Remigration Positive : une chance pour le Maghreb

par Rachid NEKKAZ
mercredi 30 mars 2022

Remigration Positive : une chance pour le Maghreb

Annulation des accords d'Évian

Les accords d'Évian de mars 1962 ont constitué l'acte fondateur du problème sensible de l'immigration. Surtout depuis la politique laxiste du regroupement familial à partir d'avril 1975. Elle a permis à des milliers de travailleurs maghrébins vivant seuls en France de rapatrier leur famille nombreuse dont les membres se comptent le plus souvent avec les doigts des deux mains comme dans le cas de ma famille. Cette immigration exponentielle, justifiée un temps par une économie florissante, n'allait pas à tarder à être pointée du doigt après les deux chocs pétroliers de 1973 et de 1979, suivis par une grave crise économique et sociale. Le seuil de tolérance de la société française était atteint. Historiquement, c'est cette politique généreuse principalement à l'endroit des Algériens et accessoirement en direction des citoyens des anciens protectorats marocain et tunisien qui allait coûter très cher à la France un demi-siècle plus tard sur le plan de la gestion de sa politique intérieure avec une immigration devenue un thème politique problématique, toxique et anxiogène. Même la Gauche, pourtant généreuse en matière sociale, a fini par lâcher une bombe médiatique. C'était en décembre 1989 lors de l'émission emblématique 7/7 sur TF1. L'ancien Premier Ministre Michel Rocard, un des ténors du parti socialiste, n'hésitera pas à dire devant des millions de téléspectateurs : " La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ".

La frontière idéologique qui séparait la Droite de la Gauche devenait poreuse. C'était un tournant dont la droitisation progressive et la pollution de la question de l'immigration couplée à celle de l'Islam ne sont qu'une suite logique. Alors que faire si on veut éviter une rupture sociétale définitive au cœur de la société française ? Les accords d'Évian sont devenus aujourd'hui caducs. Il faut les annuler car le contexte politique, économique et social qui les a justifiés au début des années 60 n'existe plus aujourd'hui. La France ne dépend plus autant du pétrole et du gaz grâce à l'énergie nucléaire et aux énergies renouvelables. Elle n'a plus besoin non plus de la main d’œuvre étrangère pour développer son économie. Quant à l'Algérie, incapable de sortir du sous-développement, elle voit sa jeunesse diplômée et courageuse fuir par millions cette terre pour laquelle plus d'un million de ses enfants se sont pourtant sacrifiés lors de la guerre de libération entre 1954 et 1962. 



Remigration positive et intégration maghrébine

Un nouveau deal gagnant-gagnant non écrit doit voir le jour. En quoi consiste-t-il ? Dans un premier temps, Alger, en coordination avec Paris, met en place sur 10 ans un programme de remigration positive de ses cadres et de sa main d’œuvre qualifiée vivant en France afin de développer son économie de bazar, dépendante à 96% des hydrocarbures. Concomitamment, la France accepte de réduire de 50 à 25% les parts des entreprises comme Total ou Engie dans le secteur énergétique algérien afin que le gouvernement local puisse disposer des ressources financières nécessaires à l'accueil, l'hébergement, la scolarisation, l'embauche, et la prise en charge médicale progressive de ses 5 millions d'Algériens. Cette manne financière permettra aussi de développer les infrastructures routières, de transports et de loisirs indispensables pour donner envie aux Algériens de retourner dans leur pays qu'ils aiment et dont ils sont si fiers de loin. Enfin, dernier point, et pas des moindres. 

Cette stratégie de remigration positive ne pourra réussir que si l'Algérie quitte le pool des États fascistes pour rejoindre celui des pays démocratiques. Paris doit cesser de soutenir les régimes autoritaires d'Afrique du Nord. Elle doit favoriser et soutenir le processus démocratique. Car, aucun Algérien vivant en France et habitué aux bienfaits de la vie démocratique, n'aura envie de retourner en Algérie si le simple commentaire négatif contre le régime en place sur Facebook risque de le conduire directement en prison. Seul ce cocktail de mesures à la fois économiques, sociales et politiques pourra alléger l'impact négatif de l'immigration algérienne en France et amorcer un décollage économique et démocratique en Algérie en particulier et au Maghreb en général. Dans le même temps, Paris et Bruxelles ont tout intérêt à favoriser un regroupement des États maghrébins afin de développer des synergies entre leurs économies respectives. D'abord, pour des motivations négatives. La fermeture des frontières entre l'Algérie et le Maroc depuis 1994 et la rupture des relations diplomatiques entre ces deux pays en 2021 sont non seulement pénalisantes pour l'économie régionale mais risquent à terme de dégénérer en un conflit armé, comme ce fut le cas en 1963 lors de la guerre des sables. L'Europe sera touchée directement. Pourquoi ? Qui dit guerre, dit fuite des populations attirées vers l'irrésistible Nord, principalement en France.

Aucun Algérien n'aura envie de fuir ou d'émigrer au Mali ou au Niger. Ensuite pour des raisons positives. Un rapport de la Banque Mondiale datant de 2011, n'évalue-t-il pas à 2 points de PIB l'impact négatif de la fermeture des frontières terrestres entre Alger et Rabat ? Cela représente 2 milliards de $ par an. Aider les pays d'Afrique du Nord à s'entendre et à développer ensemble des synergies économiques, c'est rendre possible à terme la remigration de millions de Maghrébins de France dans leurs pays d'origine, devenus enfin - grâce à une politique d'interdépendance entre l'Union européenne et l'Union du Grand Maghreb - des havres de paix et de prospérité.

Voici donc exposés les facteurs négatifs et positifs pour lesquelles la France et l'Europe ont tout intérêt à jouer la carte de l'intégration politique maghrébine, du transfert partiel de souveraineté économique des ressources énergétiques et de la promotion de la démocratie dans le bassin-sud de la Méditerranée. Dans le cas contraire, les tensions risques de s'exacerber en France sous le double effet de la saturation de l'opinion publique à l'endroit de l'immigration nord-africaine et de la dégradation du climat politique et social au Maghreb.

Rachid Nekkaz
Opposant politique,
443 jours en prison et
Auteur de " Mon combat contre la dictature algérienne" aux Éditions Max Milo (sortie le 9 mars 2022) : https://livre.fnac.com/a16439497/Rachid-Nekkaz-Mon-combat-contre-la-dictature-Algerienne?awc=12665_1
Facebook : www.facebook.com/nekkaz2019


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