Sainte Ingrid au bord du puits (de pétrole)

par morice
samedi 23 août 2008

Ah, je vous vois venir : ça y est il va encore nous parler des trafics de drogue en Colombie. Même pas. Il n’y a pas que la drogue qui rapporte là-bas. Et puis parler de la drogue serait aussi parler de la lutte contre la drogue et ses errements ou son échec total, étant donné les scores de 2007 de production en Colombie.... qui affichent des records. Le pays est essentiellement corrompu dans l’âme, présidence comprise. "La Colombie est le plus grand cultivateur de coca illégale et le plus grand producteur de cocaïne au monde. Elle est aussi l‘un des principaux fournisseurs d’héroïne du marché des Etats-Unis. C’est le premier ou le deuxième producteur de faux dollars états-uniens ; elle a le nombre le plus élevé d’enlèvements et d’assassinats commandités ; elle occupe la deuxième place pour le nombre d’enfants liés à la guerre et d’habitants touchés par les déplacements internes ; elle est le premier ou le deuxième pays latino-américain exportateur de prostituées, et elle a la plus grande ou deuxième plus grande guérilla marxiste du monde (les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie - FARC, ndlr). La Colombie est le plus grand producteur de passeports de la Communauté européenne et d’euros de grande qualité. Mi 2006, la police a démantelé une usine dans laquelle on falsifiait les difficiles dollars australiens. Inévitablement, dans de telles circonstances, la corruption est rampante". Vu sous cet angle, effectivement.... le pays, malgré une Ingrid Bétancourt libérée, n’est pas encore et tout de suite une destination rêvée pour charters de vacances. Mais en revanche il peut le devenir vite fait pour des industriels. Et nous vous en avons déniché de bien surprenants.

Le tableau est sombre, et rappelle que dans l’affaire Bétancourt, la rançon versée aurait très bien pu être en faux dollars, ce qui provoque inévitablement d’autres interrogations, celles surtout sur un pouvoir en place qui a toujours fricoté avec les trafiquants de drogue. L’ancien gouverneur de Medellin devenu président est loin d’être clair sur certaines zones de son passé.. Partisan de la même "guerre au terrorisme" que W.Bush, une guerre récemment fort vilipendée par les gens de Rand. Une fois la guérilla totalement éradiquée, Alvaro Uribe pourra donc passer aux choses sérieuses : vendre son pétrole, enfin, aux.. américains (en priorité), ou à d’autres. Le pays est assis sur les mêmes gisements que ceux de son encombrant voisin, le Vénézuela, mais ils sont plus difficiles d’accès, et n’ont donc pas encore été tous exploités.

Ce n’est pas un hasard en effet, si le lendemain même de sa libération le gouvernement annonçaît la mise aux enchères de 150 blocs de concession pétrolière... Les français paraissent d’ailleurs sur le sujet moins largués sur le pétrole qu’en ce qui concerne les otages : ils ont répondu présent et se sont rendus cette fois au bon endroit et non perdus dans la jungle comme De Saez. Pour une fois. Mais on ne distingue pas pour autant de grands noms visibles comme Total dans la liste des prétendants aux forages. Mais d’autres, totalement inconnus à vrai dire. Total s’est trop intéressé à l’Afrique et à l’Irak, et où il ne bénéficiera pas de "l’aide" américaine, bien au contraire, et ne s’est pas trop intéressé à la Colombie, où il a même perdu en 2007 des concessions via sa filiale TEPMA, installée depuis longtemps pourtant. C’est pourquoi sans doute, à la mi-mars dernier, un groupe pétrolier méconnu, Maurel & Prom a annoncé dans l’indifférence générale une nouvelle découverte de pétrole via sa filiale colombienne Hocol S.A : "sur le permis Guarrojo qui a été signé en février 2006 avec l’Agence Nationales des Hydrocarbures de Colombie (ANH). Maurel & Prom estime que les réserves prouvées et probables (P1+P2) nettes de royalties devraient atteindre 11,4 Mbbls en 100%, à comparer à une production de Maurel & Prom de 5,2 Mbbls pour l’année 2006 en Colombie".

Mais qui est donc ce Maurel&Prom totalement inconnu ? Les français auraient-ils eu le nez fin en tablant sur une prochaine reprise en mains du pays, enfin débarrassé de sa guérilla ? Peut-être bien... mais ce qu’on va découvrir un peu plus loin peut laisser pantois. Ceux qui se sont les premiers alignés... sont des patrons étroitement liés à la gauche française. Surprenante découverte.


