Si Dieu existait vraiment, il n’aurait pas toléré pareille Église

par Alain Alain
mardi 15 décembre 2020

 

Anatole France : « Elle (l'Église) ne renonce jamais. Il ne faut pas dire qu’elle a changé. Elle ne change jamais. Tout se meut ; elle demeure immobile, et quand on s’en étonne, elle répond qu’elle est un miracle (...)Ne changeant point et voyant tout changer autour d’elle, elle attend patiemment que le bien succède au mal et que les peuples obscurcis par la science et la pensée reçoivent de nouveau la lumière de la Foi. »

Evoquant l'auteur de L'Église et la république (1904), Orlando Rudder a concisément explicité : « L'Église catholique, apostolique et romaine ne peut évoluer, changer, se modifier que sous la pression d'évènements extérieurs. Elle ne possède pas en elle-même de possibilités intrinsèques d'amélioration et de renouvellement : il faut et il suffit que ses manques deviennent scandaleusement insupportables pour qu'une révolte ait lieu. Après quoi, elle réprime cruellement, juste avant de devoir, pour survivre, accepter un peu de ce que la révolte a apporté. »
(Aperto libro -1988- Edition Larousse)
L'histoire confirme cette thèse. En voici quelques preuves parmi beaucoup d'autres.

 Dans le domaine religieux, les persécutions repenties.
L'Inquisition ou tribunal du Saint-Office dont les grandes victimes furent les Cathares, les Templiers mais aussi les innombrables quidams jugés hérétiques et parfois condamnés à mort et parmi ceux-là des membres du clergé même. Au passage jusqu'à 80% de la confiscation des biens de ceux déclarés coupables d'hérésie et des biens de toute leur famille, étaient captés par le Saint-Office.
Commencée en 1199 elle s'acheva à la fin du XVe siècle par une discrète reconnaissance des abus commis en guise de repentance.
L'Église a persécuté les orthodoxes après le grand schisme de 1504 ; également les protestants, pensez aux massacres de la saint Barthélémy.
Aujourd'hui l'Église catholique est en recherche de réconciliation contrite : rencontre entre le pape et le patriarche de la plus importante des Églises orthodoxes à Cuba en février 2016 ; présence du pape au 500e anniversaire de la réforme de Martin Luther, octobre 2017.

 Dans le champ des sciences, les théories erronées (c'est un euphémisme).
L'Église a contredit, parfois poursuivi, condamné et même emprisonné tant d’hommes de science, Copernic, Galilée (« e pur si muove »), Buffon, Darwin, etc. Bien sûr elle a reconnu ses monumentales erreurs depuis. Encore que, quelques-uns, en particulier aux Etats Unis, contestent toujours la théorie de l'évolution, par exemple et d’autres croient toujours que la terre est plate.

 Dans le domaine des idées littéraires, philosophiques, de l'édition, la censure censurée.
En 1563 sous l'autorité du pape Paul IV est instituée au sein de l'Inquisition une commission de l'index des livres prohibés chargée de rechercher les livres pernicieux. En 1559 est publiée la première liste des livres condamnés. La dernière le sera en 1948.
En 1571 cet index est complété par celui des livres à expurger c'est à dire à corriger pour que l'Église puisse en autoriser la lecture.
L'index ne sera supprimé qu'en 1966.
Voici une liste des auteurs dont certaines œuvres voire toutes ont été inscrites dans un des index : Montaigne, Pascal, La Fontaine, Montesquieu, Rousseau, Diderot, Balzac, Hugo, George Sand, Larousse, Flaubert, Malaparte, Sartre et même la Bible en 1745.
Au vu des œuvres incriminées il ne peut s’agir que d'obscurantisme ce qu'elle a mis quatre siècles à reconnaitre et à corriger. Il n’y a plus de liste de livres interdits. L'Église s'est autocensurée.

