Ségolène Royal a un programme...

par Patrick Salmon
mardi 6 février 2007

C’est lu, vu et entendu depuis plusieurs jours, Ségolène Royal n’a pas la maille ! « Tiendra-t-elle ? » se demande L’Express en couverture. « Offre sociale : inexistante (...) Y’a rien, pas une proposition », « Ségolacunes » et « privilégiature de l’ignorance » jubile le commentateur politique Patrick Buisson sur LCI. Pas de programme... Nicolas Sarkozy et ses porte-flingues le disent, le répètent et l’assènent. Le gimmick a cependant ses limites : celles des déclarations et des propositions de Ségolène Royal. Elles sont à lire dans cet article qui rappelle les principales interventions de la candidate socialiste sur l’emploi et les précarités. Ces éléments seront précisés ce mardi lors d’une réunion publique à Paris et dimanche prochain devant les secrétaires de section socialistes à Montreuil. La version écrite et détaillée du programme sera connue à partir du meeting de Villepinte, le 18 mars.

Fiscalité : le capital plus taxé que le travail

« Il faudra bien prouver aux Français qu’entre le capital et le travail, le capital sera définitivement plus taxé que le travail, je le ferai » (Strasbourg, le 20 décembre).

Le rôle de l’Etat

« Il n’y a aucune fatalité. Ouvriers, ouvrières, employés, petits salariés, c’est à vous que je pense en affirmant la nécessité pour les pouvoirs publics d’intervenir. Je veux en finir avec un gouvernement tatillon et « rafistoleur », pompier, et qui souvent intervient trop tard. » (Strasbourg, le 20 décembre). Pour Ségolène Royal, l’Etat doit être « régulateur et redistributeur » et il doit contribuer ainsi à une augmentation du pouvoir d’achat des plus pauvres.

Les mutations économiques

« Il va falloir qu’en France nous développions, grâce à un dialogue social efficace et à la force des organisations syndicales, une capacité collective d’anticipation, d’orientation et d’accompagnement des mutations économiques qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Oui, des entreprises qui fonctionnent bien, dans l’intérêt du pays et en respectant leur salariés, c’est possible en France aussi et nous le ferons ! Les Français ne veulent pas de cette société du « précariat » et de l’insécurité sociale. Ils en ont assez de devoir s’endetter pour boucler leurs fins de mois. Ils refusent que l’Etat, garant du pacte social, manque à ses devoirs de protection » (Frangy en Bresse, 20 août).

La sécurisation des parcours professionnels

« La motivation au travail et l’efficacité économique exigent des salariés bien formés et bien payés, respectés et protégés, assurés de la dignité de leur métier et de la sécurité de leurs revenus, et certainement pas l’inverse » (Frangy en Bresse, le 20 août).

« Le salarié doit être sécurisé. Il en va d’abord du bien-être de chacun, de sa capacité à construire des projets de vie, pour lui et sa famille, et donc de l’état de notre société ; il en va aussi de l’efficacité de notre économie : ce n’est pas avec des salariés perpétuellement inquiets du lendemain que nos entreprises iront de l’avant. C’est pour cela qu’il faudra, demain, supprimer les contrats précarisés que le gouvernement vient d’imposer. » (site Désirs d’avenir, le 18 mai)

Le rééquilibrage du rapport salarié-employeur

« Il faut rééquilibrer le rapport salarié-employeur en offrant aux salariés les sécurités dont ils ont besoin tout au long de leur parcours professionnel et en redonnant aux entreprises l’agilité dont elles ont besoin pour être réactives. 30% des salariés danois changent chaque année de travail sans drame parce qu’ils disposent d’un filet de sécurité solide. La protection n’est pas l’ennemie mais la condition de la prise de risque. La souplesse et la sécurité doivent aller de pair : c’est un choix de société et d’efficacité. » (site Désirs d’avenir)