Les Etablissements Maurel & Prom, ont été créés en 1813, et ont été pendant longtemps l’un des principaux transporteurs maritimes entre la France et le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Gabon et le Congo. Dès les années 70, le secteur battant de l’aile, la société se lance dans l’agro-alimentaire puis dans le pétrole. Jusqu’en 2000, elle reste sous le contrôle à 76% par l’Electricité et Eaux de Madagascar (EEM), année ou son PDG actuel, Jean François Hénin prend le pouvoir total. Maurel&Prom, redevenue jeune société de 8 ans d’âge, se présente elle même un peu comme une "start-up pétrolière".. à sa tête Jean François Hénin, la 90 eme fortune française avec 475 M €, recruté chez Thomson par Alain Gomez et surnommé surtout " le Mozart de la finance" car ayant tablé avant tout le monde sur un effondrement du dollar il y a quelques années maintenant ... un homme du type devin financier qui s’est fait beaucoup d’amis (et d’ennemis jurés) dans le milieu de l’argent vite fait... Un homme qui, en fait, revient de loin...

Il a en effet trempé jusqu’au cou dans l’affaire Altus, ex-filiale de l’ancienne banque publique Crédit Lyonnais, et dans celle d’Executive Life : c’est lui qui avait chaudement recommandé l’achat à la MAAF, déguisé en faux-nez du Crédit Lyonnais !!! Au final, remarquez, c’est le bon contribuable français qui éponger les dettes du dénommé Mozart...devenu joueur de flûte à gogos pour l’occasion. En France on préfère toujours la musique à la Banque, c’est bien connu. Son bilan calamiteux est... plutôt lourd : "l’Etat français (propriétaire en 1992 du Lyonnais) reconnaît sa culpabilité sur les errements ou omissions intervenus dans le cadre des déclarations faites à la Réserve Fédérale. Il lui versera 100 millions de dollars de pénalité (contre la garantie de maintien de la licence d’opérer du Lyonnais) et 375 millions de dollars à un fond pour l’indemnisation de « victimes californiennes ». Bilan pour le contribuable français : 475 millions de dollars, soit pour l’instant environ 15 dollars (13 euros) par famille française". A l’égard du Mozart du tiroir-caisse, Sophie Coignard, parle elle de "la vendetta française (la France en réseaux)". C’est le titre d’ailleurs de son ouvrage ravageur et indispensable. Avec comme membres principaux du gang : François Pinault, Serge Weinberger, grand ami de Laurent Fabius, dont il a été le chef de cabinet, l’homme du riad de Marrakech (il est marié à une marocaine) et les autres proches de Fabius : Denis Olivennes, nouvel ami présidentiel, et Bruno Crémel, qui a été président du directoire de PPR interactive (Fnac, Printemps, La Redoute, Conforama), outre Jean François Hénin... tous ont été soutenus à une époque de leur vie (celle d’ Executive Life) par un ex-ministre des Finances appelé... Dominique Strauss-Kahn. Qui coule lui aussi depuis des jours heureux... financièrement. Et rencontre même Martine discrètement pendant ses vacances... (au Maroc, c’est un pur hasard bien sûr). C’esst fou ce qu’on bosse, au FMI. Remarquez, il a de quoi s’en offrir, des vacances.

Hénin a été condamné à une amende de... 1 million de dollars (fichtre !) par les américains. Il garde depuis une dent contre la justice française pour avoir cédé aux injonctions américaines. "Pour un individu isolé, le combat est disproportionné. Les frais d’avocats sont tels outre-Atlantique que je suis dans l’impossibilité totale d’y avoir une quelconque défense. Il était donc commode pour Paris de me sacrifier. Il ne me reste plus qu’à me battre en France. Mon sort personnel est entre les mains de la justice française" disait-il alors en 2003 un brin désabusé, larmoyant et grandiloquent . L’individu expose ici sans sourciller son nouveau pari pour réussir : le pétrole, sur des sites jusqu’ici non exploités. "Mon équation debase était simple : j’étais convaincu qu’à long terme les cours du pétrole se stabiliseraient à 25-30 dollars le baril et que, dans ces conditions, on ne pouvait que gagner de l’argent en exploitant des champs à faible coût. Les débuts n’ont pas été faciles... J’ai utilisé mon assurance-vie pour assurer les fins de mois. Et puis nous avons eu de la chance avec nos contrats au Congo. Surtout, je n’avais absolument pas prévu que les prix du pétrole s’envoleraient ". En résumé il a eu le nez fin et énormément de chance et adore jouer les malheureux. Encore un peu il nous aurait fait pleurer. Aujourd’hui, il pense ... charbon. Sa "start-up " pétrolière ressemble en fait plutôt à un petit marigot, ou on rencontre plein de crocodiles de la finance, des personnes ayant toutes des rapports disons particuliers avec l’argent. Attendez, vous allez voir et vous n’allez pas être déçu...

