Sarkozy veut que les lycéens apprennent par cœur l’appel du 18 juin

par Bernard Dugué
jeudi 1er avril 2010

On savait Nicolas Sarkozy pugnace mais à ce point, c’est carrément à souligner. Après son invitation aux Etats-Unis par le couple Obama dans ze private appartments, et fier de cet honneur international, Sarkozy a sans doute décidé de reprendre en main les affaires intérieures et de continuer ses petits coups d’éclat pour ne pas perdre définitivement ses chances pour 2012. C’est dans ce sens qu’il faut interpréter la nouvelle mesure qui devrait être annoncée dans le courant du mois de mai, voire début juin, et que quelques médias bien informés (Bakchich) par des fuites (organisées ?) nous ont révélé. Sarkozy a décidé que tous les lycéens devraient connaître par cœur l’appel du 18 juin lancé par le Général de Gaulle depuis Londres voici 70 ans.


On renifle la patte de velours discrètement historisante du conseiller Guaino, tentant de rectifier le lamentable pataquès suscité après la lecture obligatoire de la lettre de Guy Môquet. Les historiens ont polémiqué à souhait, débattant de la légitimité à illustrer la résistance en faisant lire cette lettre écrite par un homme jeune à peine sorti de l’adolescence. Que de sentimentalisme. Ce n’est avec des bons sentiments qu’on fait l’Histoire mais avec des actes. Et donc, avec l’appel du 18 juin, il n’y a pas photo comme on dit et les historiens n’auront qu’à la fermer. Rappelons que cette année 2010 la France commémorera le soixante-dixième anniversaire de l’appel du Général et que l’occasion était trop belle pour effacer la calamiteuse impression laissée par cette lettre de Môquet qui n’évoque plus vraiment une victorieuse résistance mais le funeste souvenir d’une défaite à domicile de la France contre l’Argentine après que Bernard Laporte eut procédé à une lecture de ladite lettre au XV de France dans les vestiaires.


Il reste à établir les modalités permettant de mettre en place cette mesure. Les réflexions sont en cours au cabinet de Luc Châtel. Quelques pistes sont examinées, en premier celle de rendre obligatoire la récitation de l’appel dans son intégralité, avant toute présentation pour le baccalauréat. Les élèves de premières seraient donc concernés. Mais vu le risque de bousiller une année entière pour le lycéen qui s’oublie dans la salle de récitation, la piste la plus plausible serait de mettre la récitation de l’appel au titre des épreuves facultatives pouvant rapporter des points. De quoi inciter les lycéens à apprendre fermement les mots employés par le Général, surtout s’il y a 10 ou 20 points à la clé permettant d’obtenir le précieux diplôme (avec une possible extension aux collégiens qui avant le brevet, seraient également conviés à réciter l’appel) Enfin, cette épreuve, en admettant qu’elle soit rapidement mise en place, pourrait se dérouler à la date du 18 juin, ce qui donnerait un lustre très officiel à cette récitation puisque le 18 juin a été institué journée nationale de commémoration (non fériée) de l’appel à résister à l’ennemi, par le décret du 18 mars 2006, dont les deux premiers signataires ne sont autres que Jacques Chirac et Dominique de Villepin.


On imagine aisément les réactions des enseignants face à ce projet de nature à introduire un peu plus de confusion dans l’examen du bac et aussi la réticence à une fois de plus être instrumentalisés par le pouvoir politique. La lecture de la résistance, quand il y en a une, ça va, c’est quand il y en a plusieurs que ça pose problème ! On imagine déjà Didier Porte se délecter de cette annonce pour la cuisiner avec force pointes d’humour dans une chronique du fou du roi. Les Socialistes ne seront pas en reste pour critiquer cette énième mesure d’éclat censée redorer une image présidentielle ternie par la crise, les sondages et la défaite aux régionales. Quant aux analystes de la vie politique, on les imagine gloser avec toute l’aisance d’un Aphatie chez Denisot, commentant, tel un étudiant de Sciences Po, la manœuvre politicienne de chez politicard, à savoir labourer les terres de Villepin pour récupérer les électeurs gaullistes avec lesquels il semble en délicatesse. C’est bien là le sens de l’ouverture pratiquée par le président. Ouvrir, c’est bien, mais il faut mettre un peu de toast et de biscuit à l’intérieur pour faire entrer les convives dans la salle du festin présidentiel. Pour finir, les plus futés des observateurs iront jusqu’à un subliminal décryptage d’un symbole de revanche contre le mouvement de mai 68, débuté un 22 mars, au cours duquel des jeunes étudiants un peu chahuteurs, l’un s’appelant Dany, avaient parodié l’appel du Général. 


Au final, les Français ne seront pas dupes de la manœuvre. Même si on peut penser à une relative efficacité pour faire oublier le calamiteux « épisode Môquet » et le non moins désastreux débat sur l’identité nationale. C’est sûr, l’appel du 18 juin, ça vous requinque une image identitaire avec une figure qui en son temps, osa incarner la France éternelle. Pendant ce temps, Angela Merckel décide de taxer les banques mais l’Elysée se donne le temps de la réflexion sur ce sujet. C’est bien normal, après avoir tant phosphoré sur la mise en place de la récitation du 18 juin, il faut laisser reposer les neurones et cette taxe, c’est pas très important, ça peut bien attendre, alors que le 18 juin, ça va vite arriver.


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