Retraites : les mensonges du capitaine du Titanic
par Christophe CH
lundi 13 février 2023
Nécessaire, ne cessent de répéter en boucle les perroquets de la macronie pour justifier l’inéluctabilité de la réforme des retraites, en agitant sous nos yeux l’argument massue de l’évolution démographique. 1.7 actif aujourd’hui pour 1.2 d’ici 50 ans. « Le système va être en déficit », « 13 milliards prévus pour 2030 », « 500 milliards de dettes en plus sur les 25 ans qui viennent », « Si nous voulons être justes entre les générations et sauver notre système par répartitions il nous fait faire cette réforme » : tous les éléments de langage déployés depuis des semaines agitent tous le même chiffon, celui d’un cyclone budgétaire qui s’approche et dont le timonier du Titanic France, observant à la longue vue l’horizon, se doit par esprit de responsabilité d’alerter les passagers pour justifier d’un léger changement de cap. Il va falloir jeter à la mer quelques uns de vos effets personnels, recommande t-il en multipliant les interventions en haut parleur afin de se faire bien entendre, tant auprès des passagers depuis la première classe jusqu’aux moindres cabines de la troisième, et jusque dans le cœur du navire, où triment en sueurs des matelots aux dos déjà plus qu’abîmés.
Sauf que voilà. Notre bon gouvernement a simplement omis de nous faire part de quelques menus détails. Le navire pourrait poursuivre sa route sans que soit exigé que les passagers sacrifient deux années pleines de leur vie si d’autres choix idéologiques avaient été pris, et d’autres hypothèses en termes de prévisions retenues. L’ennui, c’est que dans la cabine de pilotage, le commandant et ses équipes tiennent entre leurs mains depuis leur arrivée aux postes de commande une carte, laquelle ne tient nullement compte de la localisation des icebergs, mais n’est que le reflet de idéologie qui les anime. Au territoire est préféré la carte comme au réel l’idéologie : tels sont les paramètres du logiciel de ces élites disposant d’un nombre insuffisant de canaux de sauvetages qu’ils entendent bien réserver à leurs amis les premiers de cordée, et qui tout en nous assurant le contraire sont en train de nous envoyer gentiment dans la banquise.
Ce qu’indique la carte est pourtant simple, et ne correspond en rien aux annonces faites par haut parleur aux passagers et à l’équipage par éléments de langage répétés : oui nous assumons, on baisse la contribution de l’État au financement des retraites, et c’est pour cela que l’on va vous contraindre à travailler jusqu’à 64 ans minimum. En clair, on va faire des économies de carburant sur votre dos, en vous demandant de mettre à l’eau certaines de vos valises. Et si cela ne suffit pas, on se débarrassera à la tombée de la nuit de quelques bouches inutiles en les jetant par dessus bord.
L’argument massue de la hausse de l’espérance de vie et de la mise à la retraite des charters des baby boomers sert de mantra pour ensuite agiter les chiffres qui font peur : en 2025, 9 milliards de déficit, en 2040 24 milliards, enfin 39 milliards en 2070. Après la merveilleuse réforme annoncée, miracle, on est sauvés, on revient à l’équilibre, le navire peut continuer sa croisière et les passagers revenir à leurs occupations. Que demande le peuple ?
Sauf que la jolie comptine pour enfants sages omet de préciser que les affreux déficits agités comme des chiffons rouges n’existent qu’à l’unique condition que le capitaine n’ait au préalable décidé en sous main de diminuer drastiquement la contribution de l’État actuellement versée aux régimes de retraite. Actuellement calculée à 40 milliards et 2 % de PIB, la voilà qui progressivement baisse d’année en année sur la carte affichée sur le tableau de commande du navire jusqu’à atteindre en 2070 0.8 % du PIB. Ces 40 milliards, aujourd’hui, financent les régimes spéciaux, les retraites des fonctionnaires et les retraites des militaires. Avec ce léger ajustement dont il ne se vante guère, le capitaine économise ainsi 6 milliards en 2030, et plus de 40 milliards en 2070.
Le rapport du COR auquel le gouvernement dit se référer comme à une Bible mais qui en définitive ne lui sert que de cache-sexe avait d’ailleurs dans ses différents scenarii prévu une hypothèse où ces 2 % du PIB que l’État entend raboter seraient réaffectés aux retraites du privés, celles-là mêmes où se concentrent le plus de besoins à l’avenir. Dans ce cas-là, le bateau aurait temporairement connu quelques années de légères intempéries avant de revenir à l’équilibre : les 24 milliards de 2040 agités par le gouvernement deviennent 12 milliards, et en 2060 c’est fini. Le tout sans taxes, sans impôts supplémentaires, sans années à trimer en plus, sans valises à jeter par dessus bord : on ne change strictement rien au fonctionnement du navire et au quotidien de ses passagers, on ajuste simplement selon une des hypothèses du rapport du Comité d’Orientation des Retraites la direction du bateau, et on arrive à bon port en frôlant à peine la banquise.
