Sarkozy sera réélu en 2012

par Bernard Dugué
mardi 24 août 2010

Les analystes l’évoquent, les sondages le certifient, les présentateurs le clament, Sarkozy est fini. Son compte est bon. 2012 c’est foutu pour la réélection du président. Qui en voulant chasser les Roms après avoir prononcé un discours sécuritaire, s’est éloigné de son électorat de la droite modérée, gaulliste ou catholique. Et voilà une opposition hétéroclite émergeant à droite, composée de Christine Boutin et Dominique de Villepin, avec en plus quelques dignitaires de l’Eglise et non des moindres. Benoît XVI a cru nécessaire de sermonner Sarkozy, déjà sonné par le Conseil de l’Europe. Le Nouveau Centre reste plutôt silencieux et c’est normal. Le devenir de cette formation dépend de l’UMP et tant que le leader naturel de cette formation reste Sarkozy, inutile de faire des vagues. Quant aux Français, ils seraient en majorité opposés à la politique sécuritaire du président.


Le journal Marianne a titré sur la voyoutude du président, clamant haut et fort que selon un sondage, les Français sont défiants vis-à-vis des mesures sécuritaires diligentées par Brice Hortefeux, alors que deux jours auparavant, le Figaro publiait un sondage faisant état d’une majorité approuvant les propositions de Sarkozy et notamment celles concernant la déchéance de nationalité. D’après Marianne, le Figaro s’est trompé. Pourtant, le manipulateur n’est pas celui qu’on croit. Force est de rétablir la vérité. Les questions posées au panel par ces deux journaux ne sont pas susceptibles d’un amalgame. Un Français peut-être très bien en accord avec les propositions présidentielles et trouver que la politique sécuritaire de Sarkozy a échoué. Sans doute ce Français pense qu’il faut encore plus de répression et de surveillance. Moralité. Méfions-nous des sondages et de tout ce battage médiatique autour d’une élection dont on ne connaît ni les candidats, ni les propositions et qui se déroulera dans un peu moins de deux ans. Les médias cherchent surtout à vendre leurs produits, quitte à imaginer une présidentielle qui se tiendrait maintenant. Faute de rendre l’actualité vivante, intelligible et intéressante, les médias optent parfois pour de la politique fiction. Et si Villepin se présentait contre Sarkozy, avec Eva Joly et DSK, ou alors Martine Aubry, et qui sait, JL Borloo en sous-marin vert. Autre hypothèse, le Front de gauche, bref, au final, les combinaisons se comptent en dizaines. Le sondeur aura quelque difficulté à faire son travail. Qui est prêt à perdre une heure pour répondre au tiercé présidentiel de 2012, d’autant plus qu’il n’y a rien à gagner ?


Après cette critique d’un certain cirque médiatique ayant pour objectif de donner aux médiarques l’occasion de donner leur avis sur le futur, je vais moi-même me soumettre à cet exercice qui devrait se solder, quel que soit l’analyste, par du goudron et des plumes. Le ridicule ne tuant pas, je me lance en envisageant une réélection de Sarkozy qui est de l’ordre du possible. Tout ce que pense l’opinion à cet instant t, en août 2010, n’aura qu’une incidence limitée en cet autre instant, en avril 2012. Car les analystes l’ont constaté. Un événement marquant ne reste que trois à quatre mois dans l’opinion publique qui oublie vite ce qui passionne ou choque. Ces histoires de Rom seront vite oubliées mais une chose est sûre, la crise sociale ne sera pas résorbée et la situation des Français sera économiquement la même en 2012 qu’actuellement. Dette, déficit, croissance molle, chômage, inégalités. Le président élu héritera d’un pays dont les comptes publics ne sont pas reluisants alors qu’une forte minorité de citoyens sont écartés de la vie économique décente. A l’opposé, une confortable majorité de Français s’en sort correctement. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer le parc automobile. Ce sont les classes moyennes qui votent le plus, alors que les classes supérieures donnent le ton en jouant des voix médiatiques. Les pauvres et les précaires ont tendance à s’abstenir, ou à voter protestataire au premier tour puis voter avec leurs pieds. Comme en 2007, les vieux constitueront le meilleur fond électoral pour Sarkozy. Les vieux ont peur et ne sont pas prêts à confier les rênes du pays à la gauche. Les jeunes forment une réserve pour la gauche mais ils sont démobilisés et on les comprend. Alors qu’en règle générale et cette fois les sondages n’ont pas forcément tort, les Français ne croient pas que la gauche puisse faire mieux que la droite. C’est rationnel. La gauche ne fera pas de miracle et ne pourra pas effacer la dette ni remettre dans le circuit économique les millions d’exclus.


Sarkozy devrait être réélu en 2012, même si actuellement on peut penser le contraire. Le Français n’est pas forcément franc. Il est souvent grincheux. Alors il a tendance à conjurer sa petite colère en se confessant face au sondeur, lui faisant savoir qu’il est très remonté contre Sarkozy et que putain de diou de sa mère, il n’ira pas mettre dans l’urne un bulletin Sarko. Mais versatile est le Français et d’ici deux ans, il regardera sa situation, ses perspectives, sa maison, sa progéniture, et se dira qu’après tout, pourvu que ça dure. Il ira alors, sans enthousiasme particulier, mettre son bulletin Sarko dans l’urne, mécaniquement, à la manière du croyant jetant avec une sérieuse désinvolture son denier du culte dans la corbeille pendant la messe.



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