Retraite et Confusion

par Trelawney
vendredi 6 décembre 2019

« Vous n’y comprenez rien ! Mais vous savez que vous n’y comprenez rien, ce qui apporte de la clarté dans la confusion » Louis De Funès.

Lorsque Macron s’est porté candidat à la présidentielle, il a proposé une réforme des retraites qui devait (au départ) ne s’intéresser qu’au régime de base et qui s’articulait sur plusieurs points :

Une fois aux commandes et devant l’ampleur de la tâche, car il faut souligner qu’aucun pays voulant modifier le régime des retraites ne l’a fait à force de concertation dans un délai moins cours que 10 ans, notre président a commandé un rapport à Jean Paul Delevoye, nommé pour la circonstance Haut-Commissaire à la réforme des retraites.

 

En juillet 2019, Jean Paul Delevoye rend son rapport au président. Rapport rendu public et que l’on peut consulter ici : https://reforme-retraite.gouv.fr/IMG/pdf/retraite_01-09_leger.pdf

 

Ce rapport s’articule sur 9 points :

01 Un système universel, par répartition, en points

02 Un système où 1€ cotisé donne les mêmes droits

03 Des conditions de départ valorisant l’activité

04 La reconnaissance de la pénibilité

05 Des droits familiaux renforcés

06 Renforcer la capacité des usagers

07 Une gouvernance innovante

08 Une organisation unifiée

09 Un système plus redistributif et conçu dans le respect des grands équilibres financiers.

 

Macron qui sait que ce sujet est hautement explosif organise un débat public sur le sujet, dans une ville, Rodez, qui comporte une majorité de plus de 60 ans, donc pas vraiment concerné par la réforme à venir et où 8 personnes sur 10 ont voté Macron. Autant dire qu’il ne prend pas de risque Cependant il n’a pas convaincu. Il a continué à opposer les uns aux autres en prenant l’exemple du chauffeur de bus à la RATP et celui du privé. Suite aux remarques de la CGT dans la presse, le chef de l’Etat a assuré que le système qu’il propose n’a rien à voir avec celui qui de la Suède où les retraités ont vu leurs pensions baisser après 2008. Et que de tels ajustements sont impossibles et que le niveau de vie des retraités ne doit pas être dégradé, il doit être le même et continuer à progresser. On ne demande qu’à le croire, mais à aujourd’hui on ne sait pas quel organisme sera en charge de réévaluer la valeur du point.

De toute façon à aujourd’hui personne ne sait de quoi cette réforme accouchera, mais par fatalisme, tout le monde craint le pire.

 

Pourtant depuis ce débat, les médias ont sorti l’artillerie lourde pour nous expliquer que pour notre salut, cette réforme dont on ne sait rien de ce qu’il y a dedans doit passer.

Et commence le bal des éditorialistes qui ont toujours le chic de parler sans savoir. Alain Duhamel sur RTL nous dit : « Emmanuel Macron veut mettre sur pied un système clair, simple et équitable ». Sur France 5 Yael Goosz en remet une couche en parlant de sur « ces syndicats arc-boutés sur leurs privilèges ».

L’auto proclamé économiste François Lenglet explique que : « La reculade, ça serait de différer la mise en œuvre de la réforme au moins pour les plus hostiles que sont les salariés des régimes spéciaux. »

Hervé Gattego sur Europe 1 frappe plus fort avec : « La position de la CGT est plus claire, du moins à condition de parler de clarté pour un syndicat de gauche qui refuse de toucher à un système qui défavorise les femmes et ceux qui ont les métiers les plus pénibles. ». Mais la palme revient à l’ineffable Jean-Michel Aphatie, qui n’est rien de moins que la réincarnation de la petite souris dans les arcanes du pouvoir qui dit (ça ne s’invente pas : « Mardi dernier, Emmanuel Macron a réuni plusieurs ministres en leur disant « il faut cogner sur les grévistes ». Et voilà, il faut cogner sur les grévistes parce que ce sont des égoïstes. […] Stop aux égoïsmes, c’est la ligne de conduite du discours qu’adopte le gouvernement. [Et ça peut payer ce discours ?] Eh ben on ne sait pas ! On voit bien qu’il y a du potentiel : signaler aux salariés du secteur privé, aux retraités actuels, aux salariés de l’administration en général – parce que tout le monde n’a pas les avantages de la SNCF – que finalement cette grève, c’est fait pour quelques-uns et pas pour tous, on se dit, il y a du potentiel. […] Il faut toujours garder la confiance. ».

 

Je vous rappelle qu’à aujourd’hui au premier jour d’une grève qui s’annonce importante, on ne sait toujours pas de quoi sera faite cette réforme. Mais qu’à cela ne tienne, nos « journalistes » sont sur le pont et assurent de leur solidarité avec selon Lenglet « les braves pigeons des salariés du privé [qui] passeraient à la moulinette n’ayant pas la capacité de bloquer le pays »ou selon Beytout avec « ceux qui vont payer les pots cassés de la grève, qui vont être pris en otage par la SNCF ou la RATP »

Jour après jour est distillé ce poison de désunion et de l’opposition entre les français qui consiste à dire des informations mensongères comme Barbier sur BFM « Si on dit la vérité, la grève ne sera peut-être pas très populaire. […] [Les employés de la RATP] partent avec une retraite 24% supérieure aux autres salariés du transport dans le privé ; ils partent avec 88% de leur dernier salaire, c’est 50% pour les agents du transport privé, voyez que l’écart est énorme. »

 

Tout a été organisé pour que les médias nous expliquent que rien n’y fera, qu’il faut se soumettre et qu’il faut que cette réforme dont ils ne connaissent pas le contenu passe. Et si ça ne suffit pas Yves Calvi clôt tout débat : « Pourquoi fait-on semblant qu’il y a des choix à faire puisqu’en fait, il n’y en a pas ? »

 

Pour revenir à plus de sérieux, il est vrai que l’on doit venir vars un régime unique pour ce qui concerne le régime de base. Mais cela doit se faire dans le temps et dans la négociation, et certainement pas au forceps. Que dans ce domaine les trash tests doivent être la norme et ne pas se retrouver avec des accidents comme la retraite des instituteurs. Il est évident que la réforme de la retraite va apporter des bouleversements dans la vie active et qu’il faudra réforme les statuts des fonctionnaires, militaires, policiers, pompiers, infirmiers, travailleurs indépendants, commerçants etc. Car forcément une réforme de cette ampleur va transformer notre vie.

 

Il est évident que cet exécutif partager entre un gouvernement de droite (Bruno Lemaire, Edouard Philippe, Delevoye) plus obnubilé par l’âge de départ à la retraite et un président mal entouré plus enclin à éviter un second mouvement populaire contre lui, il ne sortira pas que du bon dans cette réforme.

 

Maintenant la communication médiatique a comme idée générale : la peur. Ils vont nous refaire le coup des black blocs qui cassent tout, et ça va durer le temps de la grève. Combien de participants ? Quel est le discours des syndicats, quelles sont leur revendications ? Ca n’est pas le sujet.

 

Après cette première journée de grève on nous annonce qu’en milieu de semaine prochaine, le premier ministre va faire une allocution pour nous donner les grandes lignes de cette réforme que personne ne connaît. On croit rêver !


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