La presse en veut à Bayrou car il l’a si longtemps et si publiquement attaquée qu’elle n’a plus aucun recul avec lui. Elle, en plus d’être pour des raisons alimentaires, de lâcheté, de paresse, ou d’opinion personnelle, dans sa grande majorité, a décidé une fois pour toute que Bayrou était une girouette, un fossoyeur de parti et interprète tout à l’aune de ses propres croyances sans même se référer aux faits.
Voici un
article qui en est le symptôme absolu. Il est écrit par un certain Samuel Laurent dans le
Monde. Ce pseudo journaliste - et vous allez voir pourquoi - synthétise trois faits pour en faire une théorie :
- le Modem a fait un très mauvais score aux régionales
- Bayrou a rencontré Sarkozy le 22 avril dernier
-
Libération sort une
brève qui dit ceci :
POLITIQUES 02/06/2010 À 00H00 (MISE À JOUR À 11H45)
Bayrou veut se « recentrer » après sa déroute aux régionales
Lors d’un tête-à-tête, il y a une dizaine de jours, François Bayrou, président du Modem, a confié à Pierre Méhaignerie, patron des centristes de l’UMP, son intention de se « recentrer » après son échec aux régionales de mars. Il lui a également glissé qu’il serait prêt à se rallier à une future majorité à condition que le candidat à l’Elysée inscrive, dans ses promesses électorales, l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les prochains scrutins et notamment les législatives de 2012.
Qui est Méhaignerie ? Un des vice-présidents de l’Union des Menteurs Pathologiques. On peut se poser la question de savoir si l’information est fiable et si elle l’est si Méhaignerie ne ment pas.
Quel est le contexte actuel ?
1- Sarkozy est bas dans les sondages
2- le PS se radicalise à gauche, mordant sur la gauche de la gauche et perdant au centre
3- Europe Ecologie avec Cécile Duflot ne décolle pas vraiment (je parle de la présidentielle, non du score du mouvement)
4- DSK, de loin, considéré comme une homme « de gauche de droite » monte dans les sondages
5- une troisième voie est recherchée par les électeurs comme l’ont démontré les enquêtes d’opinions avec un électorat volatile
6- le plus important, les déclarations de Bayrou pour les présidentielles : déficit entre autres, comme des prophéties, alors que tout le monde se moquait de lui, apparaissent comme des vérités intangibles. Il avait raison.
Dans ce contexte, alors qu’il y a une semaine à peine Dominique Paillé traitait Bayrou d’illuminé soit plus d’un mois après la visite de Bayrou à l’Elysée, le ton change du tout au tout (Le même Monde mais cette fois-ci non avec des supputations mais des déclarations officielles) : Quant au ton employé à l’UMP pour évoquer le patron du MoDem, il a changé du tout au tout. Le président du groupe UMP au Sénat, Gérard Longuet, explique ainsi dans France-Soir que François Bayrou "a le profil légitime du candidat centriste".
Invitée de RMC et BFM TV, mercredi 2 juin, Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille, a ajouté que François Bayrou faisait "partie de la famille politique de la droite". Une famille où l’on a "le pardon facile à l’égard du pécheur", renchérit Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP. Bref, il semble maintenant loin, le temps pourtant récent où le même Dominique Paillé traitait François Bayrou "d’illuminé" au même titre que Ségolène Royal.
Quel est l’intérêt de Sarkozy ? : récupérer des voix au centre, les voix que tous les groupuscules depuis 3 ans sont incapables de lui rapporter (NC, Arthuis et autres calembredaines). Il joue sur du velours avec le caractère de Bayrou et ce que sont les journalistes. Ils ont là une pépite à faire briller : Bayrou, fatigué de son long chemin de solitude (ses cents ans comme écrirait l’autre), assoiffé de pouvoir, girouette éternelle, va aller à la soupe se masquant derrière l’obtention d’une proportionnelle. Qu’importe qu’il ait à plusieurs reprise refusé des postes. Ce qui compte c’est que la réalité colle aux pensées des journalistes et s’il faut pour cela tordre la vérité, ils vont la tordre.
Ce qui me mets moi en colère, c’est qu’il y a quelque temps j’avais écrit un article décrivant exactement ce qui se passe : une incapacité à réagir avec la presse, une incapacité à lutter contre les légendes destructrices car il s’agit bien d’une légende.
