Sainte-Sophie nationalisée par les mahométans
par L’apostilleur
vendredi 17 juillet 2020
567 ans après la première occupation de l’édifice chrétien les mahométans occupent à nouveau le joyau byzantin.
Cette décision islamique opposée aux valeurs laïques occidentales, doit s’entendre comme la décision d’un parti politico-religieux au pouvoir sans partage. Ibn Khaldoun (XIVe s.) rappelait que les dirigeants musulmans sont le choix de Dieu, leur décision s’impose au-delà de toute autre considération, c’est l’expression de la charia (loi islamique), et cette croyance perdure chez des musulmans encore.
L’islam se confond avec la nation en Turquie comme partout ailleurs.
En 1924, Mustafa Kemal bouscule ce paradigme et impose des changements radicaux.
Promoteur de la « raison et de la science », il importe les valeurs occidentales et lutte contre celles du sultan Abdülmecit II et de son pouvoir religieux (en qualité de dernier calife) qui maintenait son pays à l’écart des bénéfices de la modernisation rapide en Europe. Il le déposera.
Les turcs renouent aujourd’hui avec ce mode de gouvernement théocratique disparu un temps avec Mustafa Kemal qui avait rapproché la Turquie, ses femmes et ses hommes de l’Occident.
C’est cette page d’ouverture dans son pays et vers les autres, que tourne Erdogan avec les turcs nostalgiques d’avant Mustafa Kemal (Atatürk le « Père des Turcs »).
Ailleurs, la basilique aurait été confiée à une communauté religieuse ou à un service culturel. La Turquie musulmane a nationalisé Sainte-Sophie comme une banque ou une entreprise. La religion essence du pouvoir, est intriquée dans la vie des peuples musulmans, les non croyants peuvent toujours aller voir ailleurs dans le meilleur des cas.
Se faisant, Erdogan ne changera rien aux racines chrétiennes de la magistrale œuvre architecturale de l’empereur romain Justinien qui ne pourront jamais s'effacer, malgré les minarets signes d'un accaparement postérieur par les envahisseurs, descendants de la tribu des Osmani d’Anatolie et plus avant d’Asie centrale.
Quel besoin pour l’état Turc, si ce n’est de souligner son indigence, de recycler un « monument d’occasion » plutôt que d’imiter les Emirats arabes unis avec leur nouvelle mosquée flamboyante « Marie mère de Jésus » ?
Le trésor patrimoine de l’Humanité, que représente certaines mosaïques de l’aube du moyen-âge, a été conservé sans le vouloir, par les musulmans qui dès la première occupation ont recouvert d’une couche de chaux les représentations d’êtres vivants, parures intérieures du monument. Les musulmans ayant emprunté aux juifs cette pratique ancienne.
Que ceux qui ne les ont pas vues se dépêchent s’ils veulent contempler cette admirable expression artistique qui par cette nouvelle occupation, sera cachée (ponctuellement ?) en attendant un jour, une décision inverse.
Ceux qui voient pour Erdogan à travers cette islamisation du monument, le moyen de masquer ses difficultés politiques avec les défaites électorales pour son parti dans de grandes villes, négligent l’essence islamique de ses décisions. Les nombreuses manifestations religieuses et historiques expriment la volonté de redonner à l’islam, outil de domination des peuples, son rang perdu de dominateur de la méditerranée. Un manifestant fou de joie (ou de dieu), éructait devant la basilique retombée entre les mains islamistes, son sentiment révélateur d’une intention jamais éteinte depuis quatorze siècle ; « Sainte-Sophie devenant mosquée, c’est l’islamisation de la chrétienté ».
Pour comprendre ces comportements d’un autre temps, quelques pas en arrière nous éclairent. Restés à deux reprises au pied des remparts de Vienne, les turcs n’ont jamais réussi à dominer l’Occident chrétien qu’ils convoitaient. Seule trace de leur passage, le croissant devenu viennoiserie. Depuis l’effondrement de leur empire, les affronts se sont succédés jusqu’au dernier qui leur a fermé l’accès à la communauté européenne, après que leur ait été remis en 1991 à Bursa le "Prix de l'Europe décerné aux villes qui ont réalisé des efforts exceptionnels pour propager l'idéal d'unité européenne".
Les Ottomans, encartés dans un islam rigoriste et dépassé, avaient perdu la superbe de leur domination passé pour de nombreuses raisons religieuses. Mohamed Arkoun entouré de spécialistes, les exposent dans son excellent livre « L’histoire de l’islam et des musulmans en France, du moyen-âge à nos jours ». Il y explique les frustrations des musulmans qui ont vu se développer une domination occidentale et chrétienne, pendant que les retards s’accumulaient pour des raisons dogmatiques en terre d’Islam ; refus d’utiliser les gréements plus performants des voiliers chrétiens avec les conséquences commerciales inhérentes, refus d’utiliser l’imprimerie au motif que l’invention émanait d’un chrétien, contrôle des développements scientifiques dans les médersas du Maghreb par les janissaires Ottomans...
Erdogan qui n’a pas les moyens de ses ambitions conserve un pouvoir de nuisances et se cantonne à des mesquineries ou à une pratique courante musulmane ancienne ; la guerre au motif d’un jihad qui n’a plus sa place dans les temps modernes.
Sainte-Sophie est aussi victime d’un Occident qui n’a pas toujours été charitable avec sa famille d’Orient. Après avoir laissé tomber les chrétiens en 1453 face à l’envahisseur Turc, les catholiques ignoreront-ils encore le sort de la Basilique en laissant seul le Pape se dire « affligé » ?
Inspirée de celle des musulmans de Cordoue qui ont demandé à prier dans la mosquée cathédrale, la même proposition pourrait être adressée aux musulmans d’Istanbul ; accepteraient-ils que la messe soit dite dans la basilique mosquée de Sainte Sophie ?