Le groupe installé en Colombie possède en son conseil d’administration plein de personnes passionnantes, dont pour commencer Fabien Chalandon : le directeur général de The Chart Group, l’homme qui prône ouvertement l’abandon de l’ISF. C’est le fils d’Albin, oui, l’ancien mentor de notre célèbre Rachida, qui mélangeait déjà pétrole (Elf) et politique. On ne se refait pas. Chalandon fils, lui aussi, en veut à une partie de la classe poilitique française : pour s’en être pris un jour à la politique d’un dénommé Alain Juppé, il s’est pris dans les gencives un contrôle fiscal gigantesque : 54 millions de francs de l’époque de redressement ! En bataillant ferme, il obtiendra au final une diminution à 28 400 francs seulement : c’était donc bien totalement disproportionné et une vraie mesure d’intimidation (il devait aussi régler les 200 000 francs de frais d’avocats) !!! Il est à la tête aujourd’hui, entre autres, de Telnic, société de téléphonie anglaise. Très adroit, il est détenteur aussi depuis le 29 janvier dernier du registar des noms DNS en ".Tel". Alain Gomez, lui qui n’est plus à présenter : PDG de Thomson, il avait tenté via un avocat américain (William Lee) d’abattre son concurrent Matra (Lagardère), riche de la vente de ses 1 200 missiles à Taïwan pour 14 milliards de francs, avec des moyens dignes de la Mafia, avec grande scène de film : "l’ancienne secrétaire de Lee raconte avoir reçu en février 1998, à la gare du musée d’Orsay, un sac de billets de banque des mains mêmes d’Alain Gomez. Une scène rocambolesque : le sac sera lancé d’un Escalator à l’autre, un vrai film. Et un élément capital dans l’instruction, qui détient enfin la preuve de l’implication personnelle de Gomez." Dans le milieu des affaires, à ce moment là, les deux hommes se rencontrent pourtant souvent et sont tout sourire à chaque fois.

Et ce n’est pas fini : le directoire du groupe regorge de gens passionnants. Car on y trouve aussi Roman Gozalo, venu de chez Merlin Gérin, passé chez Elf Aquitaine en 1977 (Gabon , en Tunisie et Angola) puis nommé en 1995 Directeur Administratif du groupe Elf Aquitaine pour finir ODG de Elf Petroleum Norvège : l’homme est né dans le pétrole ou presque. Mais encore Gérard Andreck, le président de la MACIF toujours présent là où il y a de l’argent à faire, Alexandre Vilgrain, PDG à la tête de Somdiaa fondée par son père, très présent avec Bolloré en Afrique, au Cameroun notamment où il a racheté la sucrerie Camsuco (en 2001). Ou bien encore Emmanuel de Marion de Glatigny, un homme à collection de jetons de présence (à la tête du SOCIETE D’EXPLOITATION DES RESSOURCES ENERGETIQUES DU NIVERNAIS (SEREN), le charbon, justement, qui intéresse.... Maurel & Prom, et à la direction de la société Financière de Rosario, vieille société issue de La Société du port de Rosario, fondée en 1902 par les sociétés Hersent et fils et Schneider pour construire un port dans la ville de Rosario de Santa Fe (en Argentine). Mais aussi Christian Bellon de Chassy, un Expert Judicaire auprès de l’Union Européenne : car cela peut toujours servir, sans doute. Ou enfin Roland d’Hauteville un "Président de sociétés" dont surtout la "Compagnie financiere internationale privée" ou Cofip, située à Louveciennes. L’homme est un investisseur. tous azimuths. Un exemple de son activité : quand Partouche (casinos) rachète Didot-Bottin (le groupe, dont les fameux "bottins"), c’est via l’entremise de la Cofip, comme fonds d’investissement. Bref tout ce beau linge, qui en général penche plutôt à gauche qu’à droite, était à l’affût d’une amélioration des conditions de sécurité en Colombie. Histoire de ne plus voir sauter les puits sous les attaques répétées des Farcs, comme ça a été souvent le cas ces derniers temps.

La libération d’Ingrid, et la fin prochaine des Farcs, c’est un peu aussi pour eux la libération des puits de pétrole... on comprend mieux le silence radio complet d’un Fabius sur le sujet d’Ingrid Bétancourt. Non ? Si vous en voulez la preuve, il suffit d’écouter son enthousiasme délirant à l’annonce de la liberté retrouvée d’Ingrid. Saisissant de ferveur et de joie indescriptible, ce communiqué, non ? Pour son repentir du Rainbow Warrior, on l’avait senti plus... concerné. Dans les agents de la DGSE, "ayant agi sur ordre", rappelons-le, un des frères de l’autre candidate à la présidence française. Ah, s’il nous avait annoncé de la même façon la libération de Bétancourt...



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