 En politique, les mauvaises fréquentations.
L’Église a eu une attitude ambigüe envers les nazis et pire a soutenu Franco, Pinochet, etc.
À 180°, révolutionnaire.
Aujourd’hui, le pape François reproche au capitalisme de générer des inégalités, « de créer des rebuts et de chercher ensuite à les cacher, ou à s’en occuper de sorte qu’on ne les voie plus. Le jour où les fabricants d’armes financeront des hôpitaux pour soigner les enfants mutilés par leurs bombes, le système aura atteint son comble. Voilà l’hypocrisie. »

 Le statut de la femme selon les canons de l’Église catholique.
Pour cette partie donnons la parole à Marylène Patou-Mathis, préhistorienne, directrice de recherche au CNRS avec ces extraits tirés de son excellentissime ouvrage, L’homme préhistorique est aussi une femme.
« Les versets de la Bible et du Nouveau Testament s'adressent exclusivement aux hommes, comme s'ils avaient été rédigés par des hommes pour les hommes. Parmi ces écrits, ceux de Paul de Tarse (saint Paul) sont explicites.
" Comment quiconque peut-il soutenir que la femme est à la ressemblance de Dieu quand il est évident qu'elle est sous l'autorité de l'homme et n'exerce aucune forme d'autorité ? Car elle ne peut ni enseigner, ni être témoin devant un tribunal, ni jouir de la citoyenneté, ni être juge, et donc certainement pas exercer une autorité. "
[...]
N'étant pas totalement à l'image de Dieu (saint Paul, I Co, XI, 8f), la femme est un mas occasionatus, un homme raté, selon le théologien italien Thomas d'Aquin (1225-1274).


" De manière secondaire, il est vrai que l'image de Dieu est dans l'homme d'une façon que l'on ne trouve pas chez la femme. Car l'homme est l'origine et la fin de la femme, tout comme Dieu est l'origine et la fin de toute la création. "
[...]
" Il ne peut non plus être mis en doute qu'il est plus conforme à l'ordre de la nature que l'homme gouverne la femme, que l'inverse. Ceci est conforme au principe établi par l'Apôtre : "La tête de la femme, c'est l'homme" et : "Femmes, soyez soumises à vos maris". L'Apôtre Pierre a également écrit : "Même Sara a obéi à Abraham, l'appelant seigneur." (Saint Augustin, De la concupiscence, Livre I, chapitre 10)
[...]
Apparue timidement vers 1430, cette persécution devient fréquente au XVIe siècle et perdure jusqu'au milieu du XVIIe siècle. La justice séculière va s'appuyer sur le Malleus Maleficarum (Marteau des sorcières) rédigé en 1486 par deux inquisiteurs dominicains, l'Alsacien Heinrich Kramer et le Suisse Jakob Sprenger. Commandité par l'Inquisition, ce livre décrit les pratiques des sorciers et les méthodes à suivre pour les reconnaître. On peut y lire notamment que les "sorcières" ont le "vagin insatiable", que, lors des sabbats, elles se livrent à des orgies et s'accouplent avec le diable, mais aussi qu'elles rendent la terre et les animaux stériles et les hommes impuissants. Ces descriptions reflètent sans doute les fantasmes sexuels de certains inquisiteurs. En Europe, cette "chasse aux sorcières" a fait des dizaines de milliers de morts, majoritairement des femmes.
[...]
A partir du VIe siècle, ces écoles "antiques" se transforment en écoles catholiques, donnant ainsi à l'Église le quasi-monopole de l'enseignement. Au Moyen Âge, l'éducation des filles relèvera essentiellement de l'enseignement des principes de vertu, de piété et de bienséance. 
[...]
L'éducation religieuse des filles se poursuit à la Renaissance. En 1523, dans De institutione feminae christianae (L'Institution de la femme chrétienne), le théologien espagnol Juan Luis Vivès recommande l'enseignement de la lecture et de l'écriture aux femmes nobles, mais exclusivement à partir d'ouvrages de morale et préconise leur maintien le plus possible à l'intérieur de leur maison afin d'éviter les tentations et les calomnies qui pourraient ruiner la réputation de leur famille.
[...]
Au XXe siècle, en 1957, si la religion catholique reconnaît (ENFIN) l'égalité de l'homme et de la femme et prône leur égale responsabilité culturelle et sociale, elle continue à justifier, souvent en invoquant saint Paul, la prééminence de l'homme sur la femme comme en témoigne cet extrait de l'allocution aux jeunes mariés prononcée en 1941 par le pape Pie XII : "La famille que vous avez fondée a aussi son chef, un chef que Dieu a investi d'autorité sur celle qui s'est donnée à lui pour être sa compagne, et sur les enfants".
Seul l'homme peut être ordonné diacre comme l'a rappelé le concile Vatican II qui s'est tenu du 11 octobre 1962 au 8 décembre 1965.
Comme le fait si justement remarquer l'exégète Annie Jaubert* à propos des milieux ecclésiastiques qui font de certains propos de l'apôtre Paul des règles "d'or" : "Il serait temps de s'interroger et de se demander si la défiance très réelle de certains hommes d'Église à l'égard des femmes ne s'est pas plutôt mise à l'abri sous l'égide de saint Paul". »

