Saakachvili, le mauvais cheval (5)

par morice
samedi 30 mai 2009

En France, Saakachvili a ces supporters, mais ils sont fort particuliers, à vrai dire. Un nombre restreint, qui se résume à un club, comme il en existe plein, certes mais ici il s’agît d’un club particulier lié à une idéologie fort particulière et à un droitisme d’où émerge avant tout un anti-islamisme patent. Bien entendu, ses membres préfèrent de loin le pouvoir français actuel : ainsi Raphaël Glucksmann (et fils d’André le bien connu), membre du cercle de l’Observatoire et auteur avec son père d’un « Mai 68 expliqué à Nicolas Sarkozy » mémorable (dans le sens flagornerie). Dans une interview au Point expliquant le livre cité, le prénommé Raphaël en était déjà arrivé à asséner un « il est peut-être le premier président situationniste » à propos de notre actuel occupant de l’Elysée, prouvant à quel point il méconnaissait Raoul Vaneigem. Le président, s’il s’adresse aux jeunes générations parfois (avec quelques problèmes de communication), semble en effet totalement démuni... de savoir-vivre. Et Glusksmann fils, à force de cirer les chaussures présidentielles, se retrouve à côté de siennes. Complètement à l’Ouest, avec cet ouvrage encenseur, sans jeu de mots (quoique). C’est bien connu : à l’Ouest, rien de très nouveau, que du néo-con à l’horizon. Un Glucksman junior en verve dès qu’il s’agît de parler de l’ancien empire soviétique, l’homme professant en bon libéral un vieil anticommunisme primaire et bien appuyé. Préférant obligatoirement chez le voisin de la Georgie la couleur orange et non le rouge d’antan. Place donc aux supporters saakatchviliens ! Place aux fans de Mikhail !

 
Un Raphael Glucksman toujours tenté en effet de voir à tout prix une résurgence de mai 68 dans la célèbre révolution orange : "En Ukraine, lors de la révolution orange, les jeunes disaient faire 68 en hiver. Ils étaient pourtant libéraux, proaméricains, clairement antimarxistes, mais reprenaient l’irrévérence absolue vis-à-vis du pouvoir et l’autodérision des soixante-huitards. 68 marque l’entrée de la révolution dans l’époque contemporaine". Mélanger autant les choses et les événements cela dénote avant tout d’un a-priori fort et d’un manque de recul évident. La même opinion que pour la Georgie de Saakachvili, le dévoreur de cravate, qui ne plaît à Raphäel Glucksmann que parce qu’il est pro-américain à tout crin. Un Saakachvili qui aura été bien aidé par son collègue ukrainien, ne serait-ce que pour... ces fournitures d’armes. Confondre l’association Pora avec les soixante huitards, il faut le faire ! Glucksmann fils aura du mal à expliquer le renouveau évident de l’antisémitisme ukrainien par la même occasion . "Xenophobia and propaganda of Nazi and racist ideas have risen in Ukraine, the leaders of the groups told JTA. They also noted a rise in neo-Nazi demonstrations, as well as the building of monuments and memorials glorying Nazis." La pensée neo-con ne semble pas charrier que du bon, semble-t-il dans le pays... On parlera de "Von Braunisation" des esprits, peut-être bien dans ce cas, qui sait. 
 
Raphël, fils de son père rallié tardif au sarkozysme, appartient surtout au "think thank" créateur de l’ineffable revue "Le meilleur des mondes.". Une revue qui s’annonce comme étant un "réflexe" contre l’évolution actuelle de la société : "Le Meilleur des Mondes est née de l’ennui, de la solitude et du malaise croissants de quelques-uns face à une vie publique française qui semble se complaire dans le ressassement de mythes intellectuels usés et de rancœurs politiques impuissantes. " Un bien beau discours, qui cache en réalité tout autre chose. "Le Meilleur des Mondes" est qualifié par une partie des médias français comme la « Voix de l’Amérique », ou encore comme un repaire de « néo-conservateurs à la française " nous précise fort justement Wikipedia. Qui insiste de façon étonnante sur la définition du contenu de la revue donnée par son rédacteur en chef lui-même : "la ligne directrice, indique son rédacteur en chef, c’est l’antitotalitarisme car nous pensons que la question est toujours d’actualité. Certains pensent que le totalitarisme s’est arrêté avec la chute du Mur de Berlin, ils n’imaginent pas que l’islamisme radical représente un vrai danger. Il n’y a jamais eu autant de propagande anti-juive. Nous sommes rentrés dans une période de chaos et la démocratie doit être défendue." Etrange propos, qui ramène une question politique a une réduction religieuse. Exactement ce qu’on entend depuis des mois sur Agoravox par l’intermédiaires de posts qui tentent d’annihiler tout propos défavorable aux USA.. ou à Israël. 
 
