Retour au vieux schéma droite-gauche...
par Sylvain Rakotoarison
lundi 23 avril 2007
Bayrou a fait un très bon score mais ne sera pas au second tour. Pour ceux qui ont refusé le manichéisme de la vie politique, cela va être difficile de choisir entre Sarkozy et Royal. Les jeux sont pourtant presque déjà faits.


Je fais partie de cette sorte d’électeurs qui n’étaient pas du tout indécis avant le premier tour, car soutenant solidement la candidature de François Bayrou, et qui s’interrogent désormais pour le second tour car ils ne veulent pas voter blanc ni s’abstenir.
Le scrutin du 22 avril 2007 a placé en tête du premier tour deux candidats qui n’ont pas, à mon sens, la stature pour devenir président de la République. Et pourtant, l’un d’eux va être forcément élu le 6 mai prochain.
Nicolas Sarkozy a beaucoup de qualités mais également beaucoup de défauts. Il est très aimé et également très détesté, simplement parce qu’il a le grand avantage de la franchise et du parler direct, et donc ça plaît ou ça ne plaît pas, ça passe ou ça casse.
Ce qui me plaît en lui, c’est son volontarisme. Mais il se distingue peu de celui de Ségolène Royal, elle aussi très volontariste. Quand je l’écoutais au début des années 1990 au moment où le paysage politique était déjà discrédité, Sarkozy avait le courage de dire qu’il aimait la politique et que s’il en faisait d’ailleurs, c’était pour cette raison, les autres aussi, mais n’osaient pas le dire, car c’était mal perçu.
Autre élément sympathique, bien repris dans sa déclaration du 22 avril au soir, c’est que la France lui a beaucoup donné et que, maintenant, Sarkozy veut donner beaucoup à la France. Cela n’a l’air de rien, mais c’est une déclaration d’amour de la France très convaincante. C’est l’esprit du « donnant-donnant » (!).
En revanche, il y a beaucoup de défauts et d’inquiétudes avec lui aussi. Son narcissisme et son nombrilisme m’effrayent. Sa capacité à n’agir que pour la vitrine et pas en profondeur ne me semble pas bon pour le redressement national, nous l’avons déjà vu pour les questions de sécurité (il suffit d’interroger en privé les forces de l’ordre pour cela).
Ses tendances, je ne dirais pas eugénistes car je suppose qu’il ne voulait que lancer le débat par provocation, mais disons déterministes, m’inquiètent aussi, et cela sur le plan des valeurs : je suis un ferme partisan de l’acquis et pas de l’inné. La génétique contredit d’ailleurs ce déterminisme-là d’une "déviance innée", et je crois surtout que malgré le milieu familial, tout individu est susceptible de progresser et de changer de niveau social par la force du mérite : c’est l’objectif de la république, et c’est aussi le sens de mes valeurs spirituelles.
Cela dit, il ne s’agissait pas de traduire ces tendances dans un projet ou une action, et je pense que l’entourage de Sarkozy ainsi que les institutions sont là pour encadrer les éventuelles dérives, idem sur les tendances sécuritaires à vouloir tout contrôler et tout surveiller.
Car de l’autre côté, ce n’est pas mieux : Ségolène Royal est une femme, avec tempérament et forte personnalité et, à ce sujet, cela peut être tentant de la faire élire à l’Élysée. J’avoue aussi que j’ai la malsaine curiosité de vouloir observer avec amusement le comportement de son compagnon très politique François Hollande dans cette perspective.
Royal n’a aucun charisme, sa déclaration tardive de Melle du 22 avril a été une longue litanie de son "pacte présidentiel". D’ailleurs, chaque fois que j’entends "pacte présidentiel", "donnant-donnant", "gagnant-gagnant", "ordre juste", j’avoue que ça me donne envie de voter pour Sarkozy, car ces mots lancés par incantation résonnent creux dans la bouche de Royal. Nous croyons entendre une lecture faite dans une église.
Par ailleurs, Ségolène Royal ne m’a toujours pas convaincu sur ses capacités à réellement occuper la fonction présidentielle. Sur ses compétences (parler de régime des talibans cinq ans après sa chute montre à quel point j’aurais peur de lui confier la décision nucléaire), et sur son sérieux : la multitude de projets lancés à la va-vite, sans réflexion, et qui pourraient quand même engager le pays de manière définitive me fait peur, et parmi ceux-ci, le projet de contrat première chance qui semblerait être une sorte de nouvel esclavage de la jeunesse...
Sur les institutions, j’ai aussi tendance à penser qu’avec son pseudo-projet de VIe République, qui n’a d’ailleurs rien à voir avec celui d’Arnaud Montebourg, Royal va vouloir court-circuiter tous les organes intermédiaires de représentation. Qui serait plus le nouveau Napoléon III ? Royal ou Sarkozy ? Pas sûr de bien répondre.
Son caractère n’est pas pire que celui de Sarkozy, elle est décrite comme n’écoutant pas son monde, méprisant ses plus proches collaborateurs et, du coup, elle n’est entourée que de collaborateurs zélés et laudateurs (les autres s’en vont, comme Éric Besson), mais Sarkozy doit être pareil, et Mitterrand était pareil aussi.
Son entourage ? Parlons-en... Personne n’est d’accord sur une stratégie commune. Ainsi, le 22 avril au soir, en soirée électorale, Bernard Kouchner n’était visiblement pas d’accord avec François Hollande ni avec Arnaud Montebourg. Personne de son camp n’est sur la même partition. Et je vois mal qui va gouverner avec elle, alors que pour Sarkozy, cela semble assez clair.
Pourtant, Royal a une chance historique, mais je pense qu’elle ne la saisira pas. Cette chance de rompre avec l’archaïsme du Parti socialiste, et plus généralement, l’archaïsme de la vie politique française, et de proposer une véritable refonte du paysage politique français en proposant une alliance (tant décriée au premier tour) de tous les démocrates voulant relancer la construction européenne (car là est l’essentiel).
Et cette chance devrait s’exprimer par un élément clef pour permettre aux électeurs centristes de se tourner vers elle : en désignant avant le second tour Dominique Strauss-Kahn comme son éventuel futur Premier ministre. Cela les rassurerait sur deux points essentiels : sa capacité à gouverner avec compétence et solidité (Strauss-Kahn rassure par son expérience) et ses options politiques (le pacte présidentiel étant un fourre-tout idéologique, véritable auberge espagnole de la gauche qui ne donne aucune indication sur la voie politique envisagée).
Mais vu comment les choses tournent, et sous réserve de changement dans les prochains jours, Ségolène Royal, prisonnière des éléphants du PS, me semble assez peu décidée à profiter de cette opportunité, alors que Nicolas Sarkozy, n’ayant plus à plaire à l’électorat le plus à droite, est déjà en train d’aiguiser son discours dans le sens d’un large rassemblement républicain pour mettre une place une politique claire en faveur de l’économie libérale et préserver les institutions actuelles.
Cela risque de me rassurer nettement plus.
Sylvain Rakotoarison, 23 avril 2007.