*Agrégée, historienne, spécialiste des origines du christianisme, maître de recherche au Centre national de la recherche scientifique, a suivi les cours de théologie à l'Institut catholique de Paris dans les années 1946-1948, puis les cours de l'École biblique et archéologique française de Jérusalem (1951-1952).

Alors.
L'Église s'est beaucoup fourvoyée, contredite, rétractée pour finir par apostasier certaines de ses thèses, abjurer certains de ses actes. Même pour l'immaculée conception qui n'est devenue un dogme de l'Église que le 8 décembre 1854, promulguée par le Pape Pie IX. Auparavant, à certaines époques, l'immaculée conception a pu être considérée comme une hérésie.

A propos de l’Église européenne du XVIIIe siècle voici ce qu’en disent deux éminents historiens de renommée internationale.
« Quelle qu’en soit la cause, - abus de l’asile religieux ou des privilèges cléricaux faisant obstacle à la réforme judiciaire, droits fonciers inaliénables empêchant le développement économique, monopole de l’instruction publique alourdissant la formation des fonctionnaires, ou dogme empêchant le traitement égalitaire de sujets loyaux et précieux -, l’Église catholique romaine, en particulier, semble toujours se mettre en travers du progrès. »
(John M. Roberts, Odd Arne Westad dans Histoire du Monde, Editions PERRIN)  

Aujourd'hui elle s'oppose à la contraception par des méthodes artificielles, au diagnostic prénatal pour les couples exposés à des risques de transmission d'une maladie génétique, à la recherche sur les cellules souches, à la sexualité hors mariage, à l'usage du préservatif même en prévention du SIDA ; elle condamne les rapports homosexuels. Des opinions d'arrière-garde qu'elle seule défend encore contre l'avis du plus grand nombre et de la quasi-totalité des scientifiques et experts. Comme quand elle continuait de prétendre que la terre était plate comme un disque et que le soleil tournait autour d'elle.
Elle s'oppose au mariage pour tous, à l'avortement, à la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes, toutes choses que l'évolution normale des connaissances scientifiques, médicales, sociétales et philosophiques justifie.

Comme pour l'Inquisition, la connaissance de l'univers, des sciences, des idées littéraires et philosophiques, un jour elle devra abdiquer, admettre ses erreurs, rectifier ses thèses et, condamner ceux bornés qui ne l'accepteront pas comme elle a fini par reconnaitre et condamner la pédophilie de beaucoup de ses serviteurs et récemment donc l’égalité homme /femme.

