Rugby. Quand criera-t-on de nouveau : « Allez les petits ! » ?

par VICTOR Ayoli
lundi 19 octobre 2015

« Humiliés ! » « Désastre ! » « La honte ! »

Les canards sont unanimes pour clouer au pilori notre équipe de France de rugby, partie la fleur au fusil et revenu la queue rabougrie entre les jambes. Ils feraient mieux de se poser les bonnes questions, les terribles censeurs.

Philippe Saint-André – le seul courageux, qui ne refuse pas de répondre aux questions, contrairement aux pontes de la Fédération et de la Ligue professionnelle – a fait ce qu’il a pu avec ce qu’il a trouvé, tout simplement. Et il se trouve qu’actuellement, en France, il a ramassé ce qui se fait de mieux. Mais que ce n’est tout simplement pas au niveau. Pourquoi ? Questions à résoudre.

Il y a des raisons internes à notre championnat : 14 clubs, c'est 2 de trop. Les internationaux doivent se farcir une quarantaine de matchs par an entre le championnat, les Coupes d’Europe et les Six nations. Quant on connait la rugosité, la brutalité de ces rencontre professionnelles, on comprend que les joueurs soient fatigués, usés, voire souvent blessés. Les autres grandes équipes dans le monde jouent beaucoup moins, pas plus de 20 rencontres pour les All Blacks par exemple.

Puis, les instances (Ligue et Fédération) se vantent d’avoir le meilleur championnat national du monde. Et le fait est que les grandes équipes françaises (Toulon, Clermont, Toulouse, Stade Français, Racing) dominent souvent les autres nations rugbystiques européennes. Mais c’est un trompe-l’œil : ce championnat professionnel ouvert à tous les vents n'est plus le championnat DE France, mais un championnat EN France dans lequel les joueurs français sont en minorité et ne servent que de supplétifs, de remplaçants aux hordes de mercenaires étrangers venus se goinfrer de fric. Nos jeunes joueurs ne peuvent pas faire leur preuve. Comment dès lors s’étonner que Philippe Saint-André, bien qu’il eu essayé une centaine de joueurs en quatre ans, n’ait pas trouvé les perles qu’il cherchait.

Le professionnalisme est passé par là et a été mal digéré. Ces joueurs professionnels sont plus soucieux de monnayer leur image que de se sacrifier pour leur équipe. Dans l’entourage des « Bleus » rode leur agent ! Comme au fouteballe, ce sont des sortes de maquereaux qui s’occupent de gérer « l’image » des joueurs, de négocier des contrats de pube, de faire des photos publicitaires, d’amener leur gagneuse à des coquetèles, etc. Tout ça pour du pognon… Bref, les rugbymen sont devenus de vulgaires fouteballeurs… La honte.

Donc, avec cette mentalité, chaque joueur perçoit ses coéquipiers comme des concurrents en « image » ! De là on néglige le jeu collectif au profit de quelques coups d’éclats individuels qui feront de belles « images », on n’a pas envie de sacrifier sa belle gueule et donc son « image » pour gagner un match. On n’est peut-être même plus potes, copains, amis hors du terrain mais rivaux… Plus de ces troisièmes mi-temps gargantuesques, plus de cassoulet ni d’entrecôtes bordelaises géantes, plus de chansons gaillardes… La tristesse.

Le professionnalisme, c'est-à-dire l’arrivée du pognon a sonné le glas du rugby cassoulet. Pas de nostalgie, il faut vivre avec son temps. Mais il a aussi sonné le glas du « french flair », de la spécificité française qui faisait que toutes les équipes du monde tremblaient devant les Bleus, capables de se faire parfois dérouiller mais en se battant comme de renverser des montagnes. Rappelez-vous Dominici ridiculisant Lomu ! Plus de fulgurances comme celles de Blanco, de N’Tamak, de Lagisquet. Plus de Spanghero sonnant la charge, plus de Jo Mazo et ses inspirations imprévisibles, plus de Gachassin slalomant entre les bourrins d’en face, plus de Jean-Pierre Rive ensanglanté renversant les Gallois, sans remonter aux frères Prat et Boniface…

Sans compter que le professionnalisme a probablement amené aussi ce dont on ne parle surtout pas, le dopage et autres gonflettes à la créatine. Non mais vous les avez vus les bestiaux, tous, bien sanglés dans leurs maillots serrés ! C’est plus du nourri sous la mère, avec l’abdominal-cassoulet ! C’est du bodybuildé bouffeur de salades aux « compléments alimentaires » et autres saloperies.

Et puis ces matchs deviennent emmerdants. Toutes les grosses équipes ont le même style de jeu parce qu’elles sont formées et dirigés par des entraineurs souvent venus de l’hémisphère sud et qui uniformisent le jeu. On ne cherche pas à éviter, on rentre dans le lard. Les plus belles prestations ont été le fait d’équipes comme l’Argentine, le Canada, le Japon, les Tonga.

Le naufrage de l’équipe de France, pour navrant qu’il soit, ne marque pas la fin du rugby français, riche de milliers de clubs, de centaines d’écoles de rugby, de milliers de bénévoles. Mais pour retrouver une équipe nationale digne de ce non, il faut répondre sans barguigner aux questions soulevées plus haut.

Et on pourra de nouveau crier, comme Roger Couderc : « Allez les petits ! »

 

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