Sarkozy dans le piège des islamistes

par LOmiG
vendredi 7 décembre 2007

Sarkozy tombe dans le piège sémantique tendu depuis longtemps par les islamistes. En mettant au même niveau, dans son discours en Algérie, islamophobie et antisémitisme, il rentre dans le jeu des intégristes qui veulent rendre illégitime la critique du dogme religieux. La Licra s’en émeut à juste titre, et rappelle les arguments déjà mis en avant par Redeker, et bien d’autres.

Nicolas Sarkozy était en visite officielle en Algérie. Le parcours est toujours difficile, politiquement, dans une ancienne colonie. Surtout quand un des ministres algériens (en l’occurence Mohamed Cherif Abbés ministre des Moudjahiddines) jette de l’huile sur le feu avant la visite. Les propos de Sarkozy sur la colonisation “profondément injuste” n’ont pas forcément fait plaisir à tout le monde, alors imaginez qu’il se mette à parler de l’islam !

Sarkozy l’a fait, dans un discours devant les patrons algériens et français, où il a prononcé la phrase suivante, qui paraît au premier abord pleine de bons sentiments, et de “politiquement correct”.

En France comme en Algérie, nous devons combattre avec une détermination sans faille toute expression de racisme, toute forme d’islamophobie, toute forme d’antisémitisme. Quand on menace un Arabe, un musulman ou un juif en France, on menace la République. Le racisme, l’islamophobie, l’antisémitisme ne s’expliquent pas, ils se combattent. Ce qui vaut pour la France vaut partout ailleurs dans le monde. Il n‘y a rien de plus semblable à un antisémite qu’un islamophobe. Tous deux ont le même visage, celui de la bêtise et celui de la haine.

J’avais tiqué en entendant cela à la télévision, l’autre soir. L’islamophobie, au même niveau que l’antisémitisme... ? Il me semblait pourtant que l’un désigne la critique d’une idéologie, tandis que l’autre désigne la haine d’un peuple, ou d’individus. Mais c’est tellement usuel, de nos jours, de confondre arabophobie et islamophobie...

C’est Zorro - auteur de deux articles sur Expression libre - qui m’a transmis l’info : la Licra s’est ému de ce glissement sémantique dans un communiqué de presse adressé à Sarkozy :

Le piège de l’islamophobie

Dans un courrier adressé ce jour au président de la République, la Licra s’étonne de l’utilisation du mot islamophobie dans son discours d’Alger. En effet, au plus haut niveau de l’Etat, il semblerait que l’on soit tombé dans le piège sémantique du concept d’islamophobie inventé de toutes pièces par les intégristes islamiques iraniens. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a ainsi dans son discours d’Alger amalgamé racisme, antisémitisme et islamophobie. Le racisme et l’antisémitisme concernent des individus discriminés en raison de leur origine réelle ou supposée. Or sous ce nom d’islamophobie ce qui est visé c’est bien souvent le droit légitime de commenter, de critiquer un dogme religieux au nom de la liberté d’expression, chèrement acquise par les Lumières et la révolution française. Ceci ne saurait être assimilé à une forme de racisme comme prétendent nous l’imposer les obscurantistes religieux chaque fois qu’ils le peuvent dans toutes les instances internationales. Il existe bel et bien un racisme antimusulman et anti-arabe ; il doit être sans complaisance poursuivi comme tel. Le droit au blasphème ou la caricature religieuse visés par le concept d’islamophobie ne peut être amalgamé à une forme quelconque de racisme sauf à condamner Salman Rushdie, Taslima Nasreen, Michel Houellebecq, Philippe Val ou encore Robert Redeker.

Robert Redeker, justement, l’avait déjà souligné dans un bel article : le terme “islamophobie” est une arme des islamistes contre la laïcité.

Il n’est pas innocent que le vocable d’ “islamophobie” ait été forgé initialement (dans les années 1970) par des islamistes radicaux s’attaquant aux féministes.
La guerre contre les femmes est le berceau de ce terme ; ainsi, Kate Millet, célèbre militante du mouvement de l’émancipation féminine, fut violemment insultée puis traitée d’islamophobe pour avoir incité les Iraniennes au refus de porter le voile.
C’est à nouveau autour de la question de l’apartheid des femmes - foulard à l’école, dans des institutions, dans la rue, autoségrégation dans des piscines - que se concentre la crispation, et que l’accusation d’islamophobie menace quiconque s’élève contre la tentative d’officialisation de cet apartheid.
Dans les années 1990, le terme d’ “islamophobie” a été diffusé plus largement par les islamistes londoniens dans le cadre des campagnes anti-Rushdie. L’écrivain et les défenseurs de la liberté de penser et de publier se trouvaient accusés du crime d’islamophobie tout en étant menacés de mort.
Le concept d’ “islamophobie” est originairement une arme forgée par les islamistes dans le but d’imposer leur vision totalitaire du monde. Il plonge ses racines dans le plus sordide obscurantisme.
Au départ “islamophobie” était donc un mot de combat - et chacun se souvient de la formule du poète révolutionnaire Maïakovski, “les mots sont des balles” !
En le réutilisant naïvement, de sincères amis de la liberté se placent sur le terrain de ses adversaires.
Peut-on, comme le souhaitent les islamistes, identifier l’islamophobie avec un racisme et l’équivaloir avec l’antisémitisme ?
L’amalagame entre l’islamophobie et le racisme est destiné à se retourner contre toute critique de la religion, si importante dans notre culture depuis Bayle et Voltaire, si importante aussi dans l’élaboration de l’idée républicaine.
Est-il “raciste” de refuser les exactions qui se pratiquent, de la Mauritanie jusqu’au Pakistan, au nom de l’islam ? De refuser la charia, les lapidations, les mutilations, l’esclavage (encore vivace dans des sociétés musulmanes), la criminalisation de l’homosexualité, le statut inférieur des femmes, etc. ?
Est-il raciste de rappeler que dans aucun pays musulman les droits de l’homme ne sont à l’honneur, pas plus d’ailleurs que la démocratie ?
Est-il raciste d’estimer que des centaines de millions d’êtres humains vivent quotidiennement sous le joug imposé par cette religion ?
Est-il raciste de s’inquiéter des exigences dans notre société d’une religion qui a aussi peu fait la preuve de sa capacité à intérioriser les valeurs issues des Lumières ?
Est-il raciste de se poser la question : un islam à visage humain est-il possible, comme on se demandait naguère si un socialisme à visage humain est possible ?

Il n’y a pas grand-chose à rajouter à ces interrogations légitimes, et justes. Peut-être aller lire le beau texte de Jean-Pierre Chemla & Pierre Lefebvre, sur Primo-Europe ? Et souligner que si Sarkozy est entré dans ce jeu pour des raisons bassement diplomatiques - on l’espère -, il serait bon de ne pas laisser la dérive sémantique être le signe d’un manque de vigilance.


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