Relation entre Mélenchon et Chikirou : Mediapart balance. A tort ou à raison ?

par Martin de Wallon
mardi 23 octobre 2018

Jean-Luc Mélenchon parle d' « ignominie » après les révélations de Mediapart sur sa relation supposée avec Sophia Chikirou. Cet épisode pose la question du rôle du journaliste devant la vie privée des personnes publiques.

Mardi 16 octobre dernier, une perquisitions s'est déroulée chez le leader de la France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, dans le cadre d'une investigation judiciaire. Une enquête préliminaire est en cours depuis le mois de mai dernier, concernant les comptes de campagne du candidat à la présidentielle du même parti afin de procéder à des vérifications sur près de 450.000 euros de dépenses litigieuses sur les plus de 10 millions d'euros dépensés. Vendredi, Mediapart a révélé que lorsque les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) ont sonné à la porte du leader de LFI, ce mardi 16 octobre à 7 heures du matin, ils ont trouvé Mélenchon et Sophia Chikirou, la directrice de la communication de la campagne LFI de 2017.

 

Les journalistes de Mediapart ont ajouté : « Le patron de La France insoumise et la communicante entretiennent en réalité de longue date, selon nos informations, une relation extraprofessionnelle. Celle-ci pourrait relever de la seule vie privée des deux intéressés mais prend désormais, à la lueur des investigations judiciaires, une dimension d’intérêt général ».

 

Située au cœur de l’enquête qui touche La France insoumise, Sophia Chikirou, entretient-elle des liens d’intimité avec Jean-Luc Mélenchon ? Et si oui, cette information méritait-elle d’être rendue publique ? La vie privée des personnes publiques ne doit-elle pas rester du domaine privé ? Peut-être faudrait-il ajouter à cette règle de principe une exception : sauf si la nature d’une relation peut revêtir une « dimension d’intérêt général » et constituer une clé de compréhension utile d’une « information publique ». Or, en l'occurence, cette relation extra-professionnelle, si elle était avérée, pourrait expliquer les prestations que Sophia Chikirou aurait surfacturées auprès du candidat Mélenchon lors de la campagne présidentielle de 2017. Elle pourrait aussi expliquer l'indulgence éventuellement reprochée à M. Mélenchon. Bien sûr, ce dernier ne considère pas cette relation présumée comme digne d'être rendue publique. Dès vendredi soir sur son compte Facebook, il a écrit avec colère : « Je m’attendais à une chose bien glauque. […] Bravo Mediapart ! […] Mais quel rapport avec le dossier ? Plenel, quel naufrage du trotskisme à ce niveau de caniveau après avoir dirigé le Monde. Je laisse les gens vous dire ce qu’ils en pensent. A ce niveau d’agression et d’ignominie, il n’y a plus besoin d’argumentation. »

 

A l'étranger, cette polémique doit étonner. Il n’y a guère qu’en France que les médias ménagent tant la vie privée des hommes et des femmes publics et rechignent à dévoiler des secrets d'alcôve. Le respect de la vie privée fait en effet partie des vieilles traditions françaises. Ainsi, l'article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies en fait mention. Au XIXe siècle, les chansonniers ironisaient sur "les trois moitiés de Thiers" (le deuxième président de la République avait une liaison avec une femme et ses deux filles) ou sur la mort scabreuse de Félix Faure ("Il voulait vivre César, il mourut Pompée", aurait dit Clemenceau). Mais, dans les deux cas, les journaux, eux, sont restés discrets. Longtemps, ils n'ont pas non plus fait état des aventures de Valéry Giscard d'Estaing avec des célébrités, ni de la double vie de François Mitterrand, pourtant connue de nombreux journalistes...

 

Depuis une loi de 1970, l’article 9 du Code civil prévoit que « Chacun a droit au respect de sa vie privée », le juge étant libre d’interpréter ce qui représente une atteinte à l'intimité. L’article 226-1 du Code pénal prévoit même des sanctions (un an d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende). Mais la jurisprudence française considère que la presse peut commettre des entorses à ce principe légal quand la publication répond à un « intérêt légitime d’information du public ». Or, lorsque sont visées des personnes appartenant à la vie publique, cette légitimité est sans doute plus facile à démontrer. Les liaisons intimes peuvent en effet avoir alors un impact public et donc intéresser le grand public. Dans le cas de la relation Mélenchon-Chikirou, Fabrice Arfi, le journaliste de Mediapart qui l’a révélée, argumente dans ces termes : « La vie privée de M. Mélenchon [...] devient d’intérêt public quand elle percute le soupçon judiciaire d’enrichissement indu durant la campagne de 2017 de celle qui est aussi sa compagne. Simple à comprendre. »


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