Ségolène Royal et la question nationale

par Sylvain Reboul
jeudi 29 mars 2007

« Je suis une Européenne résolue. Je suis partisane d’une France ouverte au monde, internationaliste et généreuse et je considère que la Nation a un autre nom qui est celui de la République. » a déclaré Ségolène Royal au quotidien Libération. S’agit-il là de nationalisme comme le prétendent nombres de ses adversaires de droite et/ou soi-disant de gauche ?

Par cette phrase SR répond à la polémique soulevée par ses propos favorable au chant de la marseillaise et au drapeau tricolore afin de clarifier sa position sur la question nationale, question qu’elle a eu le courage de soulever face au nationalisme, aux relents peu ou prou exclusifs, de son adversaire NS. Celui-ci reprend en effet la thématique de JMLP , laquelle oppose, sous couvert de préférence nationale, l’ identité nationale à l’immigration. Le chef du Front National, va plus loin, dès lors qu’il déclare vouloir rétablir le droit du sang qui n’a jamais été, sauf pendant la période de Vichy , dans le tradition française ! Mais si NS ne va pas jusque là, son ministère de l’identité nationale et de l’immigration (et non pas de l’intégration, ce qui aurait eu un tout autre sens) , dans sa désignation même est un écho significatif de sa volonté de récupérer l’électorat d’extrême droite ; la question est donc de savoir si cette récupération ne risque pas de renforcer l’idée de la droite extrême que l’immigration met par nature en péril le sentiment de solidarité nationale. Cela est pratiquement confirmé pas sa manière de soumettre à des contrôles permanents, au faciès, les prétendus étrangers dont la plupart sont réguliers voire français, tous plus ou moins suspectés d’être des clandestins (comme si ce n’était pas la loi qu’il a fait adopter et modifier et qu’il veut encore aggraver, qui fait que beaucoup sont en effet réduits à être dans l’illégalité en tant que sans papiers).

Ségolène Royal voyant un danger de perversion de la symbolique nationale républicaine dans cette interprétation nationaliste, anti-étrangers et anti-immigrés du sentiment national, a décidé à son tour d’aborder cette thématique et de réhabiliter l’usage des symboles nationaux (marseillaise, drapeaux tricolore aux fenêtres le 14 juillet, fête nationale etc..). A-t-elle raison de se lancer dans ce qui semble être une offensive, voire une surenchère nationaliste comme certains l’en accusent à droite (ce qui ne manque pas de toupet) mais aussi à gauche, ce qui se comprend mieux a regard de l’option internationaliste du socialisme ?

Je reconnais qu’il s’agit là d’un point qui mérite un examen attentif et qu’il est légitime pour les internationalistes de gauche de s’inquiéter d’une dérive sociale-nationaliste qui a souvent menacé la gauche et singulièrement, comme l’a vu, lors du rejet par une partie d’entre elle du TCE.


Or cet examen des propos de SR nous permet d’exclure toute trace de nationalisme dans son discours, comme l’indique la formule citée ci-dessus, son idée de nation se réfère exclusivement aux valeurs et principes de la république et particulièrement ceux de l’égalité et de la solidarité (que je préfère pour mon compte à celui de fraternité, mais c’est un autre débat). Elle insiste en permanence sur deux thèmes indissociables : celui de la diversité des origines comme un facteur de créativité et de dynamisme social, voire sociétal et celui de la construction du sentiment national par la volonté de partager un avenir commun dans la solidarité, en terme d’égalité des chances, vis-à-vis des plus socialement fragilisés et des plus défavorisés . Le sentiment national doit, selon elle, se penser au futur et faire de l’histoire de la république, un socle sur quoi fonder le liberté dans la solidarité à construire et à reconstruire sans cesse avec tous ceux qui vivent et travaillent sur le territoire dit "national". Faut-il rappeler que la nation et le drapeau sont inscrits dans la constitution qu’il ne s’agit pas certainement pas, selon elle, de changer sur ce point en tant qu’elle brigue la présidence de la République qui en est le garant ?

Ce discours de Ségolène Royal, est donc, n’en déplaise à ceux qui ne comprennent pas qu’un symbole ne vaut que dans un contexte de sens et d’action déterminé, et qui restent figés sur une interprétation nationaliste du sentiment national, un discours de gauche internationaliste en cela qu’il est, pris à la lettre, ouvert sur toutes les nations et populations avec qui nous avons à partager notre histoire pour vivre nos principes dans leur universalité. Ces valeurs loin d’être le monopole exclusif de la nation française ont vocation d’être partagées par toutes les populations de monde qui ont à souffrir des effets de l’hyper-capitalisme financier spéculatif . Les symboles poltiques ou religieux sont toujours polysémiques et donc disponible à interprétations divergentes, voire opposés. Toute l’histoire du du symbole national est là pour nous le prouver qui a été de gauche, puis de droite et de nouveau de gauche avec des contenus politiques conflictuels. Il fait référence à l’idée de solidarité mais celle-ci, comme nous le rappelle Jean Jaurès, peut être

- Soit de l’ordre de l’Union Sacrée autour de ceux qui utilisent les populations au service de l’intérêt privé des dominants contre les étrangers ou une partie des nationaux désignés comme coupables de leur misère.

- Soit de l’ordre de la justice sociale au profit de tous c’est à dire des plus défavorisés y compris ceux qui sont des immigrés dans le pays qui les accueilli et dans lequel ils vivent et travaillent..

Or, comme le déclare précisément Ségolène Royal, c’est en se réappropriant cette idée de solidarité nationale ouverte aux autres et juste que les français sauront reprendre confiance en eux et dans le politique pour nouer avec les autres pays des liens de solidarité indispensables à leur propre essor et surtout qu’ils désireront reprendre sur le plan européen la construction d’une Europe plus démocratique qui a été mise à mal par le non au référendum, . La confiance des français dans les principes généreux de la république et en particulier chez ceux qui ont le plus à souffrir d’une mondialisation soumise à l’hyper capitalisme sauvage dérégulé est indispensable pour sortir notre pays du marasme historique dans lequel il est embourbé par la faute de dirigeants obnubilés par un nationalisme myope aux réalités du monde ou considérablement aveugles aux effets délétères sur la solidarité vis-à-vis des plus défavorisés du développement de la précarité et des inégalités sociales.

Ségolène Royal a donc le courage de mener le combat sur deux fronts à la fois :
- Sur le plan du symbole national , contre tous les nationalismes de droite ou de prétendument de gauche, parfois déguisé en social-nationalisme.

- Sur le plan international contre l’internationalisme de droite qui tente de soumettre toutes les populations à la seule loi du profit privé, contre toute forme de solidarité sociale nationale et internationale.

Ceux qui savent entendre ses propos loyalement et sans préjugés, après les avoir examiner sérieusement dans leur lettre et dans leur esprit, doivent reconnaître et comprendre qu’ils opposent le sentiment de la solidarité nationale républicain au nationalisme identitaire ethnique. On peut rassurer alors tous ceux qui s’inquiètent de l’accent que met SR sur les symboles nationaux : la nation française pour SR doit être et rester résolument anti-nationaliste pour s’affirmer, à l’intérieur et à l’extérieur, comme l’expression d’un désir généreux de justice et de solidarité dynamique anti-communautariste.

Laisser aux nationalistes le monopole de l’usage de la solidarité nationale, comme celui de la liberté aux prétendus neo-libéraux, ne serait pas seulement une erreur, mais une faute politique qui porterait un coup mortel à l’idée démocratique.

Lire l’ entretien de Ségolène Royal au journal "Libération"


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