Sakineh : le mensonge éhonté d’Ahmadinejad

par Daniel Salvatore Schiffer
mardi 21 septembre 2010

C’est à un mensonge d’une rare impudence, aussi effarant que risible si ce n’était son aspect tragique, auquel vient de se livrer, devant les caméras de la télévision américaine ABC, le Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, lorsqu’il y affirme, avec un aplomb défiant tout cynisme, que Sakineh Mohammadi-Ashtiani n’a jamais été condamnée à la lapidation et que, pire encore, tout cette affaire n’était, en fin de compte, qu’un montage orchestré par les médias occidentaux, eux-mêmes sous la coupe du Gouvernement de Washington.
 

Quelques précisions donc, en tant que promoteur de la « lettre ouverte aux autorités iraniennes », en défense de Sakineh, que j’ai fait publier, soutenue par quelques-uns des plus grands intellectuels français et italiens, auxquels se sont ajoutés sept prix Nobel, dans les principaux journaux d’Europe. Avec, comme résultat, près de 150.000 signatures en moins de quatre semaines !

1 . Les critiques que j’ai adressées ces mois derniers, dans la presse européenne, au Président Barack Obama, en raison de son silence face à bien d’autres dossiers internationaux où les droits de l’homme se voient niés (tel, par exemple, le cas du dissident chinois Liu Xiaobo), ne peuvent guère me faire soupçonner, en ce qui me concerne, d’une quelconque complicité, ou même accointance, avec le Gouvernement américain.
2 . Je ne me souviens pas avoir beaucoup entendu, hélas pour les progrès de la démocratie en cette région du monde, ce même Barack Obama, ni sa Secrétaire aux Affaires Etrangères, Hilary Clinton, se préoccuper, du moins publiquement, du sort de la pauvre Sakineh, pas plus d’ailleurs de celui d’autres hommes et femmes, en Iran, dont la vie se voit menacée, la liberté bafouée ou la dignité outragée. Les seules personnes auxquelles Obama et Clinton se soient véritablement intéressées, ces derniers temps, sont des ressortissants américains ayant été arrêtés, au beau milieu d’un voyage touristique, pour de prétendues affaires d’espionnage. Probablement la Maison Blanche préfère-t-elle concentrer ses négociations diplomatiques avec l’Iran, au mépris des droits humains, sur le seul dossier, grave et préoccupant il est vrai, nucléaire : calculs géostratégiques, doublés d’intérêts économiques, obligent !
3 . Ce sont des personnes dont la crédibilité intellectuelle tout autant que l’autorité morale ne sont guère contestables - Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, et Karim Lahidji, président de la Ligue de Défense des Droits de l’Homme en Iran (LDDHI) et Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) - qui m’ont confirmé, lorsque je les ai rencontrées à Bruxelles, ce 9 septembre 2010, l’existence de cette menace de lapidation, châtiment aussi inique que barbare, pesant, effectivement, sur Sakineh (totalement « innocente », ont-elles tenu à répéter), comme, du reste, sur vingt-trois autres personnes (dix-neuf femmes et quatre hommes, dont le jeune homosexuel Ebrahim Hamidi) dans les geôles de Téhéran.
4. Pis : tant Shirin Ebadi que Karim Lahidji, parfaits connaisseurs des rouages et autres arguties de la justice actuellement en vigueur dans leur pays, où c’est la charia (une pseudo loi coranique) qui se voit appliquée, m’ont affirmé que seul le guide suprême et chef spirituel de la « révolution » en République islamique d’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, pouvait gracier, désormais, Sakineh !
5. Ce sont huit-cents prisonniers politiques, dont plusieurs dizaines sont eux aussi condamnés à mort (par pendaison, sentence à peine plus enviable), qui sont tout aussi injustement privés de leur liberté et tout aussi arbitrairement enfermés, en attendant un tout aussi abominable sort, dans les prisons d’Iran.
6. Ainsi, bien plus encore que le Gouvernement américain, est-ce Ban Ki-moon, le Secrétaire Général de l’ONU elle-même, sur la tribune de laquelle ce même Ahmadinejad va très bientôt s’exprimer en toute impunité, ces 23 et 24 septembre 2010, qui devrait très sévèrement le rappeler à l’ordre, pour ces constantes et terribles atteintes aux droits de l’homme et de la femme en Iran, au lieu de se faire béatement photographier avec lui, un hypocrite sourire aux lèvres et une honteuse poignée de main en guise de bienvenue, devant les caméras du monde entier.
7. Une bonne nouvelle semble néanmoins, par-delà cette polémique, transparaître dans ces ultimes déclarations du Président iranien : le fait que Sakineh, quant à elle, sera très probablement, au vu de ce signal fort qu’il vient d’envoyer ainsi à la communauté internationale, épargnée. C’est, du moins, à espérer très sincèrement, et pareille perspective nous réjouit, certes, au plus haut point. C’est, au fond, tout ce qui compte - sauver cette femme d’une mort atroce - en cette abominable et sordide affaire !

