Signes distinctifs : chevaux de Troie ou besoins identitaires ?
par Antoine Christian LABEL NGONGO
lundi 23 octobre 2006
Il est étonnant de constater la situation « rocambolesque » qui s’est développée en peu de temps en Angleterre, avec la mise à pied de personnes (hôtesse de l’air et assistante pédagogique) qui portaient des signes distinctifs religieux, et l’agitation qui a suivi, un débat enflammé sous le prétexte qu’on a encore touché à l’islam. Il y a de quoi être scandalisé. Les chrétiens se sont-ils agités autant pour celle qui portait sa grosse croix ?
Y a-t-il aujourd’hui omerta sur certains sujets dans notre société ? Il y a de quoi être scandalisé. La démocratie en Occident sert à quoi ? Un professeur se retrouve menacé de mort parce qu’il a écrit un article. Nous ne pouvons pas trouver cela normal. Il y a de quoi se demander si parfois les extrémismes dans certaines civilisations ont le droit d’exister, ont-ils le droit d’être, s’il faut en arriver à menacer la vie des gens ? Ce n’est pas normal, ce n’est pas juste que de telles situations se produisent en Occident. Chacun a une certaine idée et un certain respect des religions des autres. Qu’en est-il des citoyens occidentaux de ces confessions, qui sont bien contents de profiter de tout ce que la démocratie occidentale propose et offre, et qui en outre veulent affirmer leurs différences ? Voudraient-ils qu’un Le Pen ou un homme comme Hitler vienne au pouvoir et décide de les chasser et pourchasser ? Les comportements qui se produisent à répétition font craindre le retour vers une « bien pensance » et/ou un « bien-être » européen, qui nous amènerait des hommes dangereux, voire très dangereux pour la démocratie.
La loi sur la laïcité
Le projet de loi prévoit que "le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit" dans les établissements scolaires publics. La loi s’appliquera sur tout le territoire, y compris dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle sous le régime du Concordat. Outre-mer, des concessions ont été accordées, pour tenir compte de certaines traditions. Ainsi, les habitants de Mayotte, à forte majorité musulmane, pourront continuer à porter à l’école le "salouva" (petit bandana) et le "kishall" (petit voile). Le texte est entré en vigueur à la rentrée scolaire 2004.
Pourquoi cette loi est-elle venue en France ? Nous pouvons dire qu’elle a été mise en place afin de calmer les ardeurs extrémistes et pour stopper toute polémique. Depuis peu, nos voisins anglais connaissent des troubles semblable. La polémique est partie sur le port du niqab, le voile intégral qui ne révèle que les yeux. Or en Angleterre, le foulard standard ou hijab, tout comme le turban et les bracelets sikhs, reste un élément courant du paysage scolaire britannique, ces signes de religion n’offusquent personne. Pourquoi donc faire autant de bruit, alors que la situation dans ce pays semble plus tolérante que dans d’autres ? Il faudrait peut-être chercher la réponse ailleurs qu’auprès des manifestants. Les Anglais ont-ils besoin de faire voter une loi dans ce sens ?
Absence d’agitation en Tunisie
Le président tunisien Zine el Abidine Ben Ali a stigmatisé mercredi dernier le voile (hijab) d’inspiration sectaire importé de l’extérieur ; néanmoins il prône "la décence et la pudeur" vestimentaires, les ministres de son gouvernement ont abondé dans son sens en condamnant également le port du voile et du "qamis", longue tunique de coton, et de la barbe par les hommes. Le président tunisien a distingué ces vêtements tunisiens authentiques, en indiquant que son pays était soucieux de consacrer les valeurs de décence et de pudeur en raison de son attachement à la sublime religion islamique.
Pendant les réunions publiques organisées durant ce mois du Ramadan, des dirigeants ont mis en garde la population contre le "danger" représenté par ces habitudes vestimentaires. Un ministre a rappelé cette tenue vestimentaire, d’inspiration sectaire, était étrangère à la Tunisie, à sa culture ainsi qu’à ses traditions. Pour ce membre du gouvernement, le voile est un slogan politique affiché par un groupuscule qui se dissimule derrière la religion pour réaliser des desseins politiques.
Nous constaterons qu’aucune agitation n’a eu lieu dans ce pays musulman. Les mêmes qui « s’agitent » ou qui prônent l’intolérance sur l’expression démocratique, n’ont pas osé critiqué le gouvernement tunisien. Pourquoi donc faire autant de manifestations en Occident si dans un pays de confession musulmane, on ne peut pas aller critiquer les dirigeants qui critiquent le port de certains effets religieux ? Monsieur Reda M’henni, homme politique, a même indiqué qu’autoriser le port du voile provoquerait "une véritable régression et une atteinte à l’un des principaux attributs qui fondent la stabilité de la société, le progrès du peuple et l’invulnérabilité du pays".
Fermeté et souplesse du gouvernement tunisien
Les autorités tunisiennes insistent pour que la circulaire 108 interdisant le port du voile "dans les établissements publics, éducatifs et universitaires, ainsi que dans tous les espaces publics" soit respectée et bien appliquée. Cette circulaire 108 interdit le port du voile depuis le début des années 1990, au lendemain de l’interdiction du Parti islamiste Ennahda (Renaissance) dont de nombreux militants, emprisonnés, ont bénéficié au printemps dernier d’une amnistie.
Le port du voile est dénoncé, néanmoins les autorités incitent à l’adoption de l’habit national original comme le foulard, qui fait partie des traditions nationales, notamment pour les femmes âgées et dans les campagnes.