Rêveries d’un promeneur égaré

par Bernard Dugué
mercredi 6 février 2013

Je suis perdu, je me suis égaré dans la forêt des savoirs, ceux des sciences, des philosophies, des religions, des livres et des innombrables documents accessibles sur le net. Cette accumulation de savoirs et connaissances est devenue une épaisse fumée. J’ai beau essayer de chasser ce brouillard par le souffle de l’esprit, rien n’y fait, les informations envahissent mes pensées et je ne sais pas comment sortir du tunnel. Je croyais y parvenir et découvrir les mystères de la nature, organiser tout cet ensemble en un système, en trouvant de nouvelles théories mais ce dessein universel que n’aurait pas boudé Rousseau reste inaccessible à mon petit cerveau chargé comme un disque dur cabossé à force de chercher la bosse des mathématiques universelles et de la métaphysique du mystère. Du coup, le monde me paraît assez rétréci et pour tout vous dire, la plupart de ce que je lis de savant ou de sociétal me paraît douteux. L’humain est limité. Dans les affaires sociales et politiques, de grandes idées sont lancées mais derrière la plupart des décisions, il n’y a qu’intérêts particuliers, carriérisme, narcissisme, favoritisme, opportunisme, népotisme, communautarisme. Rien de bien sincère. L’homme honnête se fait rare mais il reste des compagnes, des compagnons, des amis, quelques sages et puis, ne soyons pas exigeants, nul n’est parfait doit être traduit par tout le monde est imparfait et perfectible. Mais la croissance économique ne résoudra pas les problèmes de société d’autant plus qu’elle sera absente. Les intellectuels nous prennent pour des cons.

Perfectible comme les savoirs scientifiques qui en vérité, me font douter non pas parce que le scientifique est malhonnête pas parce qu’il est limité et que du reste, la vision scientifique du réel est partielle. C’est une illusion mais pas comme celle du sensible, de Platon et de sa caverne. Plutôt celle de Claude Bernard et de son laboratoire. La science a produit un savoir qui repose sur la ruse de la technique. L’homme interagit avec la nature et le monde à travers des instruments et des opérations et finit par croire que l’univers fonctionne comme ce monde technique et interactif. C’est ce qu’on appelle la convergence opérationnelle, qui si l’on veut une clôture opérationnelle pour parler comme Varela, sauf que ce n’est pas la clôture du système étudié et conçu mais la clôture du système qui étudie les systèmes. L’homme est enfermé dans la clôture universelle qui se replie sur elle-même, forte de ses rétroactions cognitives et de ses couplages transdisciplinaires dont le graal suprême n’est autre que cette singularité technologique imaginée par un fou californien. C’est ce qu’on appelle la ruse de la technologie. L’homme cyborg en vue et la mort de l’âme en perspective.

Les savoirs scientifiques ne sont pas faux mais ils ne concernent qu’une portion externe de la réalité, celle qui s’offre à l’expérimentation et au calcul. La biologie et l’évolution n’ont rien compris aux profondeurs des processus du vivant, les sciences humaines ne savent rien de la pensée et des facultés de connaissance accessibles à l’humain. La physique tâtonne. On a beau avoir en face des superbes théories, le monde physique est inintelligible. Les pièces du puzzle sont dispersées et parfois, elles ne s’emboîtent pas. Il y la cosmologie avec l’entropie du trou noir, la mécanique quantique et la cohérence, puis le magnétisme, la charge de l’électron, le champ électromagnétique, les théories quantiques des champs au nombre de trois, car il y a trois interactions. Des photons qu’on ne voit pas, des fluctuations du vide dont on ne sait que faire, des processus virtuels et des trous noirs qui rayonnent on ne sait où, des spins qui nous font tourner la tête, des quarks invisibles pour l’éternité. La gravité échappe même à la compréhension et tout cet ensemble se noie dans une théorie universelle et son entropie infinie si bien que seul un Dieu peut organiser toute cette soupe de particules en un univers cohérent qu’une espèce animale, après des millions et des millions d’années d’évolution, parvient à observer grâce son génie dû à quelques gènes différents de ceux du singe ainsi que des subtilités épigénétiques que les biologistes ne comprennent pas, pas plus qu’ils ne savent comment ça peut se développer, un organisme si complexe issu de la rencontre de deux gamètes. Alors je ne vais pas tirer des plans sur la gamète et m’en aller me promener en attendant d’être secoué par une lumière qui me permettra, à l’instar de saint Paul, de reprendre contact avec la voie. Je suis sûr que le tunnel a une porte de sortie et qu’on finira par rassembler en une divine algèbre tous ces éclats de sciences parsemés dans les livres.

Le monde est devenu faux à travers les lunettes technologiques qui de leur prisme, on diffracté la nature en un spectre de formalismes. Avant, le monde était en résonance. Les savants écoutaient la musique de l’univers. Ils étaient étonnés par un vol d’oiseaux et la croissance d’un végétal. Ce n’était ni mieux ni pire. Différent. Maintenant, les programmes insignifiants trompent l’ennui des masse et la science médicale vacille. Les laboratoires et le corps médical nous trompent avec leurs statistiques et leurs machines, semant du reste la mort avec les chimiothérapies.

Allez, je sors, à la recherche de mon chemin de Damas. Si ça se trouve, je vais finir dans un labo ou bien à l’université. Mais pour un job à l’envers. D’abord, il faut trouver, au lieu de chercher. Ensuite, proposer un programme de désenseignement. Il faut apprendre aux étudiants à effacer les savoirs erronés. Alléluia !

 


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