Sarko au pays des Soviets

par Caleb Irri
lundi 6 février 2012

Après avoir vu les images du président entouré de tous ces ouvriers, après avoir entendu ces paroles de soutien de leur part envers le « presque-déjà-futur » candidat, j’ai appris cette étrange nouvelle : certains seraient en réalité des figurants…. Quelle pitié !

Cela m’a immédiatement remis en tête un album d’Hergé, « Tintin au pays des Soviets ». Vous savez, celui où Tintin va visiter l’URSS pour constater la production sensationnelle des travailleurs russes, et qui derrière l’apparente façade de prospérité, de joie au travail, de « soutien au régime », découvre la piteuse réalité : les usines sont des décors, les travailleurs sont des acteurs, et tout est faux, tout est mascarade, poudre aux yeux. Voilà tout ce à quoi est aujourd’hui réduit le président de la République française, en 2012.

Réduit à devoir appeler les copains pour sauver 90 emplois quand près d’un million ont été détruits en à peine 5 ans, réduit à accoler l’adjectif « social » à une augmentation des impôts qu’il avait pourtant promis de ne pas toucher, réduit à aller serrer des mains à des « cons qui se lèvent tôt », réduit enfin à devoir se présenter à une élection qui si elle ne le ridiculise pas plus encore, le fera toucher des sommets dans le palmarès des dirigeants les plus néfastes de l’Histoire de France, voilà ce qui reste donc du chef de l’Etat 5 ans après. C’est qu’il n’a peut-être lui-même pas envie d’y retourner, comme pourraient le faire penser certains de ses commentaires. Mais a-t-il vraiment le choix ?

Certes on pourrait comprendre, à la manière dont tous les juges d’instruction « gênants » sont systématiquement écartés, à la tournure que prend l’affaire « Woerth-Bettencourt » qui suggère l’illégalité du financement de sa campagne de 2007, à celle que prend l’affaire « Karachi« , que le président veuille profiter encore un peu de son statut « d’intouchable » (il est inattaquable tant qu’il reste au pouvoir), mais ce serait filer trop loin la métaphore avec mon album de Tintin : nous sommes encore en démocratie, non ?

Les dictateurs eux, sont à la tête d’appareils politiques qui votent sans réfléchir les lois qu’on leur propose, qui favorisent une petite caste de personnes qui les soutient dans les coups durs, empêchent les autres partis de se présenter à des élections, contrôlent les médias et font taire leurs opposants, nomment eux-mêmes les chefs de la police et restreignent les droits des citoyens… rien de comparable avec ce qui se passe en France, vous pouvez le constater par vous-mêmes.

Après, il est bien normal qu’embarrassé par des soupçons de corruption, le président se protège des « complots » qui sont montés contre lui : si les manifestations qui lui sont hostiles sont interdites lors de ses déplacements publics, c’est pour la sécurité de l’Etat. Si la police enquête sur les conversations téléphoniques des journalistes c’est pour la transparence, et si le gouvernement décide de rendre le travail obligatoire pour les « assistés » à qui l’Etat fournit une formation, c’est pour le bien commun.
Et puis quoi, c’est la crise après tout ! Ce n’est quand même pas la même chose qu’une dictature, la crise, c’est plutôt l’état d’urgence, l’union nationale, il faut que tout le monde fasse des efforts ! Pas les députés ni les sénateurs, pas l’Etat dont le train de vie augmente sans arrêt, non, ils sont déjà si endettés, et ils ont tant de responsabilités…

On est en démocratie on vous dit, vous ne trouverez pas dans les garages de l’Elysée des liasses de billets, des lingots d’or ou des des voitures de collection comme en Libye ou en Egypte, ici nous sommes civilisés ; tout au plus trouverez-vous un avion présidentiel en assez bon état, quelques cartes de fidélité chez tel ou tel patron du CAC 40, mais rien de bien répréhensible… Ce sont les dictateurs qui craignent qu’on découvre leurs malversations et qui cachent les richesses qu’ils ont volé au peuple, pas de ça chez nous ! La transparence de l’Etat, c’est le maître mot ici. Bien sûr le secret-défense oblige à quelques petits arrangements, mais dans l’ensemble la démocratie fonctionne. Ce n’est pas comme si le candidat d’un parti politique représentant près de 20% de la population ne pouvait pas se présenter aux élections, ce n’est pas comme si les manifestants et les opposants étaient fichés avec leur ADN ou qu’on exigeait des grévistes qu’ils donnent à la fois leur nom et leur prénom avant d’aller manifester, qu’on impose au peuple des décisions sans les consulter ou qu’on profite de l’argent de l’etat pour financer sa campagne

On l’a bien vu lors du printemps arabe, ou même tout au long de l’histoire : la plupart des dictateurs ne s’accrochent au pouvoir que lorsqu’ils ont quelque chose à se reprocher, ce qui les entraîne naturellement à restreindre toute contestation, à tricher, mentir pour se maintenir, à inventer dans une course folle d’autres mensonges de plus en plus gros pour protéger les précédents, à trouver des stratagèmes légaux pour camoufler la vérité… Rien à voir avec la « patrie des droits de l’homme », n’est-ce pas ? Imaginons un instant qu’on accuse le président d’être mêlé de près ou de loin à des activités illégales, et que le peuple soit mis au courant de ces dernières… croyez-vous « franchement » qu’il empêcherait à tout prix la vérité d’éclater ? Croyez-vous « franchement » qu’il se représenterait à des élections qu’il serait sûr de perdre ?

Non bien sûr, car il faut ici rappeler que les dictateurs ne se présentent qu’à des élections qu’ils sont certains de pouvoir remporter, et tout porte à croire qu’en l’occurrence monsieur Sarkozy est loin de pouvoir prétendre sérieusement à sa réélection. S’il se présente, ce n’est pas pour lui, il serait bien mieux loti dans le privé, et s’il se présente ce n’est que pour le bien de son peuple, comme le prouve son bilan : « Sarko aux pays des Soviets » c’est de la science-fiction, et il faudrait certainement faire enfermer ceux qui osent de telles comparaisons, non ?

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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