Shrinkflation : arnaques sur les étiquettes

par Christophe CH
samedi 28 janvier 2023

Shrinkflation : contraction, en anglais, des termes "shrink" pour réduction, et "flation" pour "inflation". Encore un anglicisme, et encore une innovation de la Start Up Nation, qui vient grossir la liste des scandales qui de mois en mois assomment des gaulois réfractaires sur qui le ciel tombe de plus en plus fort et de plus en plus souvent sur la tête. Après Buitoni, après ORPEA, et en attendant le suivant. Le point commun ? Comme toujours le même : la sacro sainte rentabilité. Celle sur l’autel de laquelle on peut tout sacrifier.

Shrinkflation, ou la nouvelle arnaque des industriels de l'agro-alimentaire. Augmenter leurs prix tout en réduisant la quantité, ce qui se faisait depuis des décennies, mais cette fois sans l'indiquer sur les emballages. Ce afin de ruser avec les augmentations des prix des matières premières et de l'énergie, sur le dos des consommateurs bien entendu. Lesquels consommateurs, éternels dindons de la farce, lorsque les emballages sont trompeurs, ne peuvent qu'échouer à comparer les prix de ce qu'ils achètent, sauf à peser un à un chacun des articles avant de les amener en caisse. Ce qui dans la pratique relève de l'impossible ou presque, notamment et surtout aux heures de pointe.

Qui a eu cette idée saugrenue ? Des cabinets conseil, pardi ! Payés par les industries de l'agro-alimentaire pour leur souffler cette idée du siècle pour limiter leurs pertes. Lesquelles pertes sont par essence inexistantes pour ces conseillers fort bien rémunérés. Qui nous apportent une nouvelle preuve que dans un marché mondialisé, les chacals se nourrissent toujours sur la bête.

En 2022, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a procédé à des contrôles dans 33 usines en France, et pu constater que 7 d'entre elles, pratiquaient cette "shrinkinflation" au détriment des consommateurs. Près de 20 % : à ce niveau de fraude, on peut parler de process industriel à grande échelle.

Devinez ce qui en découle… Va-t-on procéder à des amendes pour les contrevenants que sont ces industries violant les règles auxquelles elles sont soumises ? Allons-nous leur interdire toute subvention publique pour les cinq prochaines années, ou annuler leurs réductions de charges accordées au détriment de la collectivité ? L’État va-t-il attaquer en justice ces boîtes de consulting qui conseillent à leurs clients d'enfreindre la loi moyennant de juteux honoraires ?

Pensez donc, on ne s'attaque pas au nerf de la guerre en économie libérale ! Pas touche aux hors-la-loi, lesquels pourront continuer à utiliser leurs anciens emballages jusqu'à épuisement de leurs stocks sans avoir à les refaire. On passe l’éponge. Au nom de la préservation de l’emploi et de la lutte contre l’inflation. Aux coupables les mains pleines.

La grande distribution ? Celle-là même qui n'hésite pas à laisser en rayon de la viande bien au-delà des dates de péremption autorisées, ou à faire nettoyer ses hachoirs et rôtisseries une fois tous les six mois pour faire de menues économies au détriment de la santé du consommateur : figurez-vous qu’elle n'avait pas songé à contrôler le poids des produits qu'elle mettait dans ses rayons. Elle qui comptabilise jusqu’à la durée des pauses pipi de ses caissières n’avait pas exigé de ses chefs de rayon qu’ils vérifient qu’il n’y avait pas tromperie sur la marchandise. Pas le temps, et surtout quel intérêt ? Pour nos grandes surfaces, que votre paquet de chips contienne 250 ou 200 grammes ne change pas grand-chose sur ses volumes et sur ses marges, son cœur de métier, rappelons-le, c’est d’acheter un prix, le produit c’est votre affaire, et pas le sien. La voilà du coup contrainte d'ajouter en catastrophe des stickers sur les emballages des produits contrevenants en lieu et place de leurs fournisseurs. A l'arrache, et avec quelques mois de retard. Complice par indifférence, certes, mais pas coupable. Michel-Edouard Leclerc, l’Edwy Plenel auto-proclamé de la profession, viendra bientôt faire sur nos antennes son grand numéro de chevalier blanc.

Où que l’on porte le regard, on se fait gruger, et pas qu’à la marge. Sur le prix, sur le service, sur le poids, sur les ingrédients, sur les dates de péremption, sur les clauses du contrat, sur tout. Et où qu’on prête l’oreille on n’entend parler que de transparence, de valeurs, de respect, de traçabilité. Toutes les Elise Lucet de France et de Navarre ont un bel avenir tout tracé, les fraudes se ramassent comme les feuilles mortes à la pelle. Attendons la création d’un nouveau numéro vert.


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