"L'Église catholique, apostolique et romaine ne peut évoluer, changer, se modifier que sous la pression d'évènements extérieurs. Elle ne possède pas en elle-même de possibilités intrinsèques d'amélioration et de renouvellement : il faut et il suffit que ses manques deviennent scandaleusement insupportables pour qu'une révolte ait lieu. Après quoi, elle réprime cruellement, juste avant de devoir, pour survivre, accepter un peu de ce que la révolte a apporté." En effet.

Notre Dieu unique à tous est le dieu Yahvé des Hébreux. Il est devenu le Dieu unique à partir de 587 avant notre ère, après la destruction du temple et l’exil à Babylone. Dieu des juifs puis des chrétiens puis des musulmans.
Or la Terre et les Hommes avaient déjà été créés par d’autres.
Citons à nouveau Marylène Patou-Mathis, dans L’homme préhistorique est aussi une femme :
« Certaines d'entre elles (les déesses antiques) participent à la création du monde ou des humains, comme Neith, déesse primordiale égyptienne d'origine libyenne qui, à l'aide de sept tissus, créa les limites du monde, ou Ninhursag, déesse-mère sumérienne de la Terre qui, avec de l'argile, façonna les humains, dont Enkidu, le fidèle compagnon de Gilgamesh. »
L’épopée de Gilgamesh est connue par des écrits de la fin du 3ème millénaire avant J.C. Donc l’intervention de la déesse Ninhursag avait 1 500 ans d’avance.
Continuons :
« Peu de temps après son apparition, au 1er siècle, en Judée, le christianisme rejette le culte de la déesse-mère.
[...]
Dans Quand Dieu était femme, Merlin Stone* accuse la religion judéo-chrétienne d'avoir voulu éliminer jusqu'au souvenir de la religion ancestrale où la divinité suprême était la Grande Déesse en imposant en même temps le culte d'un dieu mâle et le patriarcat. »

*professeure, université d'État de New York à Buffalo, université de Californie Berkeley.

Alors.
À quel autre Dieu se fier maintenant : la trinité hindoue - Brahma, Vishna, Shiva -, le Bouddha Siddhārtha Gautama du Bouddhisme, le dieu Soleil Huitzilopochtli des Aztèques, le dieu Soleil Inti des Incas, Yahveh ou Yahvè du judaïsme, Toutatis des gaulois, Allah de l'Islam, ou ceux des panthéons maya, grec, romain ?
Quel est le bon ?
Et si, il n'y en a pas ?
Comment peut-on ne pas se poser ces questions ?
Et parfois, agir quand même, malgré le doute inévitable ?
Jusqu'à commettre des actes criminels voire terroristes, au nom d'un dieu hypothétique.

Quel est le message unique de cette chronique et des deux précédentes, ("Au nom de dieu. Oh, nom de dieu ! " - "Est-ce l’islam seul le problème ou les religions en général ? ") ?
À tous les fidèles de quelque religion que ce soit.
Croyez en qui et en ce que vous voulez, si vous le voulez.
Agissez selon les préceptes de votre foi, si vous le voulez.
Priez, communiez, célébrait, partagez, catéchisez, versez votre obole, si vous le voulez.
Ça ne regarde que vous et votre conscience.
Mais comme citoyens, ne cherchez pas à imposer les dogmes de votre Église à la République c’est-à-dire à tous les autres citoyens parmi lesquels nombreux sont ceux qui n’en veulent pas. Et qui vous fichent la paix, eux.
Pour l’amour de Dieu !

En complément des chroniques :
Au nom de dieu. Oh, nom de dieu !
Est-ce l’islam seul le problème ou les religions en général ?
La réalité historique : l’antisionisme n’est pas de l’antisémitisme
Le voile, un malaise, pourquoi ?
Israël, ce dont on entend rarement parler

La grande invasion. Mirage ou réalité ?

Mon Blog


Lire l'article complet, et les commentaires