Sida la star

par bénédicte desforges
mercredi 6 avril 2011

Ils sont bien jolis, ces ambassadeurs d’un jour de la lutte contre le Virus.
Tous, ils sont allés, haute couture et très basse cour, défiler sur les écrans, avec leur ruban rouge par-dessus leur cœur sec, et leur mine compassée, pour délivrer des messages pédagogiques au bon peuple de télédécérébrés que nous sommes.

Pécho c’est bien, se protéger c’est mieux.

Ils se sont réunis, la caste séronégative du marketing humanitaire, autour de Pierre Bergé et Line Renaud, les maîtres de cérémonie à l’occulte rémunération. Et ils ont bu du champagne, et ils se sont fait tirer le portrait, fardés et sapés. Egos turgescents devant des gros noeuds rouges. Interviews et nouvelles stars. Comédie et comédiens. Chanteurs, fausses notes et fautes de goût. Indécence. Ils se sont faits héros, en lutte contre le grand ravage. Certains les ont même trouvés émouvants.

Sortez couverts. De honte.

J’avais vomi le baiser de Clémentine Célarié au séropo. Avec la langue. Pour mieux voler l’âme de la maladie et la revendre. À son compte. Fatalement.
Pour en faire du clip, du making-of de Sidaction, de la chanson et du slogan, de l’égérie, d’un seul coup de bouche hypocrite, du fric et de la renommée.

Ne laissons pas gagner la maladie. Combien gagne-t-on à la rejouer ?

Elle, héroïsme factice et simulé sous des applaudissements bien portants,
Et lui, pestiféré, désigné intouchable par cette démonstration, avec son mauvais sang, et sa tête d’exploité ébahi qui aurait gagné au loto salivaire de la star en mal de scènes.
Mise en scène.

Le Sida tue encore.



Ils sont venus, ils sont tous là, à la fête du Virus-prétexte.
Des VIP pour le VIH.
Le Sida, c'est ta secret-story ou pas ?
Ils sont tous là, le créneau Sida affiche complet.
Et tous, ils sont plombés. Syndrome d’Immuno Décadence Artistique.
Les autres n’avaient rien à dire, rien à déclarer, rien pour la télé, rien à faire briller.
Anonymes. Ils n’ont pas reçu de carton.

Le Sida ça plombe l’ambiance.

Le virus du Sidaction, il faut qu’il soit mignon comme une microscopie électronique, petit oursin piquant et même pas mal, glamour à fond, lisse et vernis, il faut qu’il soit désincarné, sans biologie, ni anatomie. Sans sérologie. Le VIH du Sidaction, il se chante, il se rigole, il se trinque.
Les malades, les séropositifs, les médecins, les chercheurs, les associations, ne sont pas en prime time, ils reviendront un autre jour. Peut-être. Le prime time, c’est fait pour rigoler. Pour oublier.
À force d’être pris pour des cons, on le devient.
On se prête au jeu. On finira par trouver ça normal de jouer au con.
On ne parle plus sérieusement des choses sérieuses.
Plus rien ne vaut un peu de rigueur. Plus rien n'est vraiment grave.

Dans le monde, une personne meurt du Sida toutes les 10 secondes.

Il parait que le compteur à fric ne tourne pas si vite qu’il le faudrait.
Il parait que c’est bien ennuyeux parce que l’État a des oursins dans le porte-monnaie.
Charity bizness, frais de fonctionnement, salaires trop gras, the show must go on, mais il parait que ça s’est su.

Mais alors, qui va gagner des millions ?
- Il y répond à la question ? Il prend un joker ce crétin à paillettes ?
- Il a tout faux ! C’est foutu.
- Ton sort était entre ses mains. Célèbre et inculte.
- C’est vraiment foutu. Éliminé.
- Ah le con, il veut donc que je meure !

Sidaction 2010


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