Réponse à l’article : « Dois-je culpabiliser de ma vie au RSA ? »

par Gaël
jeudi 11 août 2011

Ces lignes se veulent une réponse à l'article de kingfausto, paru hier sur AgoraVox et intitulé "Dois-je culpabiliser de ma vie au RSA ?".

L'article de kingfausto, plusieurs commentateurs l'ont remarqué, est probablement un faux, tant il dépeint trop exactement la caricature du RMIste oisif, pseudo-artiste, vrai fumeur d'herbe, se jouant des contrôles de Pôle Emploi et se contentant d'une vie misérable et sans ambition aux frais de l'État. Construit pour susciter la polémique, il a très certainement atteint son but, jusque dans l'orientation des commentaires, improvisant presque tous sur le même thème : "Mais est-ce que ceux qui se tuent au travail et au crédit pour un comfort (sic) dont ils n'ont pas le temps de profiter se sentent plus à l'abri que moi !".

Ce qui est inquiétant dans cet article, ce n'est donc pas l'authenticité fort douteuse du récit, mais l'approbation quasi unanime qu'il emporte chez les AgoraVoxiens. Le panel des lecteurs d'AgoraVox n'est certainement pas représentatif de la population française : sans étude démographique approfondie, on peut avancer qu'il est majoritairement jeune, urbain, fortement politisé et, ce qui va souvent avec tout cela, orienté à gauche. Mais tout de même. Fut une époque où la fierté ouvrière, l'honneur ouvrier, était de travailler, contrairement à la classe dirigeante qui récoltait sans rien faire les fruits du travail d'autrui. Que reste-t-il de tout cela ? Rien.

Au contraire, le mépris de la classe travailleuse est perceptible dans de nombreux commentaires. Les salariés sont traités d'esclaves à de nombreux reprises, quand ce n'est pas "d'esclave[s] de mes fesses", coupables, sans doute, de se lever tous les matins pour nourrir leur famille. Crevures de social-traîtres !

Sur ce site, où la plupart des lecteurs se targuent d'avoir une vision claire des enjeux du monde actuel, il paraît dérisoire à beaucoup de s'acharner sur le cas d'un allocataire du RSA, quand l'État verse plusieurs centaines de millions d'euros à Bernard Tapie. Forcément, s'il y a pire ailleurs, c'est une bonne raison pour se goinfrer... Nous pourrions appliquer ce schéma de pensée à d'autres domaines, tiens : pourquoi ne pas jeter ses ordures dans la nature quand certaines usines déversent quotidiennement des hectolitres de produits toxiques dans les rivières ? On voit le ridicule du raisonnement. Et pourtant...

Loin de toutes les considérations plus ou moins oiseuses qui ont souvent cours ici sur l'évolution de la politique, de la finance et du capitalisme, la vérité toute simple, la base des bases, et dont je m'étonne qu'elle échappe à tant de monde, c'est que nous avons besoin de biens fondamentaux pour vivre, de nourriture, d'un toit, et que cette nourriture, ce toit, sont le fruit d'un travail. La plupart des gens oeuvrent à produire eux-mêmes ces biens, ou d'autres biens et services qu'ils pourront échanger contre ces besoins primaires. On en revient toujours là.

Dans cette perspective, il paraît juste que chacun accomplisse la part de travail qui lui revient. C'est aussi pourquoi, bien que réinjecté directement et intégralement dans l'économie, les sommes perçues par les allocataires du RSA ne sont pas sans effet sur elle. S'il y a moins de travail pour la même quantité d'argent, la valeur de ce dernier diminue, et chacun possède moins.

Il est important de se rendre compte que la solidarité d'État a des conséquences non seulement sur ceux qui en bénéficient, mais aussi sur ceux qui la financent. Justifiée dans un contexte économique difficile, elle implique donc le devoir moral de se remettre en selle dès que la situation le permet. Il n'y a rien là de populiste. De même qu'un fils dont les parents financent avec bienveillance les études a le devoir, sitôt celles-ci achevées, de trouver son indépendance et de veiller, en retour, sur le bien-être de ses parents vieillissants, les enfants de l'État doivent se montrer digne de sa générosité.

S'agit-il vraiment d'une morale d'un autre temps ?


Lire l'article complet, et les commentaires