Chez Glusckman, ça se lit surtout dans un numéro de Direct Soir de novembre 2008 (le N°445) dont Saakatchvili faisait la couverture : un beau monument d’écriture de commande, lors d’une visite en France du leader georgien. Ça donne en effet ceci, en présentant pour l’occasion un livre intitulé de façon bien pompeuse "Je vous parle de liberté" une série d’entretien avec le leader georgien :  "A mon retour de Géorgie, lorsque les forces russes étaient très proches de Tbilissi, j’ai constaté qu’il y avait en France une méconnaissance et un manque d’informations sur la nature même de l’expérience géorgienne et des "révolutions de couleur" en général C’est cette grande aventure politique contemporaine (représentée par les révolutions de couleur) que j’ai voulu explorer avec cet ouvrage". On s’attend a un pladoyer sur les droits de l’homme, on se retrouve avec un brûlot néo-libéral de facture bien classique, et surtout avec des passages complets d’encensoir Saakatchvilien : "C’est un Président que l’on peut critiquer et dont les actions peuvent être contestées. Mais c’est le seul leader du monde postsoviétique à avoir fait vraiment basculer son pays dans le camp des démocraties euro-atlantiques. Il possède la capacité d’affirmer une vraie rupture diplomatique et politique totale avec le monde soviétique, ce qui provoque les agacements de la Russie. J’étais très intéressé par le fait de pouvoir comprendre ses combats, et par les motivations de la nouvelle génération de Géorgiens. Milkhail Saakatchvili est un peu comme un miroir pour nos sociétés, dont les valeurs sont presque oubliées". En fait de "valeurs", elles sont celles des neo-cons, que prône depuis longtemps "Le meilleur des mondes". Celui du soutien inconditionnel aux USA : "Le premier geste public des « oratoriens » consista à signer un texte de soutien à l’intervention américaine en Afghanistan (« Cette guerre est la nôtre », Le Monde du 8 novembre 2001). Trois ans plus tard, on retrouvait nombre d’entre eux dans l’ouvrage collectif intitulé "Irak, an 1"
 
Obligatoirement, dans ce cas, pour eux, l’historique du déclenchement du conflit ne compte pas : "Dans un appel solennel au sursaut de l’Occident les « philosophes » Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann ont même cette formule confondante : « Qui a tiré le premier ? La question est désormais obsolète » (Libération du 14 août, Le Temps du 15 août)". Or les faits démontrent pourtant le contraire. "Il suffit pourtant de relire les dépêches d’agence de presse pour en avoir le cœur net. Le 7 août à 1 h 47 (AFP), à la veille même de premiers pourparlers directs entre Ossètes et Géorgiens attendus depuis de longs mois, l’Ossétie du Sud annonce être la cible de tirs à l’arme lourde sur sa capitale Tskhinvali. A 15 h 20 (AFP), le ministère géorgien de l’Intérieur confirme que des « batailles de grande envergure » ont lieu sur le territoire d’Ossétie du Sud entre des blindés géorgiens et des combattants ossètes. A 19 h 30 (ATS), le commandant de la force russe d’interposition déclare avoir obtenu des deux parties un accord de cessez-le-feu provisoire. A 20 h 53 (AFP), les autorités géorgiennes démentent la conclusion d’un accord de cessez-le-feu. Et trois heures plus tard à 0 h 09 (AFP), la Géorgie confirme avoir lancé un « assaut » pour « restaurer l’ordre constitutionnel » dans la province séparatiste." 
 
Direct Soir le bolloréen abonde pourtant dans la version de l’attaque... georgienne préalable, contrairement à ce que peut dire Glucksman : L’attaque qu’il a déclenchée le 7août en Ossétie du Sud est selon lui la « réaction à une invasion russe et à un bombardement massif des cibles civiles et militaires par des milices ossètes aux ordres de Moscou », confiait-il à Raphaël Glucksmann,qui vient de publier son portrait ("Je vous parle de liberté", éd.Hachette Littératures). Ces propos semblent en contradiction avec ceux des observateurs militaires mandatés par l’OSCE, que le gouvernement géorgien accuse d’être manipulés par Moscou.Ces derniers indiquent dans leur rapport que les forces armées géorgiennes sont intervenues sans offensive russe préalable." nous dit le journal, rapportant par la même le fait que Glucksman soutient toujours l’idée de l’attaque russe qui aurait précédé... sans la vérifier, et sans tenir compte de l’OSCE. Mais de cela, BHl ni Glucksman n’en ont cure. Il est vrai également que l’"expédition" de BHL en Georgie n’a pas que frisé le ridicule : elle est tombée dedans. Selon nos confrères de Rue 89 (et d’autres médias !), ce jour là, BHL avait bien, je cite "affabulé". Avec évidemment en retour un premier lecteur virulent à réagir avec un droit de réponse, appelé... Raphael Glucksman... bien entendu. Solidarité oblige.
 
