Seul le chômage aurait un avenir...

par Alexiskbacri
mardi 13 mai 2014

I - L’humanité, dans l’économie-monde devrait connaître une constante élévation du nombre de ses chômeurs. Trois facteurs interviennent cumulativement : la hausse de la population mondiale, la raréfaction constante des espaces de conquête physique et les progrès de la productivité du travail. A ceux-ci il faut ajouter l’intérêt que trouve le « grand capital » au maintien d’une importante armée de réserve agissant tout à la fois sur la baisse du salaire et l’inflation tout en réduisant à l’impuissance les forces de contestation du pouvoir patronal dans l’entreprise et la société.

1) La hausse de la population avec la mondialisation des échanges conduisent à l’exacerbation de la concurrence entre travailleurs notamment par les délocalisations des activités. L’avantage comparatif tiré de la spécialisation des économies tient de moins en à une position physique ou technique quelconque mais porte désormais essentiellement sur le coût du travail. On peut produire un peu n’importe quoi n’importe où au moindre coût salarial. La masse du travail humain disponible tend à augmenter selon l’inverse proportionnel de la quantité du travail offert.

2) L’homme est en passe d’achever sa conquête physique de la planète, occupe et exploite pratiquement l’essentiel des espaces disponibles. Une humanité fourmillante commence à se disputer matières premières, gisements d’énergie, terres agricoles, ressources aquatiques, halieutiques etc. C’est dans les « vieilles » économies les plus développées où les infrastructures de base sont installées, où la richesse collective est élevée, que le chômage est appelé à se maintenir à haut niveau : ce qui est fait n’est plus à faire à l’inverse des contrées pauvres en devenir qui disposent encore d’un vaste espace de rattrapage économique. Les temps ne sont plus à l’aventure de conquête des terres, des mers, de l’explosion des inventions qui bouleversent la vie quotidienne comme nous l’avons connu depuis la Renaissance jusqu’au troisième quart du XXème siècle. C’est l’époque des replis nationalistes, de la préservation de l’acquis, du conservatisme écologique, du figement des structures sociales et de l’imaginaire collectif, de la peur de l’avenir.

Mais s’il est un domaine qui ne connaît guère de régression, c’est bien celui de la productivité du travail tant par l’invention de techniques toujours nouvelles que par la pression que le « grand capital » et la concurrence entre travailleurs font régner. A la limite, nous pourrions avoir des usines entièrement automatisées où seuls quelques salariés seraient utiles comme ce fut le cas pour l’agriculture quand l’usage tracteur finit par vider les campagnes.

3) Pour le « grand capital » et le patronat en général, le chômage est objectivement une bénédiction qui ne présente que des avantages : renforcement de la discipline dans l’entreprise, mise au pas des salariés et des syndicats, baisse des revendications, hausse des revenus des actionnaires, quasi liberté dans le choix des implantations, des conditions de travail et maintien d’une inflation faible qui préserve le niveau de la rente. Le licenciement, la baisse des coûts et du volume des salaires est l’un des instruments d’élévation de la rentabilité du capital et des entreprises. Toutes les forces politiques, et pas seulement les partis de gauche et les syndicats, sont soumis aux diktats des entreprises nationales et internationales.

 

II – L’humanité est engagée dans une course incontrôlée à la disparition du travail et partant à la relégation et dévalorisation du travailleur, des hommes. La révolution robotique qui s’annonce ne fera qu’aggravée cette situation puisqu’à l’augmentation du chômage on répond par des politiques libérales d’élimination du travail, de remplacement de l’homme par la machine.

Il existe deux seuls moyens de réduire le taux de chômage : le retour de la croissance et la diminution du temps d’activité qui s’assimile à un partage du travail.

1) Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le retour d’une croissance mondiale est illusoire et n’est appelée à exister que dans les économies jeunes et peu développées. A moins d’une révolution dans les modes de vie, de production et de consommation, l’économie mondiale devrait connaître dans les prochaines décennies un lent déclin en pente douce.

Mais la croissance en elle-même diminue peu le chômage puisque l’élévation du taux de productivité est supérieure en général au taux d’augmentation de la production. Les politiques libérales de l’offre n’ont qu’un résultat : rendre plus compétitive une économie nationale donnée au détriment d’une autre. Les instruments sont connus : baisse du coût et du volume du travail, des impôts à la production, contraintes aux frontières, aides directes ou indirectes aux entreprises, avantages divers accordés aux capitaux et aux installations d’entreprises. Cette croissance ainsi obtenue par certains pays donne l’illusion aux autres qu’ils peuvent croître eux-mêmes pareillement, entretenant ainsi le mythe de l’éternel progrès économique.

2) La seule solution n’est pas une baisse du temps de travail mais une politique systématique de partage du travail. Il s’agit d’ajuster le nombre de travailleurs disponibles sur la quantité de travail et non de limiter ce nombre sur le volume de travail existant. Cela ne consiste pas à réduire le temps de travail pour forcer à l’embauche mais à l’inverse obliger à l’embauche pour réduire ensuite et éventuellement le taux d’activité.

Par exemple, si nous avons 10% de travailleurs inactifs, nous devons contraindre les entreprises à augmenter de 10% ses effectifs sans augmenter la masse salariale versée. Il s’agira dans UN PREMIER TEMPS de partager travail et salaires, ce qui suppose une légère baisse provisoire de ceux-ci (mais on peut imaginer la réduction des cotisations chômages). Il se trouvera immédiatement des économies réalisées sur les dépenses sociales que le chômage engendre sous toutes ses formes, pouvant même aboutir à une réduction d’impôts pour les entreprises et les ménages.

Le salarié dans l’entreprise qui ne sera plus terroriser par la peur du chômage retrouvera du pouvoir de négociation et sa liberté dans le choix de son entreprise et de ses conditions de travail. Le rapport de force relativement au capital sera rétabli et il faudra s’attendre à un dynamisme nouveau de l’économie. Une telle politique nouvelle suppose de la part des salariés actifs un sens du partage, une générosité réelle, une conscience de leur intérêt collectif à long terme. Dans l’état d’égoïsme et de replis sur soi du monde travail engendré justement par les décennies de chômage, de licenciements collectifs et des cures d’austérité, nous avons de sérieux doutes sur l’avenir de nos propositions.


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