A partir de la fin de l’année 2006, les propositions deviennent précises. Ségolène Royal propose une « nouvelle donne entre la puissance publique et les entreprises : les aides (publiques) versées aux entreprises seront récupérables si elles licencient ou délocalisent ». L’impôt sur les bénéfices des sociétés « sera modulé » selon que ces bénéfices seront réinvestis dans les entreprises ou distribués sous forme de dividendes. En contrepartie, le développement des PME sera encouragé : « Je mettrai en place une protection sociale des entrepreneurs (...), les banques devront jouer leur rôle » en facilitant les accès aux crédits ; « la puissance publique se portera garante », affirme Mme Royal (Illkirch-Graffenstaden, le 20 décembre) qui souhaite aussi conditionner les aides publiques à des engagements sur l’emploi et les salaires. La candidate socialiste prévoit aussi d’accorder un « bonus sur les cotisations sociales » aux entreprises qui embauchent en CDI.

Plus précisément encore, il est possible d’établir une liste des principales propositions de la candidate socialiste :

- la mise en oeuvre d’un « plan massif » pour la recherche, l’innovation et « l’excellence environnementale ». Ce secteur recèlerait « 500.000 à un million d’emplois » ;

- la création d’un « revenu de solidarité active » pour aider les travailleurs pauvres, bénéficiaires de minima sociaux, à mieux s’insérer dans le marché du travail. Le revenu de solidarité active est issu des propositions de la commission présidée par Martin Hirsch, président d’Emmaüs France. Le versement de ce revenu complémentaire s’additionnerait au salaire afin que le salarié soit assuré de ne pas perdre en prestations sociales ce qu’il a gagné en reprenant un travail ;

- la création d’antennes emploi dans les universités ;

- le « droit au premier emploi ». Ses modalités ont été précisées ce 1er février à Grenoble. Il vise à raccourcir les parcours d’insertion professionnelle et il prévoit des formations qualifiantes pour les métiers où les besoins sont avérés, des stages d’intégration rémunérés, une aide à la recherche d’emploi dans le cadre d’un contrat d’entrée dans la vie active et les « emplois-tremplins » qui seront mis en place dans les régions. Leur nombre serait de 500 000. Ils pourront se dérouler dans le public comme dans le privé, avec un impératif d’utilité sociale. Le 20 décembre à Strasbourg, Ségolène Royal avait présenté la « garantie d’activité jeunes » : « Si je suis élue, je demanderai au gouvernement de négocier et de mettre en place une garantie d’activité jeunes, pour qu’aucun jeune ne reste au chômage plus de 6 mois. Il aura accès, soit à une formation qualifiante pour un métier dont les besoins sont réels, notamment par un système de formation en alternance, soit à une activité de tutorat de recherche d’emploi en petit groupe, soit à des stages et des emplois rémunérés et aidés dans le secteur public ou privé, et dans tous les cas à une indemnité, à un salaire » ;

- l’accès des jeunes à un prêt de 10 000 euros. Ségolène Royal a présenté cette mesure lors des vœux du 4 janvier : « L’État ouvrira un nouveau droit : chaque jeune, à sa majorité, disposera d’un prêt gratuit de 10 000 euros, garanti par l’État, pour lui permettre de construire son premier projet de vie » ;

- le droit de vote des représentants salariaux dans les instances de décision des entreprises. La candidate socialiste prône un « syndicalisme de masse » ;

- le CDI doit « redevenir la norme » et l’abrogation du CNE est annoncée.

Ajoutons aussi que le projet du PS, « Réussir ensemble le changement - Le projet socialiste pour la France. », prévoit de porter le Smic à 1 500 € brut « le plus tôt possible dans la législature » ainsi que la création de la Couverture professionnelle universelle : « La Couverture professionnelle universelle (CPU) assurera les trois éléments majeurs du travail : l’emploi, une garantie de ressources et la promotion professionnelle. »

Les précédentes propositions visent à conjuguer l’efficacité économique et l’efficacité sociale. Ces propositions, qui méritent sans aucun doute d’être débattues et critiquées, démontrent que les attaques sur l’absence de programme de la candidate socialiste ne sont pas fondées.


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