Mais si, d’aventure, la mise au point formulée ici par ma modeste personne ne s’avérait pas suffisante aux yeux du président Mahmoud Ahmadinejad, comme à ceux de l’ayatollah Ali Khamenei, qu’ils veuillent bien alors prendre en considération, afin de mieux se convaincre de la justesse de mes propos, la liste des noms, ô combien prestigieux de par leur titre et fonction, ayant adhéré, en le signant, à cet appel, précisément, qui leur a ainsi été adressé dernièrement en faveur de Sakineh, sous forme de « lettre ouverte aux autorités iraniennes » donc, dans le meilleur de la presse internationale :

Marc Bressant (écrivain, Grand Prix du Roman de l’Académie Française)
Anne Delvaux (députée européenne)

Nadine Dewit (peintre, sculpteur, photographe)

Isabelle Durant (Vice-Présidente du Parlement Européen)
Luc Ferry (philosophe, ancien Ministre français de l’Education Nationale)
Dario Fo (écrivain, dramaturge, prix Nobel de littérature)
Viviane Forrester (écrivain)
Caroline Fourest (essayiste)
Max Gallo (historien, écrivain, membre de l’Académie Française)
Marek Halter (écrivain)
Alexandre Jardin (écrivain)
Julia Kristeva (psychanalyste, écrivain)
Fadila Laanan (Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de
l’Egalité des Chances au Gouvernement de la Communauté française de
Belgique)
Karim Lahidji (Président de la Ligue de Défense des Droits de l’Homme en Iran
(LDDHI) et Vice-Président de la Fédération Internationale des Ligues des Droits
de l’Homme (FIDH).
Karine Lalieux (Députée fédérale de Belgique et Echevine adjointe au Maire de
la Ville de Bruxelles)
Frédéric Mitterrand (Ministre français de la Culture et de la Communication)
Edgar Morin (sociologue, philosophe)
Laurent Mosar (Président de la Chambre des Députés du Grand Duché du
Luxembourg)
Gilles Perrault (écrivain)
Michelle Perrot (historienne, Professeur émérite des Universités)
Nicolas Rey (écrivain)
Elisabeth Roudinesco (historienne, Université de Paris VII)
Daniel Salvatore Schiffer (philosophe, écrivain)
Roberto Saviano (écrivain)
Michel Serres (philosophe, membre de l’Académie Française)
Gilbert Sinoué (écrivain)
Marc Tarabella (député européen)
Freddy Thielemans (Maire de la Ville de Bruxelles)
Alain Touraine (sociologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)
Michel Wieviorka (sociologue, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales)

A cet appel se sont associés, à travers la prestigieuse fondation « Science for Peace » du professeur Umberto Veronesi, quatorze autres personnalités de tout premier plan, dont six prix Nobel (ce qui porte au chiffre de sept les prix Nobel signataires) :

Jacques Bernier (fondateur de l’Industrial Innovation Center de Montréal)
Ingrid Betancourt (ancien otage des FARC, en Colombie)
John Broome (philosophe, économiste)
Claude Cohen-Tannoudji (prix Nobel de physique)

Renato Dulbecco (prix Nobel de médecine)
Shirin Ebadi (prix Nobel de la paix)
Umberto Eco (écrivain, sémiologue)
Rita El Khayat (écrivain, anthropologue, psychanalyste)
Gerhard Ertl (prix Nobel de chimie)
Rita Levi-Montalcini (prix Nobel de médecine)
Luc Montagnier (prix Nobel de médecine)
Marcelo Sanchez Sorondo (Secrétaire de l’Académie Pontificale des Sciences)
Umberto Veronesi (médecin, chirurgien, fondateur et directeur de la
fondation « Science for Peace »)
Harald Zur Hausen (directeur de l’International Journal of Cancer)

DANIEL SALVATORE SCHIFFER

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