Retraites : Tirer les leçons de 2010

par touriste
mardi 24 janvier 2023

Nous sommes en train de répéter les erreurs de 2010.

En 2010 comme en 2023 la population se lève contre l'allongement de deux ans de l'âge de départ à la retraite. 

Sur Wikipedia on trouvera quelques éléments factuels sur la réforme des retraites de 2010 et surtout sur la mobilisation contre la réforme des retraites en 2010 

Il est important de comprendre la dynamique de progression et de recul du mouvement social en examinant la chronologie des actions. La mobilisation 2010 s'est déroulée en deux phases :

Voici les faits, les chiffres sont ceux de la police, pour avoir une base stable, mais le lecteur avisé corrigera de lui même :)

 (vacances)

Chacun connaît la suite, la réforme a été votée sans problème majeur et l'âge de la retraite porté de 60 à 62 ans. 

Le problème qui se pose à tous et toutes, puisque nous sommes au moins 70% à refuser les 64 ans, c'est de ne pas rejouer cette défaite sociale. Examinons quelques différences entre la situation en 2010 et celle de 2023.

Point commun : Un rejet massif de la réforme.

En 2010 comme en 2023 c'est toute la population, de l'ordre de 70 à 75% selon les sondages, qui se prononcent contre la réforme.

Mais en 2023 nous avons un avantage supplémentaire, il n'y a plus guère de débat sur l'utilité de cette réforme. Alors qu'en 2010 certains pouvaient se dire que la réforme est dure mais que, peut être, il existe de bonnes raisons pour réformer les retraites. Ce n'est plus le cas en 2023.

La plupart des gens ont compris que les retraites ne sont pas réellement en danger et que la réforme a pour seul but de faire des économies budgétaires sur le dos des futurs retraités.

Comme l'explique remarquablement bien une vidéo de Melenchon le gouvernement a déjà perdu la bataille de l'opinion publique.

Très logiquement la première grande manifestation le 19 janvier a été un immense succès : 1,12 millions selon la police. De plus on notera que de nombreuses petites villes se sont largement mobilisées. L'exemple typique est celui de Mende (Lozère) où malgré une température de -10 degrés (!) plus de 1800 personnes ont manifestées dans une ville de 16000 habitants.

Point commun : Un calendrier législatif accéléré.

En 2010 la réforme a été annoncée en début d'année, puis le projet de loi présenté en septembre a été voté en deux mois. En 2023 le gouvernement prévoit de faire passer la loi en deux mois.

La réforme annoncée le 10 janvier 2023 a été examinée par le Conseil d'Etat et passera en conseil des ministres le 23 janvier. Le projet de loi sous forme de PLFSS rectificatif sera déposé au Parlement le 26 janvier pour un examen le 6 février.

Le recours à l'article 47.1 permettra au gouvernement de clore le débat à l'Assemblée Nationale le 17 février, suite au délai de 20 jours. Le texte passera alors au Sénat qui disposera seulement de 15 jours pour le discuter.

La suite est facile à imaginer, l'utilisation du 49.3 ou le vote avec la majorité des députés LR conduira à l'adoption du texte avant la fin du mois de mars, peut être même vers le 15.

La mouvement social dispose donc d'un très court délai, et ceux qui proposent de "s'inscrire dans la durée" nous mènent en bateau.

Différence : Une mobilisation sociale tardive.

En 2010 la mobilisation syndicale a débutée en mars 2010 alors que la réforme était seulement annoncée, sans que l'on connaisse publiquement son contenu précis. C'était une mobilisation préventive en quelque sorte.

En 2023 la réforme des retraites et le report de l'âge de départ à 64 ou 65 ans était connu depuis au moins septembre 2023.

Mais entre septembre et décembre les syndicats n'ont appelé à aucune mobilisation, même pas une pétition. A la place ils sont allés discuter pendant trois mois. Il leur a fallu trois mois pour se rendre compte que le gouvernement les baladaient afin d'avoir une caution sociale en vue de leur "réforme".

A la différence de 2010 quand les syndicats ont dénoncés la réforme avant même que le texte soit connu, en 2023 les syndicats ont choisi de temporiser. Nous avons donc perdu trois mois pour dénoncer la réforme et préparer la mobilisation.

Et en janvier la temporisation continue. Après une manifestation le 19 janvier ce sont encore 12 jours de lutte qui sont perdus. Comble de cynisme les dirigeants syndicaux prétendent que ces 12 jours sont indispensables pour mener une campagne médiatique qu'ils ont volontairement négligée depuis trois mois !

Point commun : Une intersyndicale inefficace.

En 2010 on trouvait déjà une intersyndicale qui regroupait les 8 grandes organisations : CGT CFDT FO CFTC CGC UNSA Solidaires FSU auxquels se sont joints les principaux mouvements étudiants.

L'intersyndicale avait organisée d'abord 5 manifestations lors de première mobilisation en début d'année, puis à partir de septembre une série de 8 grandes manifestations de masse dont la plupart ont dépassé le million de manifestants.

En 2023 on retrouve la même intersyndicale et la même méthode de "lutte" assortis des mêmes justifications. 

En particulier l'intersyndicale se cale toujours sur le syndicat le moins combatif sous prétexte de "préserver l'unité syndicale". Or si l'unité syndicale a été un puissant facteur de mobilisation pour le 19 janvier, maintenant l'intersyndicale devient "l'unité d'inaction".

Déjà elle temporise et attend 12 jours avant de proposer une nouvelle manifestation le 31 janvier. Ensuite elle évite de coordonner les luttes sous le prétexte de "laisser les gens décider". Mais alors si l'intersyndicale ne sert pas à coordonner les actions et synchroniser les luttes, à quoi sert-elle ?

Point commun : Une méthode de lutte perdante.

Ce que nous vend l'intersyndicale c'est la répétition de 2010 et la marche en avant vers la défaite. Il y a au moins deux problèmes :

Comme en 2010 les différents "gros" secteurs vont se mobiliser séparément. Divisés les grévistes vont s'épuiser en vain dans des luttes dispersées dans le temps et dans l'espace. 

Alors que même un enfant de cinq ans, un peu éveillé tout de même, se rendrait compte qu'il faut frapper "tous.tes ensembles" et pas séparément.

Changer de stratégie en 2023.

En septembre et octobre 2010 les grévistes ont perdus cinq ou six jours de salaires. Cf calendrier ci dessus.

Et si on synchronisait tous ces mouvements épars pour lancer une semaine de blocage total du pays ?

Le coût serait identique mais les perspectives de victoire nettement plus élevées

De toute façons six jours de grèves/manifestations en janvier puis février ne suffiront pas. Pour gagner il faut changer de stratégie.

Quelle que soit la méthode retenue il faut discuter d'une synchronisation des luttes et la réaliser. Assez rapidement car fin février début mars ce sera fini. Or la répétition de "temps forts" et de gesticulations éparses ne fera pas reculer le gouvernement et démoralisera les opposants à la réforme, lassé de voir leurs manifestations successives inefficaces. Alors même qu'ils ont les moyens de tout bloquer et ne s'en servent pas !

Après le 31 janvier on enclenche des reconductibles partout où il y a une possibilité.

Et ensuite on admire la panique du gouvernement parce que contrairement à ce que clame la propagande bien pensante, ce qui fait tourner le pays ce ne sont pas les capitalistes mais ceux qui travaillent !
 

NB. Cet article ne remet pas en cause l'utilité des syndicats, outils indispensables pour défendre les droits des salarié(e)s. Il remet en cause leur méthode de lutte pour sauver nos retraites.


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