BHL ne désirant surtout pas répondre non plus à la question simple du paiement des frais occasionnés par son déplacement éclair en Georgie : "Vous avez pris un jet privé de la compagnie Darta. Qui a payé cette location ? Cela ne vous regarde pas" se contentera-t-il de dire. Raphaël Gucksman, comme BHL et son père, est donc Saakatchvili-addict. Car il préfère garder l’image d’un Saakatchivli qui croit dur comme fer à sa propre "mission", car je cite " Mikhaïl Saakachvili, est aussi le « chouchou » de l’Occident. Celui qui a réussi à nouer des liens très étroits avec l’administration Bush – l’envoi de 2 000 soldats géorgiens en Irak aidant. Il a d’ailleurs baptisé « autoroute George W. Bush » la route reliant l’aéroport au centre ville de Tbilissi, et fait hisser le drapeau européen en plein cœur de la capitale géorgienne" nous précise RFI. Tout le monde avait remarqué la présence incongrue de ce drapeau lors de ses interventions télélvisées, surtout celles où il faisait étalage de son manger de cravate. Il ne lui manque plus que Zemmour comme admirateur, à Sakaatchvili.
 
Un admirateur membre d’une revue confidentielle qui s’était jusqu’ici beaucoup illustrée par un soutien important à Redeker : tout se tient. Les membres du cercle avaient été pourtant mis à mal par un article au vitriol de Libération où la femme du fondateur déclarait le résumé de leur pensée en une seule idée directrice : "je suis comme tout le monde, ce qui me vient de l’islam, ce sont des images de violence. J’essaie de garder un regard amical, mais c’est difficile", avait confié Florence Taubman. Son mari Michel est également journaliste à Arte, ne l’oublions pas après avoir travaillé à France 3 Limousin. "Si Florence Taubman a été élevée dans un milieu catholique avant de se convertir au protestantisme, son mari, lui, est juif, comme un bon nombre d’« oratoriens »"précise Eric Aeschimann. On en est à un conflit de croyance et non pas à une réflexion philosophique. On comprend déjà mieux alors les propos enflammés : "dans la petite tribu de l’Oratoire, on parle beaucoup d’« islamo-fascisme », de « fascisme vert », de « totalitarisme islamique ». Autant de dénominations choisies pour inscrire l’islamisme dans la lignée du nazisme et du communisme et montrer qu’une nouvelle fois les démocraties sont confrontées au mal absolu". "Mal absolu" : voilà qui fait diantrement écho à "l’Axe du mal" de l’équipe de fondamentalistes Bush... et leur vision du monde "with god on our side" largement évoquée ici-même. "C’est bien ainsi que Michel Taubman voit le monde : « Notre point commun avec les neo-cons, c’est d’avoir le même ennemi : l’islamisme radical. » assène pour conclure Eric Aeschimann dans Libération du 09 mai 2006. Glucksman fils, comme le couple Traubman, fait une fixation bushienne caractérisée, voilà tout. Et se représente un mangeur de cravate caractériel en représentant parfait de l’homme politique moderne : cela manque sérieusement de recul et de profondeur d’analyse. On nage en plein superficiel, tout juste bon à passer au journal de 20 heures. Sont-ce là devenus les maîtres penseurs de la France ? De là à dire qu’il faut être fou pour ne pas voir celle de Saakachvili... Ne leur plaît qu’une chose chez lui en définitive : d’être l’opposant à Poutine ou Medeiev, rien de plus : quel que soit le flacon (de vodka), pourvu qu’ils aient l’ivresse. Avec de la vodka, on ferait avaler n’importe quelle cravate !
 
C’est très étrange, mais le coup du "fascisme vert", certains chez Agoravox n’ont eu de cesse de l’utiliser comme terme récurrent : serions nous envahis ici même par des adeptes du même Club ? Une pensée un peu tordue que Libération résume en un superbe : "Voilà l’équation posée : être anti-anti-Américain, c’est être anti-islamiste, donc antitotalitaire. CQFD". Exactement ce à quoi nous sommes confrontés ici chez Agoravox dès que l’on émet la moindre idée contre les Etats-Unis, déclarés sacro-saints par une poignée de contributeurs néo-conservateurs devenus pesants harceleurs journaliers. Vous noterez à la clé l’antisémitisme, vraie tarte à la crême du débat. On y a droit aussi, à croire qu’ils se sont donnés rendez-vous ici... ce n’est plus un site citoyen, c’est bien devenu l’annexe de l’Observatoire.
 

Documents joints à cet article


Lire l'article complet, et les commentaires