suicide. A une époque où ça coutait la tête, ce salutaire rappel la plombait un peu. De bracelets en remises de peine, le plomb s’est transformé en plume.

Où en est-on du quotidien de l’agent ? Pas une journée sans insulte, sans discussion interminable, sans rébellion. Quand on sait que même le bourgeois (pour qui l’ordre, c’est faire obéir les autres) n’accepte plus une amende sans râler, sans montrer un mépris blessant, sans le sempiternel « vous avez rien d’autres à foutre que d’emmerder les braves gens avec toutes les racailles qui…. », on imagine le comportement du lascar victimisé depuis son plus jeune âge et pour qui l’obéissance à l’autorité publique constitue une sorte de déshonneur, pire, de manquement à la virilité. Croit-on vraiment que les agents sont des automates ? Sans fierté ? Et comme Lavilliers qui chantait qu’un blouson noir ne décuple pas les forces, croit-on qu’un uniforme bleu exonère de l’adrénaline, de la douleur ? de la peur, de l’émotion propre à la violence ? Il n’y a quasiment aucun humain capable de se battre à froid et de rester parfaitement calme en cette circonstance. Pour un flic comme pour n’importe qui, le rythme cardiaque augmente, le corps est tendu, le champ de vision se réduit, la bouche s’assèche, et tout ça va très très vite avec la crainte permanente de prendre un mauvais coup, de l’arme cachée. Sans même parler du « trou noir » si les choses se gâtent vraiment ou durent trop où tout peut arriver.

Le refus d’obtempérer ouvre un match dangereux duquel l’agent de la force publique n’a pas le droit de sortir vaincu. CE N’EST PAS UN JEU. Il ne s’agit pas d’un rite initiatique ou de convenance personnelle. FORCE A LA LOI. Ce refus d’obtempérer ne peut qu’entrainer la brutalité. C’est pour cette raison très exactement, qu’on paye des agents de la force publique et qu’on les équipe (pas toujours trop bien) de matériels adéquats : faire respecter l’ordre public. A tout prix.

Comme on le sait : alea jacta es, chaque combat ouvre une part d’inconnu plus ou moins fatal. La moindre bagarre peut finir avec un estropié ou un mort. Encore une fois c’est la règle. Mais alors pourquoi cette émotion publique, journalistique, politique à chaque fois qu’un type qui fait un bras d’honneur aux flics, leur crachent à la gueule, leur tape dessus ou leur balance des boules de pétanque, et refuse violemment d’obtempérer, se débattant, s’enfuyant, continuant à se débattre une fois à terre prend un mauvais coup ? Franchement, comment veut-on que ça finisse bien ? Comment peut-on accepter de mettre en cause des agents qui ont fait leur boulot ?

Aux USA, un flic qui vous demande de vous coucher face contre terre en pleine rue est habilité à vous flinguer si vous n’obtempérez pas. Essayez, juste pour voir, de vous rebeller violemment contre la Guardia Civile espagnole, la Police néerlandaise(oui, oui, les gentils hollandais) , la police montée canadienne(oui, oui, les gentils canadiens) ,des policiers algériens, marocains, juste pour voir. Il est inadmissible qu’en France il y ait une telle tolérance au refus d’obtempérer, à la rébellion ou même à la simple grossièreté vis-à-vis d’agents DANS L’EXERCICE DE LEURS FONCTIONS.

Il serait temps de rappeler ce principe à nos concitoyens. Pas de justice sans ordre. Pas d’ordre sans respect de ses agents. La personne qui prend la responsabilité de manquer de courtoisie aux forces de l’ordre, prend le risque d’une procédure pour outrage et il l’aura mérité. La personne qui refuse d’obtempérer, fuit, ou commet la faute d’user de violence vis-à-vis de la force publique doit être bien consciente qu’elle ouvre une séquence extrêmement dangereuse pour elle où elle risque son intégrité physique et sa vie même.

Et plutôt que de larmoyer avec les racailles, la presse et les politiciens feraient bien de rappeler ce bête principe que nous parents nous apprenaient au plus jeune âge : tu veux jouer au mariole ? T’assume.

Si les citoyens ont le sentiment que la force publique n’use plus de sa violence légitime, alors, ils vonteront pour quelqu'un qui risque d'en abuser, ou même d'en user eux même. Et alors, nos compréhensifs pathologiques, nos larmoyeurs professionnels, nos maniaques de la justification incivile, auront vraiment quelques vrais raisons de pleurer.


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