« Service compris » : la duplicité des restaurateurs

par Fergus
jeudi 22 novembre 2012

La nouvelle a fait bondir de nombreux serveurs : l’UMIH, principal syndicat patronal de la restauration, envisage sérieusement de remettre en cause le « service compris » sur les additions. Une réforme en trompe l’œil dont le patron des restaurateurs s’est bien gardé de faire connaitre les véritables objectifs...

 Officiellement, il s’agit d’améliorer la qualité du service dans les établissements de restauration, si l’on en croit Roland Héguy, le président de l’UMIH*, dont l’initiative, basée sur les travaux d’une commission interne, s’appuie sur un déficit d’image de la profession, et pas seulement auprès de la clientèle étrangère. L’objectif : motiver le personnel de salle des bistrots, restaurants et brasseries afin de rendre les serveurs plus souriants et plus prévenants à l’égard des clients. Selon Roland Héguy, le moyen d’atteindre cet objectif, et par conséquent de stimuler la motivation des serveurs à se montrer plus zélés et plus aimables auprès des consommateurs, passerait par l’abandon du « service compris ».

 

Actuellement de 15 % en France, le « service compris » est annoncé sur les cartes des restaurants et intégré dans le montant à payer de l’addition. Ce mode de fonctionnement, adopté en 1987 après de longues années de revendication du personnel, serait remis en cause et, nous apprend M. Héguy, remplacé par un système de rémunération du personnel de salle dans lequel le salaire fixe serait fortement diminué, le complément de rémunération étant assuré par les clients en fonction de leur satisfaction du service. « Ce sera au client de jouer les arbitres : il sera libre de donner plus si son serveur a été efficace, mais moins si son plat arrive en salle sans le moindre sourire. » a confirmé Roland Héguy sur l’antenne d’Europe 1 tout en récusant une dérive à l’américaine.

 

Actuellement, seules quelques grandes brasseries très minoritaires dans la profession, et le plus souvent assurées d’une clientèle fidèle, appliquent un système de salaire fixe complété par une rémunération au pourcentage. Mais ce pourcentage de 15 % est clairement indiqué sur les additions et doit être réglé par le client. Dans tous les autres établissements, les employés sont rémunérés au fixe. Le système préconisé par M. Héguy irait donc nettement plus loin car la rémunération complémentaire des serveurs deviendrait nettement plus aléatoire selon que leurs clients ont été ou non satisfaits des prestations. Et c’est là que le bât blesse car il est évident que les serveurs ne seraient plus seulement dépendants de leur manière de servir, mais aussi de la qualité des plats ou des retards imputables à des dysfonctionnements en cuisine. Bref, ce serait un retour en arrière et la quasi-certitude d’un accroissement de la précarité dans la profession.

 

Ce projet verra-t-il le jour ? Pas sûr car il est probable que les syndicats du personnel de restauration vont monter au créneau pour combattre ce qui constituerait une régression sociale. Des syndicats de salariés qui pourraient bien recevoir le soutien des observateurs habitués à aller voir la face cachée des annonces. Ceux-là découvriront alors la vérité soigneusement occultée par M. Héguy : l’objectif n’est évidemment pas de mettre un sourire sur les lèvres des serveurs et des serveuses, mais de pallier les effets de la prochaine hausse de la TVA de 7 à 10 % en sortant le montant du service des prix annoncés sur les cartes des établissements. Les prix affichés seraient donc sensiblement moins chers qu’aujourd’hui, et tant pis pour le personnel si les clients sont loin, au moment de payer, d’ajouter les 15 % naguère inclus dans l’addition.

Une fois de plus, les restaurateurs montrent qu’ils sont des renards aux appétits aiguisés. Mais de cela, nous étions convaincus depuis fort longtemps.

 

Union des Métiers de l’Industrie Hôtelière


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