Sarkozy est-il président de la République ?

par Manuel Atreide
lundi 17 décembre 2007

Nous le savons donc depuis hier soir, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni ont une relation amoureuse. Pas de mystère, pas de cachotteries, ils s’affichent ensemble au parc Disneyland de Marne-la-Vallée. Mais est-ce une bonne nouvelle pour la démocratie française ?

Autant vous le dire tout de suite, je me moque éperdument de savoir qui est la personne que fréquente Nicolas Sarkozy. Je me moque tout aussi éperdument de savoir s’ils vont ensemble au parc Disneyland, à la fête à Neuneu, à l’opéra, au bal ou s’ils font gouzi gouzi dans une auberge de la côte normande. La vie privée de cet homme ne me regarde pas.

Mais il se trouve qu’il exerce en ce moment, et pour encore plus de 4 ans, les fonctions éminentes de président de la République. Le magistère suprême lui donne beaucoup de pouvoirs. Mais il implique aussi certaines responsabilités et, disons-le franchement, certaines restrictions sur la vie de l’homme. En particulier, il doit faire attention à ce que sa vie privée n’interfère pas trop avec l’exercice de son mandat.

De tout temps, les hommes de pouvoirs ont eu une vie privée, et c’est un truisme de rappeler ce fait. Cette vie privée a parfois été mouvementée, compliquée, multiple même. Mais jusqu’à présent, cette même vie privée faisait l’objet d’une discrétion relative, et était pour le moins gérée dans un cadre politique. Il semblerait que depuis hier soir, la politique s’éloigne.

Car enfin, comment apprenons-nous l’idylle ? Par un communiqué de l’Elysée ? Une dépêche AFP émanant de la présidence fleurant bon la langue de bois ? A-t-on vu le porte-parole, M. Martinon, venir annoncer la nouvelle devant les caméras ? Que nenni, c’est la presse de ragots qui se charge de l’info. Si l’Express nous en livre un avant-goût, c’est bien les titres phares de cette presse trash qui va nous délivrer la sacro-sainte photo : Point de Vue, Closer, Gala.

Nous sommes là en présence d’une dérive inquiétante du système politique français. L’homme qui exerce la fonction suprême, le représentant de la France aux yeux du monde s’affiche dans la presse de caniveau comme une vulgaire starlette. Et les photos ne sont même pas volées ! Non non, mesdames et messieurs, c’est en toute connaissance de cause que Nicolas Sarkosy s’est prêté au jeu.

Quelle sera la prochaine étape ? Car, n’en doutez pas, il y aura des suites. Va-t-on faire de la présidence Sarkozy un feuilleton de telenovelas ? Va-t-on voir le président de la République devenir un simple rouage de l’énorme machine pipolo-médiatique ? A quand Sarko à la Starac ? Et tant qu’on y est, pourquoi ne pas organiser la prochaine élection présidentielle sur TF1 avec vote SMS ? (4,25 € le SMS plus le coût d’envoi du SMS.)

Quel est notre intérêt dans cette histoire ? Car nous sommes légitimes pour nous poser cette question. Nous avons élu un homme pour qu’il exerce le pouvoir en notre nom. Pouvoir énorme, jusqu’au feu nucléaire, le cas échéant. A-t-on confié ce magistère à un homme qui voit sa vie comme un roman-photo ? Où vont ses priorités ?

Je crains fort que la société française ne mette du temps à mesurer les risques que cela fait courir à notre système démocratique. En effet, la démocratie est le seul régime politique dans lequel les histoires de coeur du chef de l’Etat n’ont pas d’incidences politiques. Dans tous les autres, et tout particulièrement en monarchie ou en autocratie, la compagne du chef de l’Etat est l’objet de supputations, de calculs politiques, de batailles diplomatiques. Le roi épousera-t-il une princesse Habsbourg ? Une Allemande ?

Nous n’en sommes pas encore au point où le couple présidentiel détient les clés de la succession au pouvoir. C’est la loi démocratique. Mais nous venons, par l’irruption de la presse trash dans les plus hautes sphères politiques, de franchir un pas fâcheux. Je n’aimerais pas que de fâcheux nous passions à dangereux. Et j’aimerais que Nicolas Sarkozy, l’homme, se souvienne de Nicolas Sarkozy, le président de la République. Et du fait que, pour quelques années encore, il ne peut pas être une star des médias.


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