Retour de DSK en France ou le degré zéro de l’information

par Paul Moffen
samedi 10 septembre 2011

Avec l’intermède new-yorkais, on croyait avoir touché le fond. Eh bien non ! Le retour du fils prodigue à Paris a discrédité le journalisme français. Mieux encore : une éthique. Jamais, de mémoire, des chaînes d’informations continues n’avaient rabaissé le citoyen à ce point… On croyait revivre les aventures d’Angélique ou Les quatre cents coups de Truffaut. La couverture du « violeur lubrique présumé », lavé par la justice américaine, a été un non-évènement, une palinodie. Une farce relayée par des « idiots utiles » pour reprendre la célèbre formule. On s’y attendait. Loi du silence oblige. Une pluie de calembredaines a ovationné le retour sur scène de Dominique Strauss Kahn. On a eu droit à des commentaires tous aussi aussi insignifiants les uns que les autres. « L’avion de Dominique Strauss Kahn a décollé de l’aéroport. » « Ils ont bouclé leur ceinture. » Anne Sinclair et son époux récupèrent leurs bagages sur un chariot. » « Des dizaines de photographes attendent le couple, encadré par la police. » Toute une couverture pour arriver à une conclusion dont les initiés connaissaient l’inéluctable dénouement : « Dominique Strauss Kahn n’a fait aucune déclaration. » « Les adorateurs du temps réel » ont donc eu de quoi satisfaire leur soif de connaissance. Tant il est vrai qu’aujourd’hui, ils confondent : information et spectacle. Réalité et anecdote. Par delà les errances d’une corporation qui fait la part belle au lion, des questions se posent. Le vide politique est-il la bête noire des journalistes ? Pourquoi humilier la parole, l’intelligence ?

Le constat glace. La famine en Somalie où 750 000 personnes risquent de disparaître sous peu (sans compter les dizaines de milliers de victimes) émeut moins que la verge d’un politique consacré nouvelle star du X, à défaut d’avoir un vrai charisme, un programme. On connaissait Rocco Sifredi, Marc Dorcel. Maintenant, on découvre Strauss Kahn. Quid de Érythrée où les lettres de cachet et le despotisme d’un chef d’État tyrannisent une population pauvre et analphabète ? Des oublis qui à force d’être listés « sujets bidons », parce que pas assez vendeurs, pas assez racoleurs, deviennent sans intérêt. Il fallait réhabiliter « l’homme menotté », « le candidat idéal », celui qui a laissé du sperme, du sang sur les murs de sa chambre en guise de note et de signature- n’est pas Picasso qui veut -. Il fallait, raison perdue, secouer la terre entière pour donner une nouvelle virginité à « l’expert » mal rasé, effacer l’ardoise, faire oublier la femme de chambre (Nafissatou Diallo), Rikers Island et réconcilier « l’incompris » avec la gente féminine, les militants… le troisième âge. Tourner la page d’un feuilleton glauque où les dollars, l’esprit de caste ont faussé le discernement. Plus qu’un reportage, on a assisté à l’absolution de l’économiste, au retour en grâce du plus « brillant cerveau » qui ne parvient pas à déjouer une érection… Le système, dans sa mansuétude, s’y est donné à cœur joie. Emporté par la liesse, le « patriotisme » parisien, on oublie dire que l’affaire au civil n’est pas réglée et que ses mains baladeuses sont en cours d’instruction en France.

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A Écouter  :

La chronique de Philippe Meyer (Source : France Culture)

Le duel de Nicolas Poincaré au sujet du retour de Dominique Strauss Kahn (Source : Europe1)


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