Sarkozy et la France républicaine...

par Séverine Tessier
samedi 5 mai 2007

Doucement, mais sûrement, l’araignée étend sa toile. Petit mais puissant, il cherche à rassurer car on le sait brutal. Dans les poings serrés de cet homme-là réside l’emprise grandissante d’un système sur une démocratie qui fut longtemps un exemple pour le monde. Il doit devenir président. A tout prix. Il faut assurer la rentabilité d’un investissement sur lui depuis des années, aux fins de permettre de s’en donner à cœur joie avec la République et ses deniers. Lui, c’est euh... ben, c’est l’élu. Celui que les sondages et les médias nous ont indiqué. Celui qui tient dans sa main et ses réseaux la police, la majorité des collectivités locales, le Sénat, un parti politique, la justice, les télés, de grands groupes de presse, enfin presque tout quoi... Il paraît qu’il détient même la science infuse... Qui sait, un génie ?

Assurément il travaille beaucoup. Et pour lui, le travail a de la valeur, même s’il n’a pas de prix.. En janvier 2001, Le Point a publié un dossier sur le patrimoine des maires, cent dix ont accepté de répondre, Nicolas Sarkozy est le premier de la colonne "ils ont refusé de répondre". Près d’un an plus tard, Capital consacre un dossier au "patrimoine des hommes politiques". Cette fois quelques-uns répondent. Il n’en voit pas l’obligation ; "ses revenus sont du domaine privé.(..)", estime t-on.

Il est aussi « libre », nous écrit-il dans un livre confidence et donc indépendant. Pourtant le livre de deux journalistes Héléne Constanty et Vincent Nouzille intitulé « Députés sous influence » paru aux éditions Fayard, ainsi qu’un magazine de Lundi investigation pour Canal Plus, deux conseillers ministériels de l’Intérieur travaillaient pour le compte de sociétés privées. Ainsi, dans un article de l’Express daté du 28.09.07, Mme Constanty précise sur l’un d’entre eux : « cC que Frédéric Lefebvre se garde bien de leur dire, en revanche, c’est qu’il est resté actionnaire majoritaire d’un cabinet de lobbying en pleine ascension » (..) « Perroquet institutionnel communication (Pic conseil). Une entreprise qu’il a créée en 1996 et dont les profits font pâlir d’envie ses concurrents : 792 000 euros de bénéfices nets en 2005, pour un chiffre d’affaires de 1,582 million d’euros, en progression de 60% sur l’année précédente. « Nous vendons notre matière grise plutôt cher », reconnaît Steven Zunz, cofondateur de la société et ancien assistant parlementaire de Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du territoire, fidèle de Nicolas Sarkozy ».

L’autre volet étudié dans le Magazine de Canal Plus, diffusé le 11 décembre 2006, concerne l’un des autres associés de Pic Conseil, Stephan Denoyes. Cet ancien assistant parlementaire de Christian Estrosi dispose d’un bureau place Beauvau tout en n’y ayant « aucune fonction » selon sa secrétaire. A cela, les journalistes n’ont eu aucune explication. Il compte beaucoup d’amis stars, plus ou moins fréquentables, de Johnny à Bernard Tapie, qui se sont faits une réputation fiscale ou judiciaire en or. Beaucoup lui sont redevables aussi du côté des patrons du BTP, qui ont acheté des terrains en promotion dans la ville où il fût maire et là où ses amis le sont. Ne parlons pas de ceux qui lui doivent leur recyclage par les urnes parmi ces élus corrompus ayant été condamnés pour avoir pillé les caisses de la République.

Et tout ça prétend sans sourciller faire la morale, montrer l’exemple et servir les « honnêtes gens ». Que la politique réserve des promesses sans lendemain, ce n’est pas une surprise. Qu’on nous assaille de publicité mensongère, c’est de la contrefaçon républicaine !

Et cela ne doit pas tant nous questionner sur notre choix de dimanche prochain que sur l’état de dégénérescence globale de notre démocratie et notre belle République. Cette République dont chaque numéro fut un épisode de l’Histoire de France d’une continuité fatigante, érigée après l’abolition des privilèges, mise à mort plusieurs fois à partir des scandales politico-financiers sans au fond changer sa nature profondément masculine et autoritaire. Au moment où les Français devront déposer dans l’urne leur bulletin de vote, ils auront à choisir entre celui qui incarne l’héritage d’années d’errements aux côtés d’amis hauts placés et puissants qui ne demandent qu’à jouir des pleins pouvoirs, toujours socialiser les pertes pour privatiser les profits, et un nouvel édifice institutionnel où les pouvoirs seront séparés et l’éthique mise au centre de la gestion publique.

Le cinquième épisode de la République, nous le connaissons, il ressemble aux autres sans doute en pire, vu l’état de délabrement d’une France décadente. Dans le sixième épisode, le scénario est écrit par une femme avec les citoyens. Si l’adhésion manque encore pour certain, l’imagination peut leur laisser entrevoir ce que serait la politique faite autrement. Et au-delà de dimanche, c’est le défi qui doit être relevé pour faire en sorte que le troisième tour se joue dans les urnes à l’occasion des élections législatives et non dans la rue.

C’est ce qui est apparu clairement lors du débat télévisé suivi par des millions de Français. D’un côté, le pur produit d’un système, celui de la cinquième République qui génère la confiscation du pouvoir et la défiance populaire à l’égard des élus, de l’autre, la figure de la modernité incarnant une nouvelle pratique politique en rapport direct avec les citoyens.

Pour en être quitte avec la frustration permanente et ne plus concevoir une élection comme une sanction démocratique mais comme un véritable choix, si on essayait donc la VIe République ?

C’est à ça que se résume l’enjeu de la bataille du 6 mai et aussi de l’autre rendez-vous démocratique de juin prochain.


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