Sauf que voilà : sur la carte du capitaine, ce n’est pas la localisation de l’iceberg ou les coûts humains qui sont inscrits, mais des économies. Donc on maintient le narratif, et on le répète inlassablement jusqu’à ce qu’assommés les passagers rentrent dans les cabines.
Ces déficits, on l’aura compris, c ‘est juste un prétexte quand on tient le gouvernail et la bourse. L’argent, il est là, quelque part dans un des tiroirs du bureau du capitaine, il suffit d’ouvrir le bon, de se servir et de l’affecter là où il faut. Les régimes de retraite, principalement les complémentaires, disposent de réserves accumulées en prévision de ces années de déficit, et ont un bas de laine conséquent de 180 milliards en 2022, soient la moitié de tout les déficits cumulés jusqu’en 2060. Réaffecter ces sommes prévues à cet effet dans le régime serait un jeu d’enfant, et consisterait à combler de 6.7 milliards par an les déficits agités. Sauf que non, le nez rivé à sa carte d’économies à réaliser sur le budget de l’État, le capitaine s’entête à nier le territoire. Par pure et simple idéologie, on l’aura compris.
6.7 milliards par an, entre nous, est-ce si difficile à trouver, si on s’obstine à ne pas ouvrir ce tiroir-là ? 6.7 milliards c’est justement ce dont l’État vient de s’amputer en supprimant la CVAE, taxe sur la valeur ajoutée que paient essentiellement les grosses entreprises qui siègent au 1er étage du Titanic. Pour être juste, ce ne sont pas 6.7 mais 9.3 milliards dont l’État vient de faire cadeau à ses premiers de cordée. Si on revenait sur cette décision prise « en même temps » que l’on demande à tout un chacun de jeter à l’eau ses valises, non seulement on sauve le régime jusqu’en 2040, mais on a en rab un petit bonus pour financer nos hôpitaux. On pourrait faire cela, comme on pourrait taxer un peu les dividendes, demander un effort aux retraités aisés, revenir sur les exonérations de cotisations des hauts revenus. Sauf que non, la carte du capitaine est on ne peut plus claire : on gratte les poux sur la tête du personnel naviguant , des matelots et des passagers de seconde et troisième classe, mais pas touche à la classe du dessus, laquelle sirote un bon champagne à quelques encablures des canots de sauvetage.
Si tant est que ce soit encore utile pour convaincre ou informer les indécis sur les motifs qui nous font, davantage que contester, lutter fermement contre cette réforme inique : contrairement aux arguments assénés par les perroquets du pouvoir et leurs experts affiliés, elle n'est en rien nécessaire. Non seulement parce que les chiffres communiqués par Bercy pour parvenir aux projections des déficits à venir sont trafiqués, mais en plus parce qu'elle est la résultante d'un choix idéologique caché sous le tapis. Tandis que le nombre de retraités augmente, l’État choisit sans s'en vanter de diminuer sa contribution au régime et de faire des économies sur le dos de ceux qu'il envoie travailler deux ans de plus ... Tout en continuant à exonérer de taxes et de charges les grands groupes et les ultra-riches.
Depuis son accession à l’Élysée, dans le droit fil de tout ce qu'il avait auparavant entrepris depuis son poste de Secrétaire Général Adjoint en charge de l’Économie puis de Ministre des Finances sous le quinquennat Hollande, Emmanuel Macron n'a qu'une et une seule feuille de route, dont la cohérence saute aux yeux, tant l'ensemble des orientations et des décisions qu'il a prises vont toutes dans la même direction. Destruction progressive des droits sociaux acquis depuis 1945. Démantèlement des grands services publics pour introduire à la place des acteurs privés, américains surtout, issus du monde de la finance. Augmentation de la dette afin de justifier les cures d'austérité au détriment des populations et au profit des grands groupes que l'on finance de plus en plus sur l'argent public. Paupérisation de la classe moyenne. Enfin mise en esclavage des matelots occupant l’immense soute pour pouvoir à tout moment et sous la contrainte bénéficier d’une main d’œuvre à bon marché.
Accélérateur de la destruction de la France en passe de devenir une simple province de l'Union Européenne sous pavillon allemand, Emmanuel Macron et avec lui tous les siens, serviteurs zélés du Grand Capital, ne sont rien d’autres que des traîtres à la Nation. Déterminés à achever leur œuvre funeste dans une parodie de démocratie, ils feront tout jusqu'au dernier jour pour continuer sans relâche à fracturer et à appauvrir le pays tout en arrosant ceux qu'ils servent. L'Histoire les jugera avec toute la sévérité requise, mais il faudra pour y parvenir descendre encore plus bas quelques années encore. Avant que ce que se réalise la prophétie de Jacques Attali : celle d'une révolution des profondeurs d'un peuple français à bout de nerfs. Révolution qui, tant que se battront en duels fratricides toutes les actuelles oppositions de pacotille, est de l'ordre de l'impossible, celles-ci fonctionnant comme une assurance vie pour le capitaine planqué dans la cabine du Titanic.