Pourquoi ce journaliste devrait-il avoir des problèmes avec une commission de déontologie s’il y en avait une ? Parce qu’il ne fait pas son métier. Son métier est, en priorité de recouper les informations et si celles-ci vont dans le sens contraire de ce qu’il imaginait, il se doit de le dire. Or voici ce qu’écrit ce mauvais journaliste :
L’ex-candidat à la présidentielle aurait expliqué au député d’Ille-et-Vilaine sa volonté de se "recentrer". Comprendre : retourner à ses origines politiques, le centre droit.
[…]
Force est de constater qu’après avoir tenu un discours très hostile à l’encontre du chef de l’Etat, François Bayrou opère un virage vers le centre qui pourrait bien se terminer au sein de la majorité. Dans son livre Abus de pouvoir, paru il y a à peine plus d’un an, François Bayrou n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer le "modèle de société bushiste" de Nicolas Sarkozy, son absence de "valeurs" ou les "dérives inégalitaires" qu’il accusait le chef de l’Etat d’entretenir.
MORANO : "BAYROU FAIT PARTIE DE LA FAMILLE DE DROITE"
A l’époque, le patron du Mouvement démocrate disait vouloir "entrer en résistance". Les deux échecs successifs des élections européennes et régionales ont sonné le glas de cette posture. Tombé de 18,57 % au premier tour de 2007 à 4,20 % lors du dernier scrutin, le MoDem est en perdition et son chef aux abois. Sa tentative de prendre des électeurs à gauche ayant échoué, il tenterait désormais de revenir vers sa famille d’origine.
L’UMP et l’Elysée l’ont bien compris. Et ont également changé de discours. Nicolas Sarkozy a reçu François Bayrou à l’Elysée le 22 avril pour lui proposer de revenir dans le giron de la majorité.
Tout d’abord vous remarquerez que pour ce journaliste, puisqu’il faut que les faits correspondent à sa théorie, nous déclare tout benoîtement que se recentrer cela ne veut pas dire se recentrer, en d’autres mots retrouver sa place au centre (et cela bien que depuis 1999 la position de Bayrou n’ait pas changé : être indépendant et au centre), mais cela veut dire passer à droite, à la droite du centre ! Qui dit mieux. Mais la félonie de ce journaliste ne s’arrête pas là. Non seulement il ne vérifie pas l’information et propage une rumeur mais il poursuit son article par ces deux supputations qui sont presque des affirmations :
- Force est de constater qu’après avoir tenu un discours très hostile à l’encontre du chef de l’Etat, François Bayrou opère un virage vers le centre qui pourrait bien se terminer au sein de la majorité.
- Sa tentative de prendre des électeurs à gauche ayant échoué, il tenterait désormais de revenir vers sa famille d’origine.
Je vais revenir à ces deux affirmations avec des preuves du contraire. Lisez ceci : Une information démentie par l’intéressé dans les commentaires du site – il a confirmé auprès du site d’information Mediapart qu’il s’agissait bien de lui.
n’importe quoi
j’ai lu cet "écho". Il n’y a qu’un commentaire qui me vient : c’est n’importe quoi ! Est-ce que le rédacteur n’aurait pas pu me passer un coup de fil pour voir si tout cela avait la moindre crédibilité ? Parfois le téléphone peut servir pour échapper à l’intox... Amitiés. François Bayrou
et comme dit c’est confirmé par
Médiapart que c’est bien Bayrou lui-même qui a fait ce démenti.
Là où c’est très grave, c’est que non seulement ce journaliste ne fait pas son métier, c’est-à-dire qu’il ne prend pas la peine de vérifier l’information auprès de Bayrou lui-même - contrôler son information est une nécessité journalistique et de déontologie dans tous métiers et d’honnêteté intellectuelle dans tous les jours de sa vie personnelle - mais malgré ce démenti et l’article de Médiapart qui est complet qui prouve le contraire, le sien d’article se résume à Bayrou va trahir et se retrouver au pouvoir. Dans n’importe quel autre métier ce serait considéré comme une faute professionnelle lourde avec licenciement à la clé. Voici ce que dit Médiapart :
« Cet écho n’a ni queue ni tête ! ». Contactée par Mediapart, la numéro deux du MoDem, Marielle de Sarnez, dément les propos prêtés à François Bayrou par Pierre Méhaignerie, patron des centristes de l’UMP. Lors d’un tête-à-tête, il y a une dizaine de jours, le président du Modem aurait, selon Libération, confié au député UMP son intention de se « recentrer » après son échec aux régionales de mars. Et lui aurait glissé qu’il serait prêt à se rallier à une future majorité à condition que le candidat à l’Elysée inscrive, dans ses promesses électorales, l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les prochains scrutins et notamment les législatives de 2012.
16h30, coup de fil du MoDem. « François Bayrou a posté un commentaire sur le site de Libération », nous dit-on. Effectivement, pas de communiqué, mais un commentaire d’un certain « bayrou » intitulé « n’importe quoi » :
Agacée, la numéro deux du MoDem nous explique : « François Bayrou a croisé Pierre Méhaignerie cinq secondes dans la salle des quatre colonnes. Il lui a dit que le mode de scrutin territorial allait renforcer le bipartisme ». « Tu vois bien que les centristes n’ont pas de poids dans la majorité ! », lui aurait également lancé le président du MoDem, selon Marielle de Sarnez.
« Pas de commentaire », nous répond Pierre Méhaignerie, sollicité mercredi après-midi. Le député UMP évoque tout de même « d’autres discussions » avec le leader du MoDem, et maintient tacitement sa version. « J’avais essayé cette collaboration avec Rocard, ce n’était pas possible. Ce qui était vrai hier est vrai aujourd’hui. François Bayrou le sait. L’évolution de Martine Aubry et du Front de gauche rend impossible une collaboration avec le centre. J’ai simplement rappelé à François Bayrou notre histoire commune », dit-il.
Depuis un mois, la majorité multiplie ses appels du pied au MoDem. Le 5 mai, le vice-président de l’UMP, Jean-Pierre Raffarin avait été chargé de faire passer le message. « François Bayrou doit mesurer aujourd’hui que sa stratégie avec la gauche est dans une impasse, il doit réfléchir à un retour au sein d’une majorité présidentielle élargie », avait-il lancé. Le 22 avril, le chef de l’Etat, recevant le centriste à l’Elysée, s’était dit prêt à collaborer avec lui s’il changeait de tactique : « Tu t’es trompé de stratégie... la gauche ne peut pas faire alliance avec toi, sinon elle perd l’extrême gauche ». Aujourd’hui, c’est Gérard Longuet, le patron des sénateurs UMP, qui s’y colle, expliquant que Bayrou « a le profil légitime du candidat centriste : celui d’un homme qui n’est pas dans la majorité, mais qui ne peut pas accepter les excès socialistes. Le président de la République serait avisé d’en tenir compte ».
Un « recentrage » du centre ? L’idée fait sourire Marielle de Sarnez. « Mais nous sommes déjà au centre ! ». Et les mains tenues à la gauche depuis un an ? « On n’a pas tendu la main à gauche, nous discutons avec les socio-démocrates, avec qui nous n’avons pas tant de différences que ça. Quand DSK dit "la retraite ne peut pas rester à 60 ans", on est d’accord. Mais je ne crois pas que ce soit la ligne de la direction du PS ».
« On ne changera pas de ligne. L’Elysée a des arrière-pensées, pas nous ! », assure-t-elle. Le 30 mai, invité du Grand Jury sur RTL, Bayrou ne disait pas autre chose : « Je vois bien qu’un certain nombre de responsables dans la majorité peuvent avoir des arrière-pensées, simplement moi je n’ai pas d’arrière-pensées. Je suis sur ces sujets clair comme de l’eau de roche. J’ai choisi le chemin le plus difficle, j’ai dit non quand tout le monde applaudissait, je maintiens ce non sur la totalité des réserves que j’ai exprimées. »
« J’ai aussi la liberté de dire oui et je l’exerce », a-t-il nuancé, laissant planer le doute sur sa candidature de 2012 et se déclarant prêt à jouer un « rôle » au centre : « Le centre, c’est une famille politique (...) un jour elle se reconstituera parce qu’elle n’a pas le rôle qu’elle devrait avoir ».
Cette rencontre aurait eu lieu il y a dix jours selon Méhaignerie. Qui de fait, malgré les interprétations de Médiapart ne confirme rien, si ce n’est que l’UMP drague Bayrou. C’est tout. En effet que dit-il : J’avais essayé cette collaboration avec Rocard, ce n’était pas possible. Ce qui était vrai hier est vrai aujourd’hui. François Bayrou le sait. L’évolution de Martine Aubry et du Front de gauche rend impossible une collaboration avec le centre. J’ai simplement rappelé à François Bayrou notre histoire commune. En fait il dit que Bayrou aurait tort de s’obstiner mais non qu’il est demandeur. Une énorme différence.
Je vais en revenir aux preuves. Lors de cette entrevue du 30 mai, Bayrou a été très clair : Ca c’est public (le
Figaro) et cela date du 30 mai 2010 :
Le président du MoDem François Bayrou s’est déclaré aujourd’hui prêt à jouer un "rôle" au centre, et a laissé planer le doute sur sa candidature à la présidentielle de 2012.
"Le centre, c’est une famille politique", et "un jour elle se reconstituera parce qu’elle n’a pas le rôle qu’elle devrait avoir", a-t-il déclaré au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, promettant de mettre "toutes les forces au service de cette construction".
"Chaque fois que le président de la République [...] ou le premier ministre demandera à me voir pour parler de ces sujets je répondrai ’oui’", a-t-il dit. "
Chaque fois que les dirigeants du PS - et ça arrive sans que j’en fasse de la publicité - demanderont à me voir pour parler de ces sujets je répondrai ’oui’", a-t-il répété.
"Je considère que nous sommes co-responsables de l’avenir du pays et j’exerce cette responsabilité", a-t-il poursuivi, affirmant ne pas avoir d’"arrière-pensée".
et ça aussi c’est
public toujours du 30 mai 2010 :
Il en est persuadé : la crise, qui secoue la France et l’Europe, impose de prendre un « choix fondamental » de société. Et le répète : « La France a besoin d’un projet politique qui n’est pas celui qui est mené actuellement en France ni celui qui, hélas, se forme à gauche. »
En attendant, si le leader centriste estime la réforme des retraites nécessaire et se dit, au même titre que l’ensemble de la classe politique, « coresponsable » face à la crise et aux solutions à y apporter, il refuse toujours d’évoquer tout éventuel rapprochement avec les centristes de la majorité comme par exemple Jean-Louis Borloo, ou encore Hervé Morin. « Tout cela ferait reconstitution de ligue dissoute », observe avec ironie le président du MoDem .
François Bayrou n’en démord pas. Pour lui, « le centre doit être plus ouvert et plus indépendant », même s’il reconnaît, aujourd’hui, que sa famille politique « ne joue pas son rôle, parce que divisée et soumise ».
Donc ce journaliste avait à sa disposition d’autres faits, des déclarations postérieures à la rencontre avec Méhaignerie, mais il n’en tient pas compte. Il aurait pu, en plus de téléphoner à Bayrou chercher à analyser les faits et y regarder de plus près. Après cette réunion avec le vice-président de l’UMP, Dominique Paillé traite Bayrou d’illuminé. Après. Et tout d’un coup, tout bascule. Que fait-il par exemple de ceci que déclarait Bayrou le 30 mai en parlant de sa visite à l’Elysée et quand le journaliste lui a émis l’hypothèse de récupération possible par le pouvoir : « Je vois bien qu’un certain nombre de responsables dans la majorité peuvent avoir des arrière-pensées, » ? Rien semble-t-il. Cela aurait dû lui ouvrir les yeux. Ce journaliste, ayant entre les mains les déclarations complètement opposées à sa théorie, le revirement subit bien après la visite de Bayrou à l’Elysée qui date du 22 avril, aurait dû se gratter un peu la tête et se dire que quelque chose clochait. Il aurait pu évoquer dans son article l’idée d’une manœuvre pour piéger Bayrou. N’était-il pas au courant des faits de langage qui sont devenus la dernière mode à l’Elysée. ce fut le cas pour les régionales, ce fut le cas pour Royal (elle est folle), ce fut le cas récemment pour Aubry (comparer Sarkozy à Madoff alors que ce n’est pas le cas), ce fut le cas pour DSK (il ne se présentera pas) ? Et ce ne serait pas le cas pour Bayrou ? Et s’il met en doute la bonne foi de Bayrou, rien des propos de Méhaignerie de Médiapart ne prouve cette information de Libé, rien. Le minimum minimorum eut été d’écrire un article où la place du démenti de Bayrou fût plus importante, où la théorie du piège de Sarkozy fût évoquée comme possible.
Vignette, enluminure de la chanson